Chapitre 21 : Le dîner

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Laïsa fut tirée de son sommeil plus rapidement que prévu par un tambourinement à la porte. Les yeux à peine ouverts, elle prit la peine d'aller ouvrir la porte de leur modeste chambre. Un domestique, à la livrée bleue impeccable, se tenait sur le palier, l'air impassible, sans même se rendre compte qu'il venait de la réveiller. La jeune femme réussit à grogner quelques mots inaudibles, et le domestique s'empressa de s'expliquer :

- Sa Majesté vous attend pour dîner. »

Une grimace s'étira sur le visage de Laïsa, qui tenta de répliquer.

- Un dîner ? Q... quoi... ? Mais quand ?

- Tout de suite, madame. »

Un autre grognement retentit à l'intérieur de la pièce : Ewan venait à son tour de se réveiller.

Laïsa n'eut pas le temps de s'expliquer avec le domestique qu'il s'en allait déjà, laissant derrière lui deux jeunes femmes muettes comme une tombe, portant respectivement une longue robe et un ensemble plus petit, destiné au jeune garçon. La Sumélienne leur donna la permission d'entrer et de déposer les vêtements. Mais elle ne put rien tirer d'elles également, aussi s'activa-t-elle à s'habiller et se rafraîchir. La robe que lui avait choisi les domestiques était – Ô surprise ! - bleu pâle. Les manches, le col et le bas de la robe se terminaient dans un torrent de dentelle blanche, et la coupe était droite, jusqu'aux chevilles de Laïsa.

Malgré la propreté de l'habit, il paraissait évident que cette tenu avait déjà bien vécu. La dentelle était constellée de trous, et du fil plus foncé avait aidé à recoudre, çà et là, le tissu usé. Mais cela valait toujours mieux que la robe olive qu'elle portait depuis Meld.

Ewan, en revanche, eut plus de mal à accepter son habit : il avait revêtu une culotte bouffante du même bleu que la robe de Laïsa, assortie à une chemise blanche et un gilet en cuir noir. Clairement, son habit était passé de mode de plusieurs années, même aux yeux profanes de Laïsa. Tandis qu'il se regardait d'un air interrogateur, on toqua une seconde fois à la porte. Cette fois-ci, la porte laissa le passage à Félicien et Kert, qui avaient les mêmes habits, à quelques différences près, qu'Ewan. Le soldat le portait bien, on aurait même pu dire qu'il était élégant avec ce pantalon bouffant. Kert, lui, était plus mal à l'aise dans cet accoutrement qui le serrait. Mais s'il souffrait, il n'en fit rien transparaître.

Tous ensemble se dirigèrent alors vers le Hall, et ils furent accueillis par un domestique qui les guida vers la salle à manger de Sa Majesté.

- Regardez-nous, comme nous sommes beaux et présentables. » remarqua Félicien, non sans ironie.

Laïsa sourit à la pique, mais ne répondit rien. Tandis qu'ils montaient les marches, le soldat continua à bougonner :

- Ce prince ne nous apporte que des ennuis. Nous aurions pu trouver seuls un moyen de vaincre cette malédiction. Il a fallu qu'il mette son nez dans cette affaire et qu'il nous impose de trouver ces cailloux magiques. Et maintenant, nous avons une prêtresse endiablée aux trousses.

- Au moins, il a trouvé un moyen. Il ne faut pas l'en blâmer. »

Félicien s'arrêta un instant, ses yeux bloqués dans ceux de Laïsa. Il reprit vite ses esprits et continua sa marche en même temps que le groupe. La jeune femme perçut la surprise de son ami, et elle le questionna du regard. L'homme fixait désormais le sol, et il peina à déclarer :

- Tu le défends ? Mais où est-il, ton prince bien aimé, maintenant ? »

Laïsa resta interdite devant ce qu'elle prit pour de la jalousie de la part de Félicien. Il ne lui adressa plus la parole jusqu'à leur arrivée dans la salle à manger royale. Avant d'entrer dans la salle de dîner, un autre domestique, habillé de cette sempiternelle livrée bleue , vérifia leur tenue jusqu'au moindre détail. Laïsa sourit tristement : Grag avait dû négocier en leur faveur pour que ce dîner ait lieu en leur présence. Mais Carmen ne semblait pas voir d'un bon œil les tenues délavées et sales des voyageurs. Elle n'avait pas fait preuve de bonté en leur accordant de nouvelles tenues, elle ne faisait que rendre acceptable, à sa royale vue, les paysans qu'ils étaient. Et ils ne méritaient que des vêtements de seconde, voire de troisième main. La Sumélienne pétrissait cette idée alors qu'on la menait vers la salle à manger.

La Légende du DranixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant