Chapitre 16 : L'attaque, Deuxième partie

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Les canons étaient placés, et Grag attendait le feu vert de Félicien et Emirick pour lancer l'offensive. Malgré tout, l'exercice était rendu difficile par la pluie incessante qui s'abattait désormais sur la tête de l'équipage. Les allumettes destinées à allumer les mèches ne cessaient de s'éteindre, par l'effet du vent et du crachin.

Un éclair jaillit alors des nuages et déchira le ciel au-dessus de l'Océan Impérial, marquant le coup d'envoi de la bataille. Tandis qu'Emircik et Félicien gardaient à bonne distance l'embarcation ennemie afin de l'avoir à portée de tir, Grag hurla pour couvrir les bruits de la nature :

- Canonniers ! A mon commandement ! FEU ! »

Les marins se mirent à l'action et tentèrent d'allumer les mèches, puis de recharger le cœur du canon avec d'autres boulets. Le prince meldien continuait à ordonner la mise à feu, tout en regardant avec attention les dégâts infligés au bateau adverse. Des trous béants se formaient dans le bois de la coque, ce qui ne pouvait que le satisfaire. Mais son sourire fut de courte durée, quand il remarqua que les brèches réalisées se rebouchaient miraculeusement. Comme par magie. Les planches de bois cassées par les boulets en métal repoussaient et se rejoignaient pour se fixer entre elles, ne laissant aucun souvenir du dégât.

La tête de Grag se tourna avec effroi vers Félicien, en quête d'une réponse, à tout le moins d'un soutien. Mais le soldat gardait les yeux rivés sur les mages. La tête tournée dans la même direction, Laïsa tenta de comprendre pourquoi Yline, avec tous ces hommes sous son commandement, ne leur envoyait qu'un seul bateau. Si elle désirait réellement les détruire, elle aurait pu envoyer plusieurs navires, et ne laisser aucune chance à La Belle Marreen et son équipage. Or, elle n'envoyait que ses mages...

La connexion se fit immédiatement dans le cerveau de Laïsa, qui se précipita vers Félicien pour lui faire comprendre la situation :

- Yline ne veut pas nous faire couler. Elle veut nous capturer. »

Félicien la fixa avec des yeux étonnés, ne comprenant pas pourquoi la prêtresse ferait soudainement preuve de compassion à l'égard d'individus qu'elle ne connaissait pas, et qu'elle avait même tout intérêt à éliminer. Avant même qu'il ait le temps de répliquer ou de demander des explications, Laïsa poursuivit son raisonnement :

- Elle veut quelque chose qui est en notre possession. Et si elle nous fait couler, elle aura plus de mal à le retrouver.

- Mais de quoi parles-tu, bon sang ? » beugla l'ancien soldat, sa voix se mêlant au cri de la pluie et des éclairs. Laïsa porta sa main dans son petit sac accroché en bandoulière, et en sortit le Joyau de la Terre, cette pierre brune que Grag lui avait confiée quelques jours plus tôt.

- Qu'est-ce que...

- C'est une pierre magique, très puissante. Yline veut les rassembler pour dévoiler leur pouvoir. Il en existe quatre, et il faut les quatre pour que la magie puisse s'opérer. Par pitié, Félicien, crois-moi. Nous ne pourrons pas vaincre cet adversaire, tu le sais très bien. Les mages sont capables de choses que nous n'osons même pas imaginer ! »

Dubitatif, le regard de l'homme alterna entre le bateau adverse et le visage de Laïsa, trempé mais pourtant déterminé.

- Que proposez-vous, alors, ma dame ? questionna Emirick, qui, tout en manœuvrant le gouvernail, avait suivi cette conversation avec intérêt.

- Votre navire peut-il aller très vite ? »

Le second hocha vigoureusement la tête, un sourire en coin. Un sifflement sortit de sa bouche, et il brailla des instructions à ses hommes d'équipage, qui se hâtèrent de suivre ses commandements. Laïsa rangea le Joyau de la Terre dans sa besace avec autant de soin que si elle berçait un enfant, s'efforçant dans le même temps de ne pas croiser le regard de Félicien. Elle voulait par-dessus tout éviter les innombrables questions qui devaient se bousculer dans sa tête. Ils auraient tout le temps pour en discuter plus tard. S'ils s'en sortaient vivants.

La Légende du DranixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant