Chapitre 8 : Le Joyau de la Terre

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Laïsa était appuyée contre le rebord de la fenêtre de sa chambre, et regardait passivement le matin se lever sur le jardin du château de Meld. Sur l'aire d'entraînement se tenaient Ewan et Grag, s'échangeant des coups à l'aide d'épées factices en bois. Elle sourit légèrement devant cette scène, mais cette joie fut passagère, et son visage se rembrunit soudainement. La jeune femme fut vite rattrapée par des pensées moins positives. Son regard se détourna alors du spectacle que lui offraient les deux escrimeurs, pour se mettre à balayer la chambre que lui avait concédé le couple royal.

Sa première réaction avait été de refuser l'invitation du roi Korbhe et de la reine Lina à séjourner dans le palais royal. Ils voyaient dans les voyageurs de Sumélie un signe de la providence, qui venait leur rendre leur fils unique et bien-aimé. Il était du devoir des souverains du Royaume de la Terre, selon leurs propres dires, de loger et de partager le pain avec les sauveurs de l'héritier du trône. Laïsa, quant à elle, ne voyait pas les choses du même œil. Elle ne voulait plus avoir affaire à Grag, qu'elle accusait de s'être moqué d'elle et de son groupe. Et, étonnamment, en son for intérieur, Laïsa ne pouvait pas supporter de voir que son seul ami s'épanouissait en la compagnie du Prince de Meld. Cela la mettait hors d'elle, mais la jeune femme faisait tout son possible pour se maîtriser du mieux qu'elle le pouvait.

Il avait fallu l'intervention de ses compagnons de route pour que Laïsa change d'avis. Ewan y voyait une occasion parfaite de vivre une nouvelle aventure, surtout que le prince Grag lui avait promis de continuer avec lui les cours d'escrime. Amélia et Jilian y voyaient le prestige qu'impliquait le fait d'être invités personnellement par sa Majesté le roi Korbhe. Cette considération était pour Laïsa purement matérielle, et elle ne sentait pas privilégiée d'être invitée par le roi. Davantage pragmatique, Kert éclaircit son point de vue en expliquant que séjourner dans le château de Meld leur offrait la possibilité de consulter à leur guise la Bibliothèque Royale, ainsi que de questionner les érudits du château.

Le seul point qui chagrinait la jeune femme était que Félicien avait, de nouveau, refusé de les accompagner jusqu'au château. Elle commençait à connaître le soldat : un mal de tête ne pouvait avoir raison de lui. Il devait y avoir une seconde explication à cet entêtement. Elle se promit de l'interroger dès leur retour à l'auberge et leur départ de Meld.

Tous ces arguments avaient fini, toutefois, par convaincre Laïsa, qui avait consenti à rester dans le palais royal le temps qui leur fallait pour trouver les informations nécessaires à leur quête. Elle avait misé tant d'espoir sur leur visite à la capitale, qu'elle ne pouvait pas tout saboter à cause du comportement déplacé d'un homme, fut-il prince. C'est ainsi que les amis se retrouvèrent à la table des souverains de Meld, et c'est ainsi que Laïsa se vit attribuer cette chambre spacieuse, d'où elle avait pu observer son ami Ewan qui profitait de son enseignement.

C'est en ressassant ses réjouissantes pensées que la jeune femme se dirigea presque mécaniquement vers une commode en acajou, sur laquelle était posé un unique chandelier à huit branches. Dans ce meuble avaient été entreposés des vêtements à sa taille. Laïsa inspira avec dépit. Si elle devait se plier aux us et coutumes de la cour meldienne, soit, elle suivrait l'étiquette, telle une vraie femme de haute naissance.

Habillée d'une robe verte olive, qui lui arrivait aux genoux, et qui la serrait à la taille grâce à une ceinture en cuir tressé, Laïsa descendit les escaliers qui séparaient sa chambre située dans l'aile ouest, du rez-de-chaussée de la bâtisse, afin de rejoindre son jeune ami. La luminosité était faible en ce début de matinée, mais la jeune femme n'eut aucun mal à se repérer dans les jardins, surtout en cherchant deux épéistes dans le parc désert. Ewan vit spontanément Laïsa et lui fit un signe de la main, ce qui lui valut de se prendre un coup d'épée dans les côtes, son professeur semblant intransigeant. Ewan se mordit la lèvre, ne voulant pas montrer que cette attaque l'avait touché. Grag releva alors seulement la tête, et sourit en direction de Laïsa. Celle-ci resta de glace, et observa le spectacle de là où elle était, à plusieurs mètres. Les deux silhouettes échangèrent encore quelques coups, puis Grag leva le bras pour suspendre la séance, et cria un ordre à l'un des serviteurs qui se trouvait à proximité. Quelques instants plus tard, Laïsa vit une troisième silhouette, assez massive, intervenir et serrer la main d'Ewan. Suspicieuse, et anxieuse pour son ami, la jeune femme s'avança, le pas hésitant du fait de sa tenue à laquelle elle n'était pas accoutumée : à Sumélie, elle était davantage habituée à porter des vêtements souples et pratiques.

La Légende du DranixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant