Le rôle de Sophia était de surveiller les signes qui pourraient prouver que le fœtus que portait Syréna ou plutôt Mélana, évoluait comme un bébé normal. Par les yeux aveugles de la guérisseuse, la grande prêtresse vit la déesse endormie. Elle vit aussi la proéminence anormale de son ventre ! Elle reçut un choc! Celui qui tentait de pénétrer ses pensées était le fils du Mal qui croissait en Yumana !
La flotte de l'aveugle approchait du royaume d'Ifriqiya* au nord de KaMa, Oumaima laissa son esprit voleter sur les Terres qu'elle connaissait bien. Au-delà de l'Atlas elle vit la Tribu, fidèle elle était là ! Elle l'attendait. Alors elle envoya un signe à Marabout, son fidèle grand prêtre.
Dans la nuit étincelante de myriades d'étoiles, il reçut le message, son cœur s'emplit de paix. Leur Dame revenait, la prophétie allait s'accomplir ! Le vieux sage ferma les yeux. De grosses larmes de bonheur coulaient sur son visage raviné.
Dans son antique mémoire il revoyait leur pays, la fuite de la Tribu, chassée par les grondements de l'Océania furieuse ! Tous ceux qui furent engloutis, les amis si chers à son cœur, les villes entières, les mains tendues dans les flots déchaînés ! Les hurlements des enfants. L'incompréhension qui se lisait sur les visages des mourants.
Une grande partie de KaMa fut noyée. Ils fuirent toujours plus en avant, vers les hautes montagnes jusque-là inexplorées ! Marabout guida la Tribu, encore plus haut. De là ils virent disparaître les terres et tout ce qui avait fait la fierté des Atalantes!
Marabout et la Tribu suivirent les sentiers escarpés de la haute montagne. En l'honneur de tous leurs morts ils nommèrent Atlas, ces montagnes de KaMa qui tenaient le ciel sur leurs grands sommets ! Ils marchèrent des jours et des nuits à travers ces escarpements étrangers, parfois couverts de glace et de neige. Peu habitués beaucoup moururent en chemin. Une fois sur le plateau semi-désertique ils suivirent le cours d'un Oued, se reposant sur ses rives. Quand ils arrivèrent dans l'immense oasis où il prenait sa source, ils décidèrent de rester là. Ils bâtirent un Ksar de leurs mains nues, avec l'argile rouge mêlée de paille et de galets ramassés dans l'Oued. Fièrement dressé sur une colline, il était protégé d'un côté par l'eau et l'oasis qui formait une ceinture naturelle. De l'autre, Il dominait tout le plateau jusqu'aux dunes roses du désert. En haut l'Agadir*, fait de gros rochers. Il protégeait l'histoire des Atalantes, sculptée, gravée et dessinée sur des tablettes de marbre, les enseignements du passé, la carte de leur périlleux voyage et leurs biens les plus précieux !
Marbout alors attendit, il restait le guide de la Tribu, il soignait, et entretenait la connaissance des hommes, des femmes et des enfants. Il savait que dans de nombreuses lunes il recevrait le signe du renouveau. Oumaima l'avait promis avant de s'évanouir dans l'espace. Mais il était fatigué et commençait à perdre espoir quand enfin le message lui parvint. Aux aguets il sondait la nuit, soudain le trot d'un cheval le fit se redresser. L'homme en noir était là, près du feu, son chapeau cachant à demi les yeux métalliques.
-Bonsoir Marabout, cela fait longtemps, que nous ne nous sommes plus croisés.
L'aïeul sursauta, il aurait reconnu cette voix entre des millions.
-Vous Mon Seigneur ? Mais comment ? Pourquoi ?
Un rire sinistre secoua le cavalier, il descendit de sa monture et s'approcha du feu, assis sur ses talons son regard perçant se posa sur Marabout.
-Oui, moi, je n'ai pas eu le choix vieil homme. J'ai dû revenir, Elle, s'est réincarnée dans le corps d'une jeune femme, Elle, est revenue pour sauver ces Dieux instables et ces humains perdus ! Son nom dans ce Monde est Yumana ! Que pouvais-je faire d'autre, Marabout ?
-Rien Messire, mais pourquoi ? N'a-t-elle pas déjà assez souffert pour les Mondes ? Ne méritait-elle pas le bonheur et la paix auprès des siens ?
-Si fait mon vieil ami, si fait, mais les Antiques l'ont convaincue ! Moi j'ai attendu si longtemps que mon cœur et mon âme se mourraient, alors je suis parti à sa recherche. Et me voilà ! Bien las, le cœur en morceaux mais prêt à tout pour Elle ! C'est pour cela que je viens à toi, il faut la mettre à l'abri et ta Reine a pensé qu'ici, sur cette terre isolée, elle le serait !
-Que s'est-il donc passé, vous savez Messire que nous vivons coupés de tout et de tous.
Alors Il, lui conta...
Marabout hochait gravement la tête, il pensait que le Monde Terre était peuplé d'aveugles et de fous. Savoir qu'Elle se sacrifiait encore, le rendait malade. Mais il souffrait aussi de la même douleur que son visiteur ! Alors il dit : oui. Un plan avait germé dans sa tête, leur reine avait raison, Yumana serait à l'abri ici, sur ce plateau oublié de tous, où ils veilleraient sur elle. L'homme en noir le remercia, Marabout promit que tout serait prêt pour leur arrivée.
Le cavalier s'effaça dans la nuit. Au matin, sur la côte la plus septentrionale du royaume d'Ifriqiya. Les voiles déployées des vaisseaux poussés par la brise, approchaient rapidement de l'abri naturel formé par la grande baie qui s'ouvrait sur Al Mar. Il y a très longtemps, une grande cité commerçante accueillait les voyageurs de tous les royaumes. Elle portait le nom de Tingi*. Maintenant palais et maisons, temples et marchés, dormaient à jamais dans la profondeur d'Al Mar ! Engloutis à jamais, avec leurs merveilles et leurs secrets.
Déjà des chaloupes chargées d'hommes et de matériel accostaient. Dans la journée ils bâtirent un débarcadère qui avançait loin sur les eaux. Dans la soirée les premiers navires s'y arrimèrent.
En deux jours tout fut débarqué ! La magie des dieux était bien utile ! Oumaima ne leur laissait pas de répit, pour elle il y avait urgence ! Le cavalier solitaire, le pensait aussi ! A l'aube du troisième jour, les dieux à nouveau agirent. Le voyage qui aurait pris de nombreuses lunes, se fit dans la journée, Eole et ses aides enveloppèrent le rassemblement de la douceur de leurs tourbillons et les déposèrent dans l'oasis. Les Atalantes attendaient avec impatience leur reine. Oumaima voyagea avec la jeune déesse. Marabout les guettait. Enfermé dans un cercueil de cristal bleu sculpté, Yumana pâle et méconnaissable faisait peur à voir. Dans son corps les changements étaient de plus en plus visibles. Son ventre énorme prêt à exploser !
Figé par la catalepsie et par le froid glacial qui régnait dans la prison, au centre du ventre un poing tendu !
Oumaima et Marabout suivis du cavalier pressèrent le pas. Sur le pic le plus haut des montagnes qui dominaient l'oasis, ils déposèrent Yumana, dans le calme et l'isolement d'une caverne, connue seulement de Marabout.
Ils se recueillirent de longues minutes devant la prison de cristal. Dans les yeux métalliques les larmes débordaient. L'aveugle lui pris la main, puis Marabout fit de même. La triade des Univers unit leurs forces pour celle qui ne devait pas périr ! Leur précieuse fille des Univers.
Ils s'éloignèrent pour rejoindre le peuple.
Notre Yumana, aimée et haie!, Oumaima, Marabout et Lui
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YUMANA : La Fille des UniversTome II.
Viễn tưởngNous avons laissé Yumana sur l'île enchantée de Ba'Lé Yora, entourée de ceux qu'elle aime. Pourtant ce n'était qu'une pause, avant la tempête. Yvan et Dimitri mettent en péril la montagne sacrée et ses trésors en voguant vers KaMa. Mère Gaïa, revien...