La Légende du Dranix

Chapitre 5 : L'intrus

Sumélie se situait au sud du Royaume de la Terre. Aussi, il fallait remonter en direction du nord, là ou se trouvait la capitale, Meld. Il faudrait à la vaillante troupe plusieurs jours pour atteindre leur destination, et, comme le temps ne leur était pas encore compté, Laïsa décida de prendre un rythme assez lent. Elle n'était pas très à l'aise à cheval, et elle savait que cela aiderait Kert et Ewan à tenir le coup.

La matinée avait été assez belle, mais fraîche. Le début d'après-midi avait permis à l'air de se réchauffer, ce qui n'était pas sans plaire à Laïsa. Elle n'avait cessé de resserrer un peu plus sa veste kaki contre son cou. L'air plus doux allait lui permettre de profiter sereinement du début de son voyage. Sauf que Kert ne la laissa pas prendre ce plaisir. Après quelques bonnes heures de route, le vieil homme prit les devants et plaça sa monture près de celle de Laïsa, lui faisant comprendre qu'il avait besoin de s'entretenir avec elle. Sachant que ce moment devait arriver, la jeune femme préféra le subir tout de suite, alors qu'elle était dans un bon état d'esprit. Kert se racla la gorge, avant de prendre timidement la parole :

- Ma chère Laïsa, je tenais à vous dire que cette aventure en votre compagnie sera une merv... »

- Cessez d'être galant avec moi, Kert. » le coupa Laïsa. Elle était décidée à ne pas se laisser manipuler ou influencer par n'importe quelle personne l'accompagnan. Surtout si cette personne faisait partie du même Conseil qui l'avait forcée à prendre part à cette mission. La jeune femme poursuivit dans sa tirade assassine : « Vous n'êtes là qu'en tant qu'espion des autres conseillers, trop apeurés pour s'aventurer en terre inconnue. Je dois admettre que vous avez le cran de venir, mais ne vous avisez pas de croire que je vous estime plus que cela. »

Laïsa tenta de mettre une distance entre elle et le conseiller, mais celui-ci se révéla être à l'aise sur une monture, car il se retrouva à nouveau à hauteur de la jeune femme, s'obstinant à vouloir s'expliquer :

- Laïsa, je crois que vous ne comprenez pas. Je vous concède qu'à votre place, j'aurais les mêmes soupçons. Mais je suis davantage un ami de votre père qu'un membre de ce Conseil. Et j'aime à croire qu'au fond de vous-même, vous le savez également. » Kert reprit sa respiration dans un grand souffle bruyant, tel un homme manquant tout à coup d'oxygène et d'exercice. Quand il se sentit mieux, il reprit le cours de ses paroles : 

- Le Conseil n'est que la réunion d'une bande d'arriérés qui ne pensent qu'au pouvoir. Regardez-moi : je suis vieux, et je ne pense pas survivre à un tel périple. Croyez-moi, quand je vous dis que je serai votre allié. Si je peux aider le village qui m'a tout enseigné, et qui m'a vu naître et vieillir, alors je vous aiderai. Sachez qu'à partir de ce jour, je vous suis entièrement dévoué. »

Le vieil homme abaissa légèrement la tête en direction de Laïsa, puis ralentit sa monture afin de reprendre sa place initiale, à l'arrière du cortège. Il se mit alors à discutailler de tout et de rien avec le jeune Ewan, visiblement content que quelqu'un s'intéresse à lui. La jeune femme remuait dans sa tête ce que venait de lui dire Kert. Qu'avait-elle à perdre, de toute manière, à l'écouter et à lui faire confiance ? Il était vrai que Kert avait toujours été le conseiller le plus silencieux, et mais aussi l'un des plus proches de son père. Cela suffisait-il cependant à se reposer sur lui ?

- Qu'est-ce qu'il cause, vous ne trouvez pas ? »

Perdue dans ses pensées, Laïsa n'avait pas remarqué qu'une autre personne avait pris la place occupée juste auparavant par Kert. Elle sourit légèrement aux paroles de Félicien, et tourna son visage vers le sien. Elle commençait à apprécier le soldat, car il semblait toujours avoir une phrase pour rendre l'atmosphère moins pesante. Néanmoins, la jeune femme se défendait de lui faire confiance, du moins pour l'instant. Parfois, il valait mieux apprendre à juger les gens plutôt que de leur accorder de suite notre foi et nos certitudes. Cependant, cela ne l'empêchait pas de discuter avec lui, le voyage n'en serait que plus court :