Marie

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Je me réveillais dans des toilettes. Des toilettes sales, délabrés, avec des toiles d'araignées qui couvraient tout le plafond. Je n'ai jamais eu peur de ces insectes, mais je ne pus retenir une grimace de dégoût. Que faisais-je ici ? Mais surtout, où étais-je ? Pourquoi m'avait-on enfermée là ? Bien que je ne sois pas claustrophobe, je commençais à paniquer. Je n'appréciais pas spécialement être privée de tous repères et me retrouver dans des toilettes insalubres. Une odeur d'urine, de vomi et de moisissure flottait dans l'air. Je commençais à tambouriner à la porte, soudainement prise de hauts le cœur. Non et non, retiens toi Marie, tu ne vomiras pas dans ces toilettes !

Une femme ouvrit la porte mais je n'eus pas le temps de sortir, c'est elle qui entra. Instantanément, mes hauts le cœur cessèrent et je pus respirer normalement à nouveau.

- Bonjour. Bienvenue au Paradis Marie. Tu as tellement grandi...

Elle soupira et me fixa. Je la regardais d'un œil mauvais. Sûrement était-ce elle mon agresseur...Et puis, c'est quoi cette histoire ? Elle ne me connait pas, je ne vois pas ce qu'on peut avoir en commun. Elle devait être folle. Oui, c'était la seule explication rationnelle. Je relevais les yeux et croisais son regard. Et inexplicablement, toute trace de rancœur disparut de mon esprit. Elle me fascina. Elle avait des cheveux blancs, et pourtant... Elle paraissait incroyablement jeune. La trentaine tout au plus. Elle portait une chemise et un pantalon blanc. Elle avait des yeux rouges, et au lieu de répondre à sa marque de politesse, je lui demandais :

- Vous portez des lentilles ?

J'aurais pu poser beaucoup d'autres questions, cependant celle-ci me brûlait les lèvres. Peut-être que cette femme était albinos et qu'elle en était devenue folle. Cependant elle dégageait une assurance et une bonté incroyable, bien que je ne comprenne pas ce qu'elle et moi faisions là. Elle n'avait pas vraiment le profil d'un aliéné à vrai dire...Elle semblait parfaitement équilibrée et maitresse d'elle-même. Elle sourit, me laissant entrevoir des dents alignés et d'une incroyable blancheur, sans aucun défaut, comme le reste de son visage.

- Non. Je m'appelle... hum, comment dis-tu déjà ? Ah oui ! Dieu. Enfin, on m'appelle aussi Déonys.

Elle paraissait rayonnante et rassurante. Puis elle ajouta en regardant autour d'elle avec un air subitement attristé que ce portail n'avait pas servi depuis longtemps. J'avais envie de lui répondre « Mais oui, et moi je suis le pape ! » mais je me retins. Je ne savais pas quelle attitude il fallait adopter avec un malade mental. Peut-être qu'il fallait jouer à son jeu. Complètement taré ! C'est ce que je décidais de faire et c'est ainsi que je bégayais, très légèrement craintive :

- Mais... Mais Dieu est un homme ! Cela ne peut pas être vous...

Ma phrase finit en un chuchotement quasi inaudible. Je commençais peu à peu à me remémorer. La fête. Victoire qui crie. La voiture qui dérape et va se ficher dans un arbre. Je mis mes mains sur mes oreilles et tombais à genoux. Puis la douleur, fulgurante, engloba mes muscles et les broya. Comme lors de l'accident...Je me recroquevillais sur le sol, la tête entre les genoux en me balançant lentement. Un gémissement s'échappa d'entre mes lèvres, tandis que des souvenirs douloureux refaisaient surface. La femme claqua dans ses doigts et le flot de ma mémoire se tarit, la douleur s'amenuisa, me laissant comme une coquille vide. La femme me parla d'une voix tendre :

- Marie... Désolé pour ce tour de force mais je ne plaisante pas. Je ne suis pas folle, je suis réellement Dieu. Je vais te renvoyer sur terre d'accord ? Tu vas retrouver ta famille et tes amis... Tu n'aurais pas dû mourir. C'était un accident. L'avion s'est trompé et t'a embarqué. J'en suis désolé. Mais pour me faire pardonner, je vais t'offrir quelque chose d'accord ?

Je hochais la tête en la regardant fixement, bien que je ne comprenne pas un traitre mot de ce qu'elle disait. Bon, je n'arrivais pas à me résoudre que cette femme prétendait être « Lui » mais l'idée germait lentement dans mon esprit. J'avais toujours été quelque peu adepte du paranormal et du surnaturel. J'eus envie d'y croire, envie de lui poser des questions sur le monde, sur mes croyances, sur elle. Cependant je ne comprenais pas ces mots. Qu'entendait-elle par : « Pas du mourir ? Avion ? Pardonner ? ».Elle sortit d'une de ses poches un sablier accroché à une chaîne. Puis elle s'accroupit et me toucha l'épaule.

- Grâce à ce collier tu pourras exaucer tous tes vœux et retourner sur terre. Tu auras une portée étendue sur toute la France, et à chacun de tes souhaits, un sourire devra apparaitre sur le visage de quelqu'un. Selon ton souhait, la période pour obtenir un sourire sera plus longue ou plus courte. A Noël, tu devras faire ton dernier vœu, puis je récupèrerais le pendentif. Tâche de ne pas le perdre... As-tu compris ?

Je relevais la tête et vrillais mon regard dans le sien. Mes yeux acquiescèrent, montrant que j'avais compris. Mais à l'intérieur de moi, ça bouillonnait. Si ça se trouve, ce pendentif est une bombe ! Ou même un pisteur qui sait... Cependant j'attrapais le collier et l'enfilais, mais avant que j'eus pu dire quoi que ce soit, lui poser la moindre question, elle sortit et me laissa dans ces toilettes insalubres. Alors là, je ne voyais pas du tout comment j'étais censé retourner sur Terre... Je me relevais et m'approchais de la porte. Je touchais la poignée et la tournais mais la porte ne s'ouvrit pas.

Je sentis tout d'abord un vent léger. Mes cheveux fouettaient mon cou, battaient à mes oreilles. Puis le vent grossit de plus en plus, devenant tempête, aspirant toutes les toiles d'araignées présentes. Je hurlais, me tenant désespérément à la poignée de la porte. Qu'est-ce que c'était encore que ça ? La dame n'avait-elle pas dit qu'elle me renvoyait sur Terre ? Dans ce cas-là, pourquoi voulait-elle donc me tuer ainsi ? Puis la tornade devint ouragan et je lâchais prise.Il m'engloutit à l'intérieur des toilettes et je ne pus me débattre ni me raccrocher à quoi que ce soit. Je disparus, laissant la pièce aussi propre et vide que si je n'avais jamais existé.

Un voeu, un sourire.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant