Chapitre 12 : Lynéance

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Le plus grand port du Monde de la Terre ne devait pas sa renommée à son étendue ni à ses dimensions, mais à son agencement tout particulier. Lynéance n'était pas un hameau qui s'était construit tout le long d'une place sableuse, car la grande majorité des côtes du Royaume de la Terre étaient constituées de falaises toutes plus hautes les unes que les autres.

Mais, au milieu de toutes ces immenses falaise, s'était formé, au cours des siècles, un golfe étroit au sein des terres du Monde de la Terre. Cette avancée d'eau s'était révélée propice à l'émergence d'un port, et c'était ainsi que Lynéance s'était bâtie, au fil des décennies, entourant le bassin non fermé qui constituait un lieu privilégié où les bateaux pouvaient s'amarrer en toute tranquillité.

C'était la vue qu'avaient les voyageurs, tandis qu'ils descendaient la dernière pente qui les mènerait au port. Les relents de sel et d'eau étaient encore plus puissants ici qu'il y avait quelques jours, et cela avait un effet délassant sur l'ensemble du groupe. Néanmoins, leur allure de marche était toujours pesante, malgré leurs poches bien vides, et l'espoir un peu fou de trouver nourriture et repos dans la ville, alors même qu'ils n'avaient pas eu de quoi se payer une bonne miche de pain dans la dernière bourgade qu'ils avaient traversée. Cela n'avait pas empêché Hielle de mordre à pleine dents dans l'une des boules farineuses qui était présentée, forçant ainsi les compagnons à décamper à toute vitesse du village. Leur seule consolation avait été que la chienne n'avait pas lâché le pain durant leur fuite, ce qui leur permit d'avoir le ventre à moitié plein pour arriver à Lynéance.

La pente commençait à s'adoucir, jusqu'à devenir un chemin plat, menant directement vers le port. Désormais, la vue qui s'offrait à eux n'était faite que de barricades en bois qui avaient été placées tout autour de la ville en arc de cercle, des pointes taillées orientés vers le ciel, pour dissuader les badauds de grimper par-dessus et de flâner dans le port. Il n'y avait en réalité qu'une seule entrée, qui consistait en deux battants en bois qui s'ouvraient et se fermaient selon un système de leviers et de manivelles activé par deux hommes, chargés de la surveillance permanente de la porte.

La première difficulté, pour les camarades, fut de convaincre les deux portiers de leur nécessité d'entrer dans la ville portuaire. Ceux-ci étaient malheureusement habitués aux mendiants, cherchant par tous les moyens un abri de fortune à Lynéance. Le temps avait endurcis les gardes, et les avait rendus antipathiques, en grand dam de Laïsa et ses amis.

- Il va bien falloir que quelqu'un s'y colle, et fasse preuve de diplomatie, parce que ces deux bougres ne sont pas une mince affaire..., grogna Grag dans sa barbe naissante.

Le prince meldien connaissait les deux gardes, pour avoir plusieurs fois embarqué à Lynéance. Il se tenait en tête de la troupe avec Sébastian, au poste d'éclaireur, que Félicien ne pouvait plus assurer. Bien que l'état de sa blessure se soit nettement amélioré, il lui faudrait plusieurs semaines, d'après Kert, pour que sa jambe se remettre pleinement. Félicien s'aidait donc des bâtons lui faisant office de cannes, et Jilian n'était jamais loin pour l'aider au besoin.

Laïsa se tenait entre eux, accompagnée de Kert, et veillant du coin de l'oeil sur Ewan qui semblait infatiguable, à courir après sa nouvelle amie à quatre pattes. Elle écoutait d'une oreille distraite les propos de Grag, et entendit à peine Félicien lancer au jeune homme :

- Vous semblez être tout désigné, votre Majesté. Un homme de votre rang, ils ne pourront pas vous refuser le passage, sauf à blesser votre amour propre. »

Le ton de Félicien était sarcastique, sans pour autant être méchant, et Grag le savait, car il répondit sur le même ton désinvolte et narquois :

- Votre raisonnement est judicieux. Ils auraient trop peur en voyant un éclopé se présenter devant eux. Nous n'aurions aucune chance.

- Je suis peut-être blessé, mais je sais encore me servir de mes cannes, avec tout mon respect, votre Majesté. » objecta l'ancien soldat.

La Légende du DranixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant