Chapitre 19 : Yyola

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Alors que Feinaick leur avait offert un panorama somme toute similaire à celui de leur Royaume, avec ses maisonnettes en briques grises anthracites et en bois, le paysage qui se révéla à la vue des passagers des deux barques aménagées les laissa sans voix. Le Monde de la Terre n'était qu'un amas de couleurs monotones, d'un vert dépassé et d'un gris sans éclat. Parfois, les arbres se métamorphosaient et se teintaient de pigments bordeaux et orangés. Cependant, cela ne durait qu'un temps.

Le Monde de l'Eau échappait à cette monotonie. De part et d'autre des carrosses, il y avait des lacs et des rivières à perte de vue. L'horizon était clairsemé de quelques vallées, ce qui n'empêchait pas les courts d'eau de s'y attaquer et d'en retomber en petites cascades. Cela provoquait un bruit régulier et reposant, celui du clapotis de l'eau, de l'eau qui se frayait un chemin parmi les éléments.

Partout ailleurs, l'herbe était d'un vert trop verdoyant pour être réel, et des parterres de fleurs et de bourgeons que Laïsa n'avait jamais vu bordaient chaque étendue d'eau. Il y a avait même des plantes flottant sur l'étendue bleutée, rendant la navigation malaisée pour les cochers maritimes. Quand elles étaient parfaitement ouvertes, ces grosses plantes laissaient se balancer leurs feuilles immenses sur le bord de l'eau, et se dévoiler une boule cuivrée scintillante au milieu de toute cette chlorophylle. Après avoir plus regardé plus en détail cette boule, Laïsa conclut que ce devait être une fleur, elle aussi, mais elle brillait avec une telle intensité que la jeune femme se demanda si, tout compte fait, elle ne rêvait pas.

Cet endroit semblait idyllique : le vent, qui les avait tant indisposés lors de leur périple au se légère brise, amicale et bienvenue pour repousser la chaleur du soleil. Se pouvait-il qu'il existât un endroit plus heureux dans les Quatre Mondes ? Laïsa n'eut pas à chercher longtemps sa réponse : les visages de ses compagnons tout aussi ébahis que le sien lui confirmaient sa pensée : aucun lieu ne pouvait rivaliser avec le Monde de l'Eau.

Tandis que tous, à l'intérieur de la deuxième dilligence flottant, admiraient la beauté sans nom de ce nouveau paysage, et qu'Ewan, à vouloir gesticuler pour ne rater aucune miette de ce spectacle, commençait à attraper un torticolis, Laïsa aperçut que la navigation se faisait plus dense : d'autres barques et coques les avaient rejoints, et tous convergeaient vers la même destination, malgré l'heure matinale. Il n'en fallut pas plus à Laïsa pour comprendre : ils arrivaient à Yyola.

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Les deux fiacres ne s'arrêtèrent pas à l'entrée de la capitale : le rang d'Elheäd devait y être pour quelque chose. Alors qu'ils flottaient vers le palais de la Reine Carmen, Laïsa et Ewan en profitèrent pour jeter un œil sur cette nouvelle ville. De ce qu'ils pouvaient en voir, Yyola n'avait rien à voir avec les autres bourgades qu'ils avaient traversé. La ville entière était construite sur un immense lac, si ce n'était l'Océan Impérial lui-même.

Les bateaux passaient par-dessous des maisons, qui s'élevaient au-dessus du sol grâce à une structure en bois et en ferraille. La capitale entière était sur pilotis, et les maisons entre elles étaient reliées par des pontons fragiles, ou par des cordages dignes d'un aventurier. Parfois, de longs ponts avaient été aménagés pour constituer ce qui se rapprochait le plus d'une rue, permettant ainsi aux habitants d'être reliés les uns ou autres. À chaque poteau qui soutenait une maison, une barque était attachée par une corde rugueuse. Les habitants ne voulait décidément pas que leur seul moyen de locomotion leur soit arraché.

Quelques minutes plus tard, la barque d'Elhëad et celle de Laïsa arrivèrent au palais de la Reine Carmen. De là où ils étaient, les compagnons ne pouvaient pas apercevoir le palais, mais ils se rendirent bien vite compte que la luminosité si éclatante qui les avait charmé avait laissé place à une obscurité malvenue. La jeune femme lança un regard interrogateur à Félicien et Kert, mais aucun d'eux ne semblait savoir pourquoi la pénombre les encerclait tout à coup. Même arrivés à leur destination, le noir les enveloppait, tant et si bien que Laïsa ne voyait pas plus loin que ses pieds dans ce brouillard sombre.

La Légende du DranixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant