Ce ne fut qu'au bout de la septième journée de traversée que le Monde de l'Eau fit son apparition. Rovald et son second n'avaient pas voulu faire de La Belle Marreen une épave, aussi la carcasse boisée du navire glissait-elle lentement sur la surface luisante de l'Océan Impérial. Laïsa avait ainsi tout le temps de contempler la tranquillité de l'eau, les coudes posés sur ce qui restait des rambardes. Ce fut à cet instant, alors que rien ne se mouvait, et que même les vagues s'étaient faites rares, que les falaises se détachèrent de la brume matinale. La jeune femme crut un instant que les immenses rochers étaient bleus, mais elle secoua vivement la tête, certaine que l'azur qui les entourait depuis une semaine y était pour quelque chose dans cette coloration visuelle.
Il lui semblait cependant, tandis que la coque voguait en direction des terres, que cette sensation bleutée se renforçait. Devant son air surpris, Rovald vint rejoindre la Sumélienne sur le bord de son navire, enclin à lui fournir quelques explications.
- J'sais c'qui vous perturbe. C'est pas une impression d'optique. Le Monde d'l'Eau a tell'ment d'rivières que l'eau doit bien s'déverser que'que part. C'que vous voyez, ce sont des cascades. »
Laïsa regarda un court instant le capitaine, puis reporta son attention sur les falaises d'un bleu livide qu'elle avait découvertes quelques minutes plus tôt. Elle ne perçut pas tout de suite le mouvement des rochers, cette impression qu'ils étaient en constante chute : jamais la jeune femme n'avait vu quelque chose de semblable auparavant. C'était comme si le Monde entier était dans un perpétuel tourbillon aquatique. Bien qu'elle ne puisse pas entendre l'éclat produit par l'eau qui dégringolait, ni sentir les gouttes d'eau l'éclabousser, Laïsa comprit qu'elle allait arriver dans un Monde bien différent du sien...
Peu de temps plus tard, un matelot commença en rugir à tue-tête un « Terre à l'horizon ! ». Les autres compagnons en profitèrent pour contempler le nouveau paysage qui leur faisait face. Ils pouvaient distinguer les cascades, et le bruit de l'eau qui s'entrechoquait, mais aussi la végétation chatoyante de ce Royaume. Les plus attentifs purent même distinguer les structures en bois et en pierre taillée qui se détachaient de ce décor idyllique : un bourgade était en vue. A la forme particulière des mats qui se dressaient pour transpercer le ciel, tous savaient qu'ils étaient enfin arrivés à Feinaick.
Sains et sauf.
Une heure plus tard, La Belle Mareen prenait elle aussi place dans la foule de tissus et de bois flottant sur l'eau. Elle ne s'aventura pas très loin dans le port : les dégâts du bateau avaient de quoi surprendre, et ils ne passeraient pas inaperçus. Il fut convenu que Emirick et Rovald restent à bord de leur vaisseau, pour évaluer l'ampleur des dégâts et se remettre de leurs émotions. Après avoir remercié les deux hommes et le reste de l'équipage pour les risques qu'ils avaient accepté de prendre, les compagnons reprirent leur route. Le second leur avait conseillé de se rendre chez son neveu, un dénommé Goulven. Ce dernier avait la réputation de connaître les canaux et les rivières du Monde de l'Eau comme sa poche.
Ils se mirent donc en quête de cet homme si ingénieux, et parcoururent les rues de Feinaick. Seulement, force était de constater que ce port n'avait rien de comparable avec Lynéance. Les maisons et les commerces étaient tous en bois et en pierre dure, grise, et de petite plate-formes formées de planche en bois étaient disposées devant chaque porte, tout le long des rues de la ville. Entre ces deux rangées de plate-formes, il n'y avait que de l'eau, et les dizaines de barques qui circulaient comme circulaient les charrettes dans les rues des bourgades du Royaume de la Terre. Les charrettes aquatiques transportaient de tout et de rien : des gens en voyage, ou des familles entière ; de gros sacs en toile ; des marchandises en tous genres ; parfois même des animaux et du bétail. Toute cette circulation s'entremêlait et s'entrecroisait avec facilité, comme un ballet marin. Les compagnons étaient subjugués par tant d'ingéniosité de la part des habitants de ce monde : ils se déplaçaient avec une telle aisance qu'eux-mêmes se sentaient mal à l'aise, en déambulant sur les planches en bois qui tanguaient au gré des vagues produites par les embarcations légères et par le poids des voyageurs.
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La Légende du Dranix
FantasyLaïsa, jeune villageoise sans histoire, se retrouve embarquée dans une quête en apparence impossible. Elle doit retrouver les joyaux des Quatre Mondes, et débarrasser son village de la terrible menace qui plane sur lui chaque siècle : le Dranix. Ma...