Il n'y avait personne chez elle quand elle arriva. Son père devait trimer au travail pour trouver une solution.
Durant le week-end, il avait été très présent. Elle était absolument ravie de sa présence pour la rassurer, et de passer du temps avec lui, mais la nuit, il sortait. Elle l'avait entendu rentrer le dimanche, très tôt le matin. Elle ne s'était même pas posé la question de savoir ce qu'il faisait : il allait voir ses indics afin d'avoir des réponses. Et les plus efficaces, donc les moins recommandables, ne sortaient que la nuit, ou presque.
Cela lui avait fait énormément plaisir. Et elle en avait profité à sa juste valeur. Peut-être pour la dernière fois, d'ailleurs.
Le matin, alors qu'elle partait pour ses cours, elle était tombée sur lui. Il affichait une mine épuisée, mais son visage s'illumina quand il la croisa.
– Tu as l'air plus fatigué que moi, papa... Et pourtant, c'est moi, la maudite.
– J'ai du mal à trouver le sommeil, mon cœur. Comment tu te sens ?
Sa question s'accompagna d'une main sur son front.
– Fatiguée, comme toi. Je crois que ça commence à faire effet sérieusement...
Il l'avait tenue contre son cœur et était sorti.
Elle l'avait regardé partir, le cœur serré.
Son regard tomba sur le portrait d'eux trois sur la cheminée. Si elle venait à disparaître, après le décès de sa mère, elle laisserait son père seul. Et cela la rendait triste.
Elle avisa un miroir pas loin et remit ses cheveux blonds en place. Les mêmes que ceux de sa génitrice. Tout comme le visage. Mais la corpulence et le caractère étaient clairement paternels.
Elle se secoua et mit fin à la pause nostalgie. Il fallait agir !
Dans le centre, elle croisa un groupe d'adolescents. Ils étaient une demi-douzaine et Emma les ignora. Mais ils firent tout pour se faire remarquer, bloquant son passage.
– Hé, salut ma jolie, où tu vas comme ça ?
Elle envisagea la fuite un instant. Avant de se rappeler son état de fatigue.
– Vous me faites perdre mon temps, les garçons...
Ils devaient avoir treize ans. Le chef rit.
– Bah,reste avec nous, tu verras ! Avec nous le temps est tellement agréable qu'il semble s'arrêter !
Il y eut des rires très grivois dans le petit groupe mais Emma était ailleurs. Cette phrase résonnait en elle.
Et soudain, elle se mit à sourire. C'était ça, la solution !
Elle s'avança vers le garçon en face de lui et lui prit la tête entre les mains.
– Si je ne me retenais pas, je t'embrasserais !
Elle s'esquiva sans qu'un des rebelles ne songe à la poursuivre. Leur chef resta trop abasourdi pour bouger.
– C'est peut-être possible, en effet. Je vais voir dans mes grimoires si j'ai ce qu'il faut pour réaliser cela. Tu peux attendre Allan là,si tu veux.
Elle hocha la tête et prit un siège.
Essayant de ne pas trop espérer, elle fit un bilan à date. Elle avait toujours rêvé de faire quelque chose de grandiose de sa vie. Du dessin, du théâtre...
Puis, la magie était arrivée. Offrant un univers encore plus vaste.
Et avec elle, Allan.
Elle s'était étonnée d'avoir percée aussi vite le secret du garçon.De la même façon, elle s'était étonnée de ne pas se faire envoyer balader. Sa curiosité avait eu raison... Même si elle l'avait faite passer par des événements assez incroyables.
Et par-dessus tout, elle s'étonnait d'éprouver de l'affection pour lui. Avec ce qui lui était arrivé avec Mathias... Avec Allan, elle se sentait vivante. Terriblement vivante.
Le fil de ses pensées se brisa quand il apparut. Son cœur battit plus fort.
Il avait le visage fermé. Les yeux rouges.
– Ton père va bien ? s'inquiéta-t-elle.
– Quoi ?Oui, il va bien, enfin,je pense, je suis allé marcher un peu, pour réfléchir. Demain, je suivrai nos deux compères.C'est mon ultime recours.
Elle se sentait terriblement attirée par ses bras et quand elle ne put contenir un bâillement assez sonore, il la regarda. Avant d'ouvrir ses bras.
Elle sentit à nouveau son cœur s'emballer et ses jambes flageoler. Mais elle se serra contre lui, avec un plaisir indicible.
– Emma,je crois que c'est possible. Oh, pardon.
– Possible de, demanda Allan, en essayant de se donner une contenance.
– D'arrêter le temps. Tu l'as dit toi-même, nous n'aurons sûrement pas le temps de tout faire : trouver celui qui me fait ça, l'antidote...
– Donc ?
– J'ai eu une idée en venant ici. Si on ne peut pas me sauver à temps, il suffira de me geler.
– Te geler ?
– Suspendre le temps pour moi.
– Et c'est possible ?
– Je le pense, affirma le maître. Je vais préparer l'incantation...
Et elle quitta la pièce pour une autre.
Emma eut un faible sourire et s'allongea sur le canapé, sa veste en couverture. Elle sombra quasi instantanément dans le sommeil.
Il faisait nuit noire quand elle émergea du monde onirique. Elle s'étira en respectant le silence. Elle avait dû dormir quelques heures, mais elle se sentait encore plus fatiguée. Une bougie sur la table brûlait, avec un mot et un repas. Elle reconnut l'écriture d'Allan.
On n'a pas osé te réveiller. Ton père est passé tout à l'heure. Il t'a laissé des affaires. Si tu veux rentrer, réveille-moi, je te raccompagnerai. La porte de ma chambre restera entrouverte, si tu as besoin.
Elle vit le sac et mangea un morceau. Elle regarda la porte. Une fois.Puis deux. Puis trois. Elle hésitait. Elle avait peur. Puis se décida.
Après s'être changée, elle poussa doucement la porte. Son cœur battait si fort à ses oreilles qu'elle crut que même Allan allait l'entendre. Elle se glissa avec le maximum de précaution dans le lit.
Réveillant l'occupant.
– Qu'est-ce que...
– Je peux rester là, avec toi ?
Elle savait sa voix tremblante et il hocha la tête, encore à moitié endormi.
Malgré la fatigue, il resta un long moment à la regarder dormir.
Si paisible et pourtant... En train de mourir à petit feu.
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Les Fils de Loki
FantasyAllan apprend avec stupeur que sa mère a été assassinée et que les autorités préfèrent classer l'affaire sans suite en raison de son caractère sensible. Révolté, il décide de reprendre l'enquête et trouver le coupable, malgré l'interdiction formelle...