Un voeu, un sourire.

Cloé

"Ça te dirait d'aller au cinéma avec moi mercredi ?"

Je fixe Adam en fronçant les sourcils. À la récré il est venu me trouver pour s'excuser. Je ne sais même pas pourquoi il a fait ça, il n'a rien à se reprocher. Je m'étonne même qu'il me parle encore. Après tout, c'est à cause de moi qu'il s'est battu...

"Et bien, j'ai AS mais après oui, bien sur."

Il se satisfait de ma réponse. Il hoche la tête puis me lance un "à toute à l'heure" avant de se raviser et de revenir vers moi. Il se penche et attrape délicatement mon menton d'une main. Je n'ai pas le temps se réaliser ce qu'il se passe. Il dépose un léger baiser sur mes lèvres puis un sourire éclaire ses yeux.

"Salut poupée ! Essaye de pas trop penser à moi !"

Je rougis puis lui montre mon majeur. Il s'éloigne en riant, tandis que je reste pétrifiée. Qu'est ce qui lui a pris ? Pourquoi est-ce qu'il m'a embrassé ? Lucas l'a déjà tabassé une fois, il peut très bien recommencer.

Peut-être que ce gars est taré et qu'il veut finir à l'hôpital ? Ou alors il aime défier le danger. Ou je suis juste un jouet avec lequel il s'amuse, pour l'instant. Pourquoi j'ai accepté sa proposition de rencard ?! Est-ce que c'est vraiment un rendez-vous d'ailleurs ? Si ça se trouve je me fais juste des illusions...

Je soupire et me dirige vers la salle de mon prochain cours, avant d'arriver en retard.

Je suis perdue. Pourquoi j'étais aussi gênée toute à l'heure, lorsque l'autre idiot m'a embrassé ? Et aussi contente qu'il le fasse ? J'ai encore des sentiments pour Lucas, et c'est impossible que je tombe amoureuse d'un garçon comme Adam.

Peut-être est-ce juste parce qu'il est beau et populaire, et que mon égo se trouve flattée qu'il me choisisse moi plutôt que toutes ses filles canons qu'ils côtoient. Car ne nous leurront pas, je ne suis peut-être pas vilaine mais je suis loin d'être mannequin. Je ne vois pas ce qu'il peut me trouver.

Je ris après avoir pensé quelque chose de stupide. Je viens de songer que peut-être il avait des sentiments pour moi. Ce gars n'aime personne, à part lui-même. Je suis vraiment une imbécile si je pense le contraire.

Dans le couloir je croise le frère de Damon. Je baisse la tête dans l'espoir qu'il ne m'ait pas vu, mais c'est raté. Il m'arrête avec un beau sourire en me demandant si ça va. Je soupire puis plonge mon regard dans le sien. Il tressaille en voyant la légère entaille sur mon arcade puis il fronce les sourcils.

"À votre avis, je vais bien ? Ma vie est un vrai bordel. Alors par pitié, mêlez-vous de vos affaires."

Puis je continue mon chemin, préférant ne pas entendre ce qu'il a à me dire. Je me fiche qu'il me juge pour Adam et Lucas. Je préfère ne pas penser aux conséquences de mes paroles. C'est un adulte, je n'ai pas le droit de lui parler ainsi. Mais pour l'instant je m'en moque.

Je me précipite dans ma salle avant que ma prof d'anglais ne referme la porte. Elle soupire juste en secouant la tête et je lui fais un sourire désolé.

Je vais m'asseoir à côté de Lune, qui lève les yeux au ciel et enlève son sac de ma chaise. Avant même que je ne m'asseois, elle m'apostrophe :

"Non mais t'es taré ma parole ! Tu pouvais pas rater quelques cours non ? Et pourquoi j'étais pas au courant !?"

Je masse mes tempes et lui explique mon idée de vengeance qui a mal tourné. Elle parait satisfaite mais elle boude toujours de ne pas l'avoir su avant. Pendant tout le cours elle parle d'autres choses et tente de me remonter le moral. Voilà pourquoi je l'aime : lorsqu'un sujet est difficile, elle ne s'y appesantit pas.

"Lune ? Tu sais que je t'aime ?"

Elle s'arrête puis me jette un regard en coin avant de sourire largement.

"Clo, je crois que tu deviens sentimentale. Mais merci. Moi aussi je t'aime, tu le sais j'espère ?"

Des larmes embuent mes yeux et Lune me prend dans ses bras et me serre fort. La professeure se racle la gorge et Lune me lâche à contrecoeur.

"Mesdemoiselles, ce cours n'est pas une séance câlin. Merci de rester concentrées."

Quelques personnes ricanent et Lune leur jette un regard noir, ce qui les calme tout de suite. Nous hochons ensuite la tête et Mme Barcelli continue son cours comme si rien ne s'était passé.

Lorsque la sonnerie retentit, je sors en même temps que Lune. Nous continuons de discuter et nous rendons devant notre prochaine salle. Je croise ma soeur, en train de discuter avec la fille m'ayant demandé son numéro de téléphone. Je souris, heureuse qu'elle retrouve peu à peu sa vie d'avant.

En plus j'ai entendu dire que Lara revenait bientôt ! Depuis qu'elle s'est réveillée de son coma, Marie et moi essayons d'aller la voir tous les jours. Même si ma jumelle refuse toujours de monter dans une voiture. J'espère que sa meilleure amie viendra en cours d'ici peu, parce que je sens son absence grandissante dans les yeux de ma soeur, chaque jour.

Arrivées devant notre salle, Lune et moi attendons avec le reste de la classe notre professeur de SVT. Au bout de dix minutes d'attente, la moitié de la classe étant déjà partie, puisque le professeur n'est apparement pas là, nous finissons par partir nous aussi.

En allant dans le hall, nous tombons sur Mandy. Elle affiche un sourire dédaigneux lorsqu'elle me voit puis chuchote quelque chose à ses amies comme "je vois pas ce qu'ils lui trouvent". Je serre le poing et Lune attrape doucement ma main avec un petit sourire. Lorsque la brunette arrive à notre hauteur et qu'elle aperçoit nos mains enlacées, un rictus de dégoût déforme son beau visage. Elle siffle :

"Apparement la raté a décidé de jeter son dévolu sur une fille... Elle en avait pas assez de deux mecs. Navrant toutes ces pétasses qu'on croise de nos jours."

Une de ses amies ajoute, l'air supérieure :

"Elle veut juste attirer l'attention, mais elle est pathétique."

Les autres filles approuvent puis s'éloignent en ricanant. Lune bouillonne à côté de moi pendant que je continue de marcher lentement. Je n'ai pas lâché sa main, c'est comme l'ancre qui a retenu mon poing de partir dans les visages des petites madames parfaites. Au bout d'un moment, Lune s'arrête et s'assoit en m'entraînant avec elle.

"Fais pas attention à ce qu'elles disent, Clo'. C'est fou ce que les secondes de cette année sont stupides. Ils se rendront bien compte un jour que Mandy est la dernière des connes ! Tu es la personne la plus formidable que j'ai eu la chance de rencontrer."

Elle arrive à m'arracher un sourire et elle ouvre ses bras, dans lesquels je me réfugie. Ce n'est pas la première dois que je me fais insulter bien sur. J'en ai presque l'habitude maintenant. Enfin, c'est ce que je pensais. Parce qu'en ce moment même, je doute. Peut-être bien que Mandy a raison, que je ne suis qu'une pétasse comme elle le dit si bien.

Je sais que je ne devrais pas me soucier de ce que les gens pensent de moi. Mais c'est plus fort que moi. Tout ce que je fais, comment je m'habille, je me maquille, tout est fait pour plaire aux gens qui m'entourent. Je ne veux pas être différente parce que je sais que la différence fait peur. Je ne veux pas qu'on ait peur de moi, qu'on me déteste. Je veux qu'on m'aime.

Alors je me raccroche à Lune parce que je sais qu'elle, si elle le pouvait, elle réaliserait tous mes voeux pour un seul de mes sourires.