Marie

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Je fais croire que je suis forte mais en réalité je suis faible. Et j'ai peur qu'un jour, quelqu'un s'en rende compte. Pour tout le monde, je suis Marie la rebelle, la dure à cuire. Alors qu'en réalité, je suis aussi sensible que ma sœur. Juste que je ne le montre pas. Je devrais remercier ma sœur : elle passe pour une chose fragile un peu bougonne. Le rôle de la petite sœur quoi ! Moi je suis la presque adulte, la mature, la impossible à faire flancher. Je ne pleure pas, je ne grimace pas, je tiens debout. Parfois c'est dur de maintenir les apparences. Et cet enterrement me mettait à dure épreuve. Lorsque j'avais jeté la rose, j'avais laissé glisser une larme. Mais c'était tout.

Je remarquais ma sœur qui revenait, le regard plein d'angoisse. Elle n'était pas très douée pour me cacher ses émotions... Mon père ne me lâchait pas, son contact m'apaisait. Mais je vis ma sœur qui me faisait de grands signes pour que je vienne. Dire que j'avais si peu d'instants père-fille et qu'elle interrompait cela ! Mon père n'était pas très souvent à la maison, accaparé par son boulot et ses loisirs. Elle savait que c'était important pour moi, elle ne m'aurait pas interrompu sinon. J'eus soudainement peur. Dans quoi pouvait-elle encore s'être fourrée ? Depuis l'accident, j'étais subitement devenue paranoïaque. Je me faisais des films pour un rien.

Toutefois je me dégageais lentement de l'étreinte de mon père et murmurais un merci, puis j'expliquais à mes parents que Cloé et moi nous débrouillerons pour rentrer. Ils acceptèrent, et je me dirigeais vers ma jumelle. Je ne la quittais pas du regard, essayant de sonder son esprit. Ses yeux bleus semblaient assombris par de l'inquiétude, ou de la colère, je ne sais pas trop. Elle jetait des coups d'œil à droite et à gauche. Que pouvait-elle donc craindre ? Et qui cherchait-elle ?

- Aïe !

Trop occupée à sonder ma sœur, je venais de percuter quelqu'un. Ce quelqu'un s'excusa et je fis de même. Mes lunettes de soleil étant tombée, je me penchais pour les ramasser mais la personne devant moi me devança. Elle me tendit ma paire avec un sourire en coin. Nos mains se frôlèrent, et ce fut comme si j'étais victime d'une électrocution. Nos yeux s'accrochèrent et ne se quittèrent plus. Ses yeux bleus foncés me foudroyèrent sur place. C'était comme si une tempête faisait rage en moi et balayait toutes mes pensées cohérentes. Je savais que ma bouche était ouverte, mais je ne parvenais pas à la refermer. Je devais avoir l'air stupide.

Je récupérai mes lunettes en bégayant un « merci » puis m'enfuit en direction de ma sœur. Je devais m'échapper de son attraction. Il ne chercha pas à me retenir. Tant mieux, je ne voulais pas tomber amoureuse maintenant. Et surtout pas de lui. Parce que j'avais aimé son frère et qu'il m'avait fait souffrir. C'était peut-être égoïste, mais je ne voulais pas revivre la même chose. La plaie était toujours à vif et je ne voulais pas risquer de la rouvrir. Sûrement n'avait-ce été que de l'électricité statique. Oui, sûrement était-ce cela. Mais ce qui était sûr, c'est que j'avais été la seule à ressentir ça.

J'espérais juste que mes yeux n'étaient pas rouges à ce moment-là. J'avais remarqué que sous l'effet de trop grandes émotions, ils se teintaient. S'il l'avait vu, j'étais dans la merde.

J'atteignis ma sœur et lui attrapai le bras, puis l'emmenai derrière l'église. Elle me demanda à plusieurs reprises ce que j'avais, mais je ne lui répondis rien. Je sais que sinon elle se mêlera de mes affaires et c'est la dernière chose dont j'ai envie. Elle rêve depuis si longtemps que je trouve quelqu'un, peut-être plus que moi-même je le souhaite. Et si je lui dis... elle risque de se faire des films. Et par la même occasion, moi aussi. Sauf que les films ne sont pas la réalité et que cela me fera souffrir lorsque je m'apercevrais que ceux-ci n'échappent pas à la règle.

Cloé me regarde d'un air suspicieux puis elle se dégage brusquement et croise les bras sur sa poitrine. Je soupire et lui lance un « Quoi ? ». Parfois elle m'exaspère à bouder comme ça. On dirait une enfant de 5 ans.

-Dis-moi ce qu'il s'est passé ! Est-ce qu'il t-a fait mal ? Il t-a posé une question étrange ?

Ses yeux étaient teintés d'inquiétude. C'était donc ça, elle avait eu peur pour moi. Mais pourquoi ? Ce n'est pas comme si il allait découvrir notre secret... Ni quiconque d'ailleurs. Il valait mieux que personne ne soit au courant. Je le sentais au fond de moi, ce sablier n'était pas qu'un cadeau. C'était aussi un fardeau.

Ma sœur me coupa dans mes réflexions :

-Marie ? Hum...Tu sais le frère de Victoire ?

Un long silence lui répondit. Je ne voyais pas trop où elle voulait en venir. Je connaissais vaguement Adam, bien qu'il tentait de disparaitre à chaque fois que je venais chez Victoire. Le peu que j'avais vu était un garçon colérique mais assez gentil. Bon, je devais avouer qu'il était sublime. Tout comme sa sœur... Les larmes se mirent à perler de nouveau. Victoire me manquait. Mon amie me manquait. Je contenais mes larmes et reniflais, puis répondis à ma sœur.

-Adam ? Un problème avec lui ?

Cloé se gratta la nuque, visiblement gênée. Non ne me dites pas que... elle était amoureuse ? Mais bon sang, elle venait de rompre avec Lucas ! Enfin, pas vraiment, puisque je l'avais obligée à aller s'expliquer, mais c'était encore tout récent ! Comment pouvait-elle sauter du coq à l'âne ainsi ? Surtout que je ne pense pas qu'Adam soit mieux que Lucas, loin de là. J'allais lui exprimer mon opinion mais elle me coupa :

-Je ne sais pas pourquoi ni comment, mais il est au courant que Déonys a arrêté le temps. Et il veut que je... lui apprenne. Et puis, il m'a aussi dit que j'étais spéciale, puisque sinon je serais à ses pieds, comme toutes les autres.

Elle avait dit ça si rapidement que je lui conseillais de respirer. Elle n'était pas amoureuse, cet éclat dans ses prunelles n'avait été que de l'inquiétude. Je me faisais encore des films pour rien. Bon, d'accord, et bien...

-On est dans la merde je crois.

Un voeu, un sourire.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant