- T'es un grand malade tu le sais ça ?
- Ca va... Je voulais juste t'aider.
- Eh bah garde ton aide pour quelqu'un d'autre. Je ne toucherai pas à cela.
Je replongeai avec agacement dans la fiche sous mes yeux, anxieuse à l'idée même de croiser son air suffisant. Il devait se payer ma tête et je n'avais pas la force d'affronter de quelconques railleries.
- Sérieusement, je ne voulais pas te blesser, chuchota t-il.
- Qu'est-ce qui te fais croire que tu m'as blessée ?
- T'as parfaitement le droit de penser que je ne suis qu'un drogué de service, mais je sais voir quand une personne va mal.
- Tu te trompes alors, conclus-je cinglante.
- Pourquoi tu fais ça ?
Je le regardai sans comprendre. De quoi m'accusait-il au juste ?
- Pourquoi tu te mets cette espèce de carapace ? Tu ne veux pas que les gens découvrent que tu as tes faiblesses ?
- Je n'ai pas de faiblesse.
- Si bien sûr. En revanche, t'as aucune raison valable de faire la gueule.
- Ne viens pas me parler de choses que tu igno...
- Alors raconte. Qu'est-ce que je ne sais pas ?
Je constatais avec mépris qu'il arrivait à compléter le questionnaire tout en me parlant alors que j'étais obnubilée par ses répliques. C'était déroutant cette facilité avec laquelle il entretenait la conversation alors que j'aurais juré devoir lui arracher ne serait-ce qu'une approbation pour le devoir en question.
Je ne pris pas la peine de répondre à ses diverses interrogations, je les trouvais déplacées.
- Laisse-moi deviner alors, hmm... Problème de filles ? De cœur ? Ma pauvre chérie, tu dois te sentir bien malheureuse hein ? s'enquit-il avec cynisme.
- Sinon tu as le droit de la fermer tu sais ?
- Tu veux jouer les martyres ? Pas avec moi. A ce jeu là, je gagnerai toujours.
- J'aimerais bien entendre ça tiens...
Je regrettai mes paroles à l'instant même où il entama :
- Mes parents sont morts.
Cela commençait fort...
- Avec mon frère on s'est retrouvé balloté dans plusieurs familles d'accueil. Il n'a pas supporté et s'est suicidé l'année dernière. Il avait quatorze ans. Ici les gens m'affublent d'un nom complètement ridicule parce que lorsque je suis arrivé j'avais encore les cheveux longs et ma voix n'avait pas mué.
Je me sentais mal à l'aise, embrigadée par les autres il m'arrivait également de lâcher un « Carlotta » pour désigner Stevens au sein du lycée. Je ne le faisais en aucun cas par moquerie, mais ce n'était pas une excuse.
- Alors oui, je me détruis les neurones de substances illicites et tu sais quoi ? Je m'en tape. C'est ce qui me convient le mieux. Va donc jouer les bourgeoises en manque d'amour avec d'autres personnes mais pas avec moi.
Il m'arracha la copie des mains, griffonna quelques réponses sur le formulaire et l'abandonna sur la table avant de quitter la salle sous les protestations vaines de ma prof d'anglais.
Mais je n'en étais pas étonnée, Stevens était provocateur, désinvolte et surtout affreusement mal dans sa peau. Et moi dans tout cela, je me sentais gênée d'avoir exacerbé sa colère. D'un autre côté je ne l'avais pas forcé à vider son sac. Contrairement à ce qu'il prônait, j'avais également connu des périodes de doute, d'obscurité même, sauf que j'avais trouvé des gens sur qui me reposer et c'était justement parce que ces personnes foutaient le camp que je me sentais aussi vide actuellement.
VOUS LISEZ
Revirement
Teen FictionSuite à la mutation de son père en région parisienne, Lucie est contrainte de quitter tout ce qu'elle a toujours connu dans le sud de la France notamment Camille sa meilleure amie et Thomas qu'elle aime pourtant éperdument. Déprimée, elle tente de...