Chapitre 2 : La convocation

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La maison de Davannel et ses deux fils se trouvait à la toute fin du village. Elle était bordée par un long mur en pierre, délimitant les frontières de Sumélie. Il fallait donc que Laïsa marche en direction du centre du village, et notamment de la place, où se trouvait la demeure de chaque chef de Sumélie, originellement construite par Antime lui-même. Désormais, cette demeure était aussi la sienne.

Adren était chef de Sumélie depuis assez de temps pour que les plus jeunes habitants du village n'aient connu que lui comme dirigeant. Mais il était âgé, ou, comme certains de ses détracteurs aimaient à le dire, il était sur le déclin, trop vieux ou trop sénile pour continuer à gérer cette petite bourgade. Laïsa n'était pas de cet avis, mais avait-elle son mot à dire ? Les conseillers de son père la considéraient comme une moins que rien. C'était une femme, après tout. Et puis, tous rêvaient de prendre la place de son père. Même dans les plus petits villages, le pouvoir en faisait succomber plus d'un.

La jeune femme laissa ces quelques pensées l'accompagner tandis qu'elle parvenait sur les pavés irréguliers de la place de Sumélie. D'habitude animée, pleine de marchands de passage ou de commerçants du village voulant arrondir leur fin de mois, la place était presque vide, à l'exception de quelques personnes discutant entre elles ou regagnant à la hâte leur chez-soi. Cela étant, il commençait à se faire tard, et le soleil ne cessait de descendre dans le ciel. La nuit allait tomber.

Laïsa inspira un grand coup, laissant entrer en elle l'air frais du dehors. Elle n'avait pas peur de son père, mais son pouls avait commencé à accélérer de manière brusque. D'ordinaire, la jeune femme savait quand elle était convoquée, et surtout, quel en était le sujet. Cette fois-ci, il semblait que les conseillers d'Adren avaient décidé cette petite réunion à la hâte, presque secrètement, de manière à mieux la discréditer. Laïsa se sentit soudain plus lourde, comme si un poids venait de s'ajouter sur ses épaules. Cette convocation allait être une épreuve angoissante. 

Le logis d'Adren se situait au nord de la place, encastré entre deux autres maisonnettes. D'apparence, la demeure était ordinaire, et rien ne permettait de distinguer cette maison d'une autre. L'intérieur était d'un tout autre acabit.

La porte d'entrée donnait sur une pièce circulaire, assez grande pour que des chaises soient disposées en arc de cercle, sur tout le bord de la pièce. Au milieu, un simple tapis aux fils rouges et dorés était posé au sol. Face à la porte se tenait un fauteuil, plus haut et plus grand que les autres, du même rouge bordeaux que le tapis. Sur ce fauteuil trônait un homme à la barbe poivre et sel, et à l'embonpoint voyant. Si Adren n'avait pas été chef de Sumélie, il aurait pu être un de ces vieux hommes rieurs et joyeux, adorables avec leurs petits-enfants, et heureux de vivre. Cependant, le poids de sa charge se faisait ressentir sur les épaules du vieil homme, et ses yeux étaient fatigués. Tout autour de lui, la dizaine de chaises étaient également occupées, toutes par des hommes dépassant la quarantaine.

Laïsa se contenta de respirer calmement, essayant de dissimuler sa peur. Pour que tous les conseillers soient présents, c'était que quelque chose de grave l'attendait. Les hommes étaient en discussion quand la jeune femme entra, et personne ne se donna la peine de relever la tête vers elle pour la saluer, ni de s'arrêter de discuter. Tous étaient trop préoccupés par leur conversation pour saluer une femme inexpérimentée comme elle. Seul le chef trouva le regard de sa fille, et cela la réconforta un peu. Laïsa resta donc devant la porte, et attendit que leur attention se porte sur elle. Elle en profita pour récupérer quelques brides de leur conversation : Fadiata, des ruines, une femme, une ville prise, plus aucun mage pour protéger Meld. Ces mots étaient alarmants, mais elle décida de ne pas interrompre les conseillers, d'attendre de demander plus en détail ce qu'il en était à son père.

La Légende du DranixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant