Cloé

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Aujourd'hui, c'est le grand jour. Marie retourne à l'école, et je vais revoir Lucas par la même occasion. Mais rien que de penser à ce fumier me fait souffrir, alors le voir...Je ne peux effacer l'image qui danse en boucle dans ma tête. Sa main dans ses cheveux, leurs lèvres attachées... Le tee-shirt de Lucas à terre, les boutons de cette fille détachés... Je n'en peux plus. Je m'assois un instant sur mon lit et me recroqueville. J'ai une affreuse envie de pleurer, mais cela ferait couler mon mascara et je n'ai pas envie que Marie s'en aperçoive. Alors je me relève et prend mon sac, puis vais dans la chambre de Marie.

Les paroles d'Adam, puisque c'est comme ça qu'il s'appelle, me hantent. Elles étaient si incompréhensibles... Je ne comprends toujours pas comment il peut être au courant. D'ailleurs, j'espère ne pas le croiser aujourd'hui. Déonys m'a conseillé de l'éviter lorsque je l'ai contacté par rêve. Elle m'a dit que c'était probablement un médium, et que par conséquent, il pouvait voir certaines choses que les humains normaux ne voient pas. Et ça, c'est dangereux.

J'aide ma sœur à se préparer, puisqu'elle n'a toujours pas compris que s'habiller d'un jogging ample et d'un t-shirt avec une inscription dessus n'était pas DU TOUT conseillé pour une lycéenne ! Vraiment, j'ai l'impression qu'elle pourrait mettre un sac poubelle et elle ne s'en rendrait pas compte ! Je sais bien que ces derniers temps n'ont pas été faciles, mais je suis là pour m'assurer qu'elle tienne le coup. Elle soupire en me voyant m'activer pour lui chercher des vêtements convenables et je me retourne pour lui tirer la langue. Plus mature que moi, il n'y a pas !

En lui faisant son maquillage « de zombie », je remarque que ses yeux sont de nouveau rouges et que son sablier est noir, signe qu'elle a fait un vœu aujourd'hui. Je lui demande donc gentiment, passablement intriguée :

-Tu l'as utilisé pour quoi cette fois ?

Elle soupire et triture son pendentif, tic qu'elle fait quand elle est stressée. Elle a l'habitude de le faire avec un bracelet ou un collier, surtout quand elle est gênée ou honteuse. Puis elle ferme ses délicats yeux et me parle d'une voix atone.

-J'ai demandé que Lara se rétablisse. J'y ai réfléchi toute la nuit et je ne peux pas supporter que les infirmières m'interdisent de la voir.

Je souris tristement puis lui ébouriffe les cheveux. Nos regards se croisent mais elle détourne la tête et prend ses lunettes de soleil. Elle me cache quelque chose. Et, foi de Cloé je vais trouver quoi ! Nous descendons prendre notre petit déjeuner tandis que Marie ronchonne comme quoi elle ne ressemble à rien. Pourtant j'ai décidé de ne pas trop en faire ... Mais bon, je pense juste qu'elle n'a pas envie de retourner au lycée alors qu'il y a deux semaines, elle était décédée...

Waouh, c'est vrai que c'est bizarre dis comme ça ! Mais bon, je la comprends. Presque aucun de ses amis ne sont venus la voir quand elle était à l'hôpital. J'ai envie d'aller leur casser la figure à cette bande de... De poissons pas frais ! Et puis Lara est coincée dans le coma, et seule la famille est autorisée à la voir. Ca enrage Marie de ne pas pouvoir l'apercevoir.

Je regrette d'être venue au lycée dès que je vois Lucas venir vers moi, un sourire triste sur le visage. J'ai presque pitié de lui en fait. En arrivant devant moi, ne sachant pas quoi faire il reste là les bras ballants. Puis il commence son monologue qu'il a sûrement préparé avant.

-Cloé je suis vraiment désolé, j'ai essayé de te le dire quand tu m'as vu avec cette...fille. Ce n'était qu'un accident et ça ne se reproduira pas, je l'ai déjà dit à Mandy. C'est elle qui m'a fait du rentre-dedans, alors que je lui avais déjà précisé que j'étais déjà en couple avec toi et que je t'aimais, mais elle a continué et... J'ai déconné je sais Cloé mais je t'en supplie, donne-moi une seconde chance ! Je t'assure qu'il ne s'est rien passé après que tu nous ais...vu. Pour toi, pour moi, pour nous je t'en prie ! Je t'aime tellement que je mourais si tu refuses de me reparler.

Il attrape mes mains dans un élan désespéré et me regarde avec des yeux pleins de larmes. Et là, je fonds. Ma sœur me reproche souvent d'être naïve, et d'accorder trop vite mon pardon. Mais je n'y peux rien si je suis trop crédule... Et puis Lucas a l'air si... sincère ? Il n'a pas l'habitude d'exprimer ses sentiments et je sais que s'il le fait, c'est qu'il tient vraiment à moi. Je ne m'aperçois que je pleure que quand il essuie mes larmes de sa main droite. Et je ne peux m'empêcher de lui sauter dans les bras en murmurant à son oreille un « promis ? ». Il m'entoure de ses bras protecteurs et je me laisse aller.

Quand je sors des bras de Lucas, je vois un garçon aux yeux vairons me fixer avec un sourire de prédateur. Adam...ses paroles trottent encore dans ma tête. Je remarque qu'il est accompagné de ses amis et de deux trois greluches. Je fais donc comme Marie m'a conseillé : je le fixe méchamment des yeux, ou en tout cas j'espère ; et lui articule un dégage silencieux.

-Pourquoi tu le fixe comme ça depuis tout à l'heure bébé ? Il t'a fait quelque chose ? Si tu veux je vais lui arranger sa face de...

Je détourne vite mon regard et le coupe dans sa phrase. Je caresse le poing serré de Lucas d'une main et son visage de l'autre.

-Non ne t'inquiète pas, ce doit être parce qu'il me fait un peu peur voilà tout ! Tu savais que c'était le frère de Victoire ?!

Je vois dans ses yeux qu'il me croit et il se détend immédiatement. Super, il n'a pas remarqué le changement de sujet. Il jette un regard agressif à Adam puis m'embrasse avec légèreté. Je lui réponds avec vivacité, et je ne sais pourquoi, j'espère qu'Adam nous regarde. On se détache au bout de quelques secondes puis la sonnerie retentit. On s'éloigne à contrecœur et je me dirige vers mon cours de français, après un baiser furtif à Lucas.

Arrivée à mon cours, je m'assois au fond et réfléchit quelques secondes à ce qu'il vient de se passer. Je me suis réconciliée avec Lucas, et nous sommes de nouveau ensemble. J'espère qu'il ne va pas aller voir ailleurs et qu'il saura attendre cette fois, parce que je ne suis toujours pas prête à coucher avec lui. Même si je l'aime de tout mon coeur, je ne suis pas prête.

J'ai toujours su capter les émotions des autres très facilement. Toute petite, j'avais apparemment, selon les dires de mes parents, demandé à ma tante pourquoi elle était si joyeuse et qu'elle avait un bébé dans son ventre ! Elle m'avait demandé comment je l'avais su et je n'avais pas su lui répondre. Comment ? C'est une bonne question. Marie et moi avons toujours été très réceptives aux émotions et sentiments des autres. Et entre nous, nous devinions tout sans que l'autre ait besoin de dire quelque chose.

A la pause de midi, je me dirige vers Marie, un peu à l'écart de son groupe d'amis, et je m'affale littéralement sur elle. La pauvre, ils ne sont toujours pas venus s'excuser et je sais qu'elle ne fera pas le premier pas. Pas pour quelque chose comme ça. Tous les regards, ou presque, des élèves sont tournés vers nous. Elle me chuchote :

-Je te signale que je suis censée avoir eu un accident de voiture... Mais oui effectivement tu as raison je me sens un peu seule donc merci.

Des greluches se mettent à pouffer au loin mais Marie ne réagit pas. Elle continue à manger ses spaghettis bolognaise sans se soucier des pimbêches qui ricanent. Moi, je ne peux pas. Je me tourne vers le groupe de filles et remarque Mandy et sa clique. Elle me lance un regard agressif, que je lui rends, tout en lui faisant un magistral doigt d'honneur.

Lucas et sa bande nous rejoigne environ 5 minutes après, et nous nous mettons à discuter vivement. Je vois bien que Marie est perdue dans ses pensées, mais je pense qu'il vaut mieux la laisser comme ça si on veut éviter la mort. Elle n'aime pas être interrompue. Je vois du coin de l'œil Kentin passer un bras autour des épaules de ma sœur et lui murmurer quelque chose dans l'oreille. Elle le regarde comme s'il était fou puis le repousse et attrape son plateau.

-Bon, j'y go, à toute à l'heure Cloé.

Puis elle lance un regard noir à Kentin et part du self.

Un voeu, un sourire.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant