Un voeu, un sourire.

Cloé

Ma sœur est partie si brusquement toute à l'heure que je n'ai pas osé la rejoindre. Elle avait l'air énervée... même plus, je dirais furieuse ! Je me demande vraiment ce que lui a dit Kentin. Lorsque je lui ai demandé, il m'a rétorqué avec un sourire que c'était un truc sans importance. J'ai préféré ne pas insister, je demanderais à ma sœur toute à l'heure.

D'ailleurs je ne sais pas où elle est, ça fait dix minutes que je la cherche avec Lucas mais aucune trace d'elle. Elle ne répond pas à son portable. Je sais qu'elle a besoin de moi, je le sens. Elle est perturbée en ce moment, il ne faut pas être devin pour le deviner.

Au bout de cinq autres minutes Lucas me tourne vers lui et m'embrasse le front.

- Ne t'inquiète pas mon cœur, je suis sûr qu'elle va bien. Elle est peut-être à l'infirmerie, ou alors elle est rentrée.

Je hoche la tête puis soupire. De toute manière je savais que cette journée de cours ne se terminerait pas bien. Marie a besoin d'amis, d'épaules sur qui compter. Et lorsqu'il n'y a que la mienne, c'est compliqué de la soutenir. Comme si elle m'enfoncait avec elle.

Soudain une fille interrompt mes pensées et se racle la gorge, gênée. Je sors ma tête du torse chaud et réconfortant de Lucas. Elle se décide à parler lorsque je lui demande ce qu'il y a.

-Et bien... Je suis dans la classe de Marie et je me demandais... Je me demandais si tu pouvais me passer son numéro pour que je lui envoie les cours. Je me suis dit qu'avec... Tout ça, personne ne les lui avait donnés.

Elle n'ose pas me regarder dans les yeux, visiblement intimidée. Lorsqu'enfin elle lève ses yeux à moi, je découvre de larges prunelles brunes. Je ne me souviens pas de l'avoir vu dans la classe de ma soeur mais bon. Je hoche la tête et attrape un papier et un stylo, avant d'y noter le numéro de ma jumelle. Cela fait bien longtemps que je l'ai appris par coeur.

La fille s'en va avec un léger sourire aux lèvres et je me tourne de nouveau vers Lucas. Je suis à côté de lui à l'heure suivante ! On a une heure de maths, une de mes matières préférées ! Je suis en première S alors que Marie est en L. Parfois ça me manque d'être en cours avec elle. Mais bon, j'ai fini par m'y habituer.

La sonnerie retentit et nous nous dirigeons, main dans la main avec Lucas, vers notre classe.

~~~

J'ai enfin fini ma journée et je me dirige vers mon car, exténuée et en riant a gorge déployée avec Lune, ma meilleure amie. J'essaye de lui changer les idées en ce moment, elle est assez perturbée. Parfois, lorsque j'aperçois ses cotes, ses bras frêles et ses jambes fines, j'ai peur pour elle. J'ai réussi à la faire manger un peu aujourd'hui, et je m'en félicite. D'habitude elle ne fait que trifouiller dans son assiette sans rien manger.

Elle finit par m'abandonner, ses parents viennent la chercher en voiture cette veinarde ! Je vais m'installer dans le bus et suis déçue de ne pas y trouver Marie m'y attendant. En parlant d'elle, j'ai plusieurs messages de sa part.

De : Marie
À : Moi
"Salut soeurette, t'inquiète pas surtout je suis rentrée plus tôt, je me suis juste sentie mal d'être observée comme une bête de foire. Je t'expliquerai. Rentre au plus vite..."

De : Marie
À : Moi
"Ah et aussi... Je t'aime."

Je souris comme une idiote puis sors mes écouteurs pour écouter ma musique. Soudain je reçois un message d'un numéro inconnu. Je fronce les sourcils. Qui ça peut bien être ? Je clique dessus et une image apparaît. De plus en plus intriguée, je clique dessus.

Je retiens de justesse un petit cri et cache mon téléphone de mes mains. Il y a une photo de Lucas a moitié nu, qui prend la pose. Je ne l'ai jamais reçue, et ce n'est assurément pas lui qui me l'envoie. Mon portable vibre une seconde fois. Encore le numéro inconnu.

J'ouvre le message d'une main tremblante. Encore une photo. J'ai peur de ce que je peux trouver. Cette fois c'est une capture d'écran. La conversation qui suit la photo précédente. Entre Mandy et Lucas. Et ça date d'à peine deux semaines. Aucun doute possible.

De : Lucas
"Hâte de remettre ça."

De : Mandy
"Hum miam ❤ Hé bien tu ne peux plus te passer de moi bb ? ❤ jtavoue que t'es un de mes meilleurs coups"

De : Lucas
"Et bien... Merci ? :) moi aussi tu me manques bb ❤"

De : Mandy
"Quand est-ce que tu vas larguer ta pute de copine ? C'est qu'une trainée, jvois pas pourquoi tu restes avec elle."

De : Lucas
"On en a déjà discuté. Tu sais que si je la largue elle va faire une connerie... Je préfère attendre, elle vient de perdre sa soeur..."

Et la conversation ne s'arrête pas là. Le numéro inconnu continue de m'envoyer les captures d'écrans. Je me refuse de les lire. Je ne veux pas me faire ce mal. Je sais qui m'envoie tout ça.

Mandy, je te hais.

Et Lucas m'a menti.

Encore une fois.

Et je l'ai cru.

Encore une fois.

Et ça faisait encore plus mal de savoir qu'il ne me quittait pas uniquement pour cette histoire avec Marie. Alors au final il était comme tous les autres ? Même si je ne veux pas y croire, les preuves sont là, sous mon nez.

Je remarque que ma voisine me fixe bizarrement. Elle farfouille un instant dans son sac puis me tend un mouchoir en souriant tristement. Je le saisis et la remercie d'un signe de tête, avant d'essuyer mes nombreuses larmes et de me moucher.

"C'est toujours dur, de se faire larguer. Moi ça m'est arrivé aussi. Je suis sûre que c'est un connard et qu'il ne te mérite pas."

Je hoche la tête avec un sourire reconnaissant. Il n'y avait pas vraiment besoin de mots : elle avait parfaitement compris la situation. Je me remis à sangloter. J'essayai d'arrêter, je me maudissais d'être aussi faible. Ma voisine me parait un instant paniquée puis elle me prit avec délicatesse dans ses bras et me tapote gentiment le dos.

J'ai envie d'envoyer des messages haineux à Lucas, de lui demander pourquoi. Pourquoi il m'a fait ça. Pourquoi il m'a menti. Pourquoi je tombe que sur des cons bon sang !

Lorsque j'arrive à mon arrêt, j'ai les yeux gonflés et rougis par les larmes. Ma voisine descend au même arrêt que moi, pourtant je ne l'avais jamais vraiment remarqué. Elle s'appelle Maily. Elle me laisse après quelques paroles de réconfort. Je rentre donc chez moi le coeur et le pas lourds, très lourds.