Marie

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"Pitié Cloé, je t'ai déjà dis que ce n'était personne, juste un gars qui a voulu me faire une mauvaise blague ! J'ai juste attendue comme une conne pendant trente minutes et personne n'est venu."

Ma soeur soupire, excédée. Elle sait que je ne lui dis pas tout. Mais je ne peux lui dire la vérité, même si cela m'attriste et me fend le coeur. Le secret est bien trop gros à garder, et je ne veux pas qu'elle ait à le porter. Je l'ai déjà suffisamment fait souffrir.

Et puis, ma version est d'autant plus crédible que je suis rentrée d'humeur maussade, et que je n'avais pas faim.

Je suis devenue une bien trop bonne actrice.

Ce matin, au lycée, je l'ai revu. Il était éblouissant... À chaque fois que nos yeux se croisent, j'ai l'impression de défaillir, et je m'empresse de détourner le regard, rougissante.

Maintenant le matin je reste avec mes nouvelles amies. J'ai hâte que Lara revienne. Je n'ai pas pu aller la voir depuis quelques jours et elle me manque horriblement. Je voudrais pouvoir lui raconter tous mes problèmes. Mais il ne faut pas. Je voudrais lui parler de lui. Mais je ne peux pas.

Je suis allée le voir pendant une de mes pauses. Ce qui était très puéril. Mais il était là, et nous avons rapidement discuté. On s'est embrassé puis je suis repartie comme j'étais venue. Sauf que quelqu'un m'est rentré dedans.

Une professeure. Lorsque mes yeux ont croisé les siens, j'ai tressailli. Son regard me rappelait celui de... Non peu importe. Je me devais de la sortir de ma tête. Mais la femme continuait de me fixer en silence, et je me sentais de plus en plus mal à l'aise.

"Est-ce que je peux faire quelque chose pour vous madame ?"

La femme hocha la tête puis m'entraina à l'écart. Je ne comprenais absolument pas ce qui se passait mais je la suivis tout de même jusqu'au détour d'un couloir vide.

La femme se tourna vers moi avec les yeux larmoyants. Elle tendit une main vers mon visage et j'eus un mouvement de recul. Je fronçais les sourcils, ne comprenant pas ce qu'elle me voulait.

"Marie, c'est moi ! C'est Victoire !"

Je dégageais mon poignet de sa main. Comment cette adulte osait-elle ?! Se jouait-elle de moi ? Voulait-elle me faire souffrir en me faisant penser à mon amie perdue ? Mais pourquoi ? Je ne lui avais rien fait !

"Marie je t'assure que c'est moi ! C'est Victoire ! Tu te souviens du jour où mon chat est mort et où j'ai chanté toute la journée ? C'est moi ! Je t'en prie, il faut que tu me croie, je dois te prévenir de quelque chose !"

Je me figeais. Bien sûr que je me souvenais de ce jour. Je me tournais vers la femme et l'inspectais. Ses yeux... C'était bien ceux de Victoire. Et ses mots, ce souvenir... Comment aurait-elle pu le connaître si ce n'était pas elle ? Même si tout cela défiait la logique, je savais que le monde n'était pas celui que j'avais cru.

Après tout, j'étais moi même morte, et j'avais rencontré une déesse.

Je me rapprochais de la femme. J'avais envie de la croire. J'en avais besoin.

"Victoire ? Mais... Mais comment ?"

Elle attrapa mes mains en ayant les larmes aux yeux.

"Je suis désolé Marie. Je ne me souvenais pas... Mais maintenant tout m'est revenu."

J'hochais la tête, même si je ne comprenais pas vraiment où elle voulait en venir. Soudain la peur se fit dans son regard et elle s'écria d'une voix paniquée :

"Je n'ai plus beaucoup de temps. Fais attention à toi et au collier !"

Puis un changement se fit dans les yeux de la femme, qui roulèrent sur eux-mêmes et devinrent bleu clair. La dame observa nos mains jointes et les lâcha prestement comme si je l'avais brûlé. Des larmes roulaient sur mes joues.

"Qu'est-ce qu'il vient de se passer ? Qui êtes-vous mademoiselle ? Il me semble vous reconnaître."

J'essuyais mes larmes en cherchant rapidement une excuse.

"Vous m'avez juste vue pleurer et m'avez entraîné à l'écart pour me réconforter. Merci madame."

Puis sans lui laisser le temps de répondre, je déguerpis. Mon dieu, mais que venait-il de se passer ? Victoire venait-elle réellement de me parler et de me mettre en garde à l'aide d'un autre corps que le sien ?

Je sortis dans la cour toujours en courant et allais m'asseoir dans l'herbe avant de me prendre la tête entre les mains. Je recroquevillais mes genoux contre moi.

J'avais l'impression que tout ce que je connaissais n'était que mensonge. Où est la vérité dans tout ce que je sais ? Les personnes autour de moi sont-elles ce qu'elles prétendent être ? Et moi ? Suis-je ce que j'ai toujours cru ? Ou ma vie est-elle un mensonge ?

Cette question me hantait. Cela faisait plusieurs fois que je faisais des cauchemars avec un champ de bataille, avec Déonys à mes côtés et l'homme qui partait en fumée. Le mystérieux homme... Il m'était familier. Ses traits, je les avais déjà vu, autre part qu'en rêve. Où peut-être était ce seulement mon imagination ?

Je n'étais plus sûre de rien. Et le collier... pourquoi me l'avoir donné ? Pourquoi m'avoir confié des pouvoirs aussi énormes sans même me connaître ? Pourquoi me faire confiance ?

Je sentais son pouvoir fourmiller sur ma peau. C'était tellement tentant. Je pouvais tout faire juste avec quelques paroles. Je pouvais devenir maître de ce monde si je le souhaitais, réussir dans la vie. Tout ça juste grâce à un collier.

Je sentis une présence rassurante à mes côtés. Je relevais les yeux et croisais ceux de ma jumelle. Elle s'accroupit a côté de moi, le regard anxieux et triste. Elle posa sa main sur mon bras avec une infinie douceur.

"Qui y a-t-il Marie ? Est-ce que c'est par rapport à hier soir... ?"

Je secouais la tête et regardais autour de moi pour me soustraire au regard trop bienveillant de ma soeur. La cour était rempli, pourtant quand j'étais sortie il restait encore beaucoup de temps avant la sonnerie... Je n'avais même pas vu le temps passer.

"Non Cloé ce n'est pas pour ça. C'est juste que..."

Je soupirais et passais nerveusement une main dans mes cheveux. Je ne savais pas comment lui raconter ce qui venait de se passer. Elle resta silencieuse, attendant que je sois prête à me confier. Je repris donc, d'une voix tremblante :

"J'ai l'impression que ma vie est un mensonge. Que TU es un mensonge. Que tout n'est que mensonge et tromperie. Je ne sais plus qui croire."

Ma soeur ouvrit de grands yeux avant de froncer les sourcils et de frapper l'arrière de ma tête. Je lachais un "aïe" et lui demandais ce qui lui prenait. Elle me fusilla du regard et d'une voix remplie de colère me répondit :

"Comment oses-tu douter de moi ? Je suis une part de toi Marie ! Tu pourras toujours me faire confiance dans ce monde de fous. L'amour ne peut pas tromper. Et puis tu as notre famille, et Lara ! Nous t'aimons et ça, c'est tout sauf un mensonge. Moi, je t'aime. Je serais toujours là pour toi. Je te le jure. Ce n'est pas un mensonge ça non plus. Fais moi confiance"

Je me mis à pleurer de plus belle et tombais dans les bras de ma soeur qui avait elle aussi les yeux mouillés. Je continuais en sanglotant :

"Et ce... ce n'est pas tout. Victoire m'a fait signe. Elle a pris le contrôle d'une professeur par je ne sais quel moyen et m'a mis en garde. Elle m'a dit de faire attention à moi, et au collier."

Ma soeur hocha la tête en serrant les dents. Elle encaissait comme elle avait tout encaissé depuis ma mort. Mais c'était mon rôle normalement. J'étais celle qui réconfortait, pas celle qui pleurait.

"N'en parlons à personne. Je vais veiller sur toi grande soeur."

Un voeu, un sourire.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant