Chapitre 6 : Soupçons

73 13 5
                                    


Les jours de voyage se ressemblaient maintenant, car les paysages ne variaient guère dans le Monde de la Terre. Les cavaliers restaient sur le sentier, en bordant souvent des forêts ou des bois, qui étaient très répandus dans cette région. Le territoire ne manquait pas non plus de rivières et de lacs, fort utiles à l'équipée, lors de leurs nombreux arrêts. Certes, ils n'étaient pas épargnés par le vent ni par la morsure du froid au matin, mais les conditions de voyage étaient somme toute presque optimales.

Simplement, ils devaient faire face désormais à la présence de Zeph, tel que l'inconnu se faisait appeler. Kert avait prévenu à plusieurs reprises la jeune femme que cet individu lui était familier, et qu'il fallait, pour l'heure, se méfier de lui. Félicien était du même avis, et Laïsa aimait se fier à leur jugement, même si elle ne pouvait s'ôter de la tête qu'elle était redevable à cet homme.

C'est pour cela que la jeune femme essayait de garder le plus de mystère sur la raison de leur présence sur la route. Zeph avait décidé de chevaucher jusqu'à la capitale à leurs côtés, au plus grand plaisir d'Ewan, et au grand dam de Félicien. Il essayait, de temps à autre, de grapiller quelques informations, mais sa recherche restait vaine, car Laïsa doutait que cet homme méritait qu'on lui confie quelque chose.

- Pour l'amour du Dieu, vous êtes coriace, n'est-ce pas ? » lança une énième fois Zeph vers Laïsa, qui chevauchait devant lui, comme à son habitude. La Sumélienne fixait l'horizon des yeux, afin d'y déceler la silhouette de Félicien, parti en avant pour flairer le danger. « Vous n'êtes pas des marchands de passage, et je doute que vous ayez de la famille meldienne...

- Pourquoi cela ? » s'étonna Laïsa. Son visage s'assombrit en comprenant le message implicite de Zeph, et répliqua : « Nous avons trop l'air de provinciaux pour avoir un lien avec la capitale ? Ce n'est pas en nous insultant que je vous aiderai. »

Le visage de Zeph se décomposa, et il tenta de bredouiller une explication pour la jeune femme :

- Ce n'est pas ce que je voulais insinuer, loin de là. Mais vous semblez peu habitués à la route, et aux inconvénients d'un tel voyage. J'en ai simplement déduit que c'était la première fois que vous vous rendiez à Meld. »

- Admettons. » lança Laïsa, amusée par l'excuse un peu confuse de l'individu. Il semblait bien fier de lui, pour un simple vagabond. Peut-être que Kert avait raison, et que cet homme était plus qu'un simple inconnu rencontré dans un bois.

La jeune femme laissa Zeph seul à ses réflexions, tandis qu'elle apercevait au loin se découper la silhouette de Félicien. Elle flanqua un coup à sa monture à la robe baie, pour la faire galoper plus vite. Elle voulait atteindre son éclaireur pour avoir de ses nouvelles le plus rapidement. Celui-ci avait une mine grave, et Laïsa espéra qu'il n'y avait aucun danger qui les attendait plus loin. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle sentait, au fond d'elle, que cette aventure allait leur causer des ennuis. Elle priait pour que son instinct la trompe. Arrivé à la hauteur de la jeune femme, Félicien reprit son souffle avant de déclarer :

- Il y a du mouvement, à l'ouest. D'après ce que je vois, on dirait des soldats, mais je peux me tromper. Surtout que les troupes débarquent en principe des côtes est du Monde de la Terre... 

- Toutes, sauf celles qui viennent de Fadiata. » murmura fatalement Laïsa, se rappelant de la conversation houleuse des membres du Conseil avant qu'ils ne la mettent face à un dilemme. Fadiata avait été prise par cette femme, cette prêtresse du Dieu, que tout le monde semblait craindre. Yline. Personne avant n'avait osé s'attaquer aux mages dans l'enceinte même de l'Ecole. Cette femme devait être un vrai monstre pour se le permettre. Désormais, elle semblait avoir d'autres desseins, bien plus noirs que la simple attaque d'une ville magique. Elle repensa aussi à ce que leur avait dit Zeph, la nuit dernière. Ils n'étaient pas les seuls à se diriger vers Meld...

La Légende du DranixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant