Cloé

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J'ai horreur de ce lycée. Horreur de ces bâtiments gris et métalliques. Horreur de tous ces hypocrites qui te sourissent en pensant à quel point tes fringues sont démodées. Horreur de ces professeurs qui te félicitent pour un 10 mais t'engueule pour un 9. C'est pour ça que j'ai toujours fait un effort pour suivre la mode et avoir d'excellentes notes. Je ne supporte pas les regards désapprobateurs des gens. Je ne supporte pas leurs regards condescendants et leurs moues dégoutées, leurs réflexions diaboliques. Marie s'en fichait elle. Elle faisait ce qu'elle veut, personne ne lui dictait rien. A part moi et mes conseils avisés bien entendu.

Depuis qu'elle était morte, puis soudainement revenue à la vie, tout le bahut était à mes pieds. Les filles me complimentaient avec l'air de dire « Je suis ta meilleure amie ! » mais je ne les croyais pas. Qui avait été là lorsque j'étais effondrée par le chagrin ? Seulement mes vrais amis. Les garçons me jetaient de faux regards intéressés... Mais je m'en moquais. J'avais un petit ami de toute manière. Lucas... Lui il m'aimait pour ce que moi j'étais, et pas pour la possibilité d'être connu par le biais de ma sœur. Je haïssais aussi les profs. Ceux qui me regardent avec un sourire jusqu'aux oreilles en me tendant ma copie, agrémentée d'un petit mot délicat.

Bon, je l'admets. En réalité j'apprécie cette toute nouvelle attention que l'on me porte. Je me sens populaire pour une fois. Je ne suis plus la seconde, celle que l'on regarde toujours après les autres... Pour une fois ma sœur n'est pas sur mon territoire. Cette fois je suis sur le devant de la scène, et je compte bien y rester. Même si pour cela il me faut rentrer dans l'horrible monde des faux-culs et compagnie... Je me dirigeais vers les casiers pour récupérer mes livres tout en réfléchissant au sacré bordel paradisiaque qu'était devenue ma vie. Merci Marie !

D'ailleurs en parlant d'elle, je me demande ce qu'il se passe avec ses yeux. Je n'en ai parlé à personne bien entendu, même à Lune, ma meilleure amie. Il existe des secrets qu'il vaut mieux ne pas dire. En réalité, ma sœur m'a fait peur. Pas à cause de son apparence, mais du changement dans sa voix, sa gestuelle. Le fait qu'elle se mette à pleurer surtout... c'était assez nouveau pour moi. Et j'ai détesté ça. Pourtant je sais qu'au fond de moi je l'aimerais toujours, quoi qu'il arrive. Je l'aimerais même si elle était un monstre.

Je me heurtai à une masse imposante et tombai sur les fesses. Je grognai et regardai en l'air. Je croisai des yeux vairons. Un vert-doré et l'autre brun. Et merde alors ! Ces yeux appartenaient à l'un des plus grands sportifs du lycée. Ca n'arrivait qu'à moi de heurter Mr le Tombeur. Surnom que Lune et moi lui avions attribué grâce à ces innombrables filles qui se pâmaient pour ses beaux yeux. Bon, d'accord, en réalité il n'y avait pas que ces yeux qui faisaient rêver. Il y avait aussi ses épaules larges, sa silhouette tout en muscles, ses lèvres pleines et séduisantes, ses cheveux bruns un peu trop long, ce qui lui donnait un petit côté mystérieux. Et puis il y avait son intelligence et sa gentillesse légendaire. En gros, ce mec était le fantasme de la moitié des filles du lycée. Malheureusement pour elles, il les rejetait constamment, préférant rester célibataire.

Je me rendis compte que je l'observais d'un air assoiffé et que je devais arrêter ca tout de suite. Et merde ! Si Lucas me voyait, il ne serait mais alors pas du tout content ! Il avait toujours été très possessif. Je me mis donc à ramasser mes affaires éparpillées devant moi à genoux. Puis je sentis quelqu'un d'autre s'accroupir et m'aider à tous rassembler. Il me tendit mes cahiers et quelques feuilles, et je ne pus m'empêcher de relever la tête pour croiser son regard. Et zut, le tombeur n'était donc toujours pas parti ? Il ne pouvait pas me laisser tranquille non ? C'était déjà assez peu commun de le percuter et de lui aboyer dessus !

Bon enfaite je trouvais ça juste trop romantique. Trop mignon ! C'était comme dans les films, ceux où le garçon se baissait et là, BIM ! Coup de foudre. Sauf qu'il fallait que je reprenne mes esprits ! Ce type était surement un dragueur hors pair, doublé d'un homo, ou alors je ne voyais pas pourquoi il dirait non à toutes les filles qui voulaient sortir avec lui... Je lui arrachais donc mes affaires des mains et grommelais un merci, avant de me diriger vers mon casier sans lui accorder un regard. Il ne me suivit pas et je remerciais intérieurement Dieu.

Je pense que je devrais essayer de trouver mon petit ami avant que ça sonne.

A l'instant même où cette réflexion me passait par la tête, je reçus un message de sa part. « Malade, je ne viens pas en cours désolé mon cœur <3 ». Mon dieu, il était juste... trop mignon. Alors je finis d'oublier Mr le Tombeur et me mis à rêvasser sur mon petit ami. On s'était connu il y a à peu près deux ans, lors d'une soirée où j'avais trainée ma sœur. C'était en troisième. Je me souviens qu'on avait sympathisé et échanger nos numéros. Puis on s'était rendu compte qu'on allait dans le même lycée. Et ensuite... il m'a fait sa demande l'année dernière, le 15 avril précisément. Et dire que c'est bientôt notre 1 an de couple ! Je lui ai acheté le parfum dont il raffole. Mais lui, je me demande ce qu'il a bien pu me prendre...

La sonnerie annonçant le début des cours me fit sursauter. Je me dépêchais de me rendre dans ma salle. Pour la matinée, j'avais seulement deux heures d'anglais. Une des seules matières que j'aime à vrai dire... Cette année j'avais une prof super gentille, Mme Barcelli. Oui, pour une prof d'anglais, son nom de famille ne correspond pas très bien. Elle est petite et robuste, avec des cheveux frisés et noir de jais. Elle s'habille avec élégance et originalité, féminine et rebelle. Ma sœur adore son style d'ailleurs. Et puis la prof nous aime bien, sachant que nous nous débrouillons bien en anglais. Elle dit même que nous avons un accent « américain ». En gros, qu'on avale nos mots. Pas très sexy si vous voulez mon avis.

Pendant le cours je m'amusais à tresser mes cheveux auburn, bien qu'en réalité ils tiraient plus sur le roux alors que ceux de ma sœur, sur le blond. Pourtant j'écoutais aussi d'une oreille attentive ma prof bien aimée... et discutais avec ma voisine. Ba quoi ? Si j'arrive à faire plusieurs choses en même temps, c'est cool non ? Je reçus un message et regardai distraitement mon portable, m'arrangeant pour que la prof ne me remarque pas. Sur l'écran s'affichait ceci :

« Les murs sont franchement dégueulasse...Tu peux venir les peindre ? Marie. »

Je soupirais et jetais un coup d'œil à l'horloge. Dans notre langage codé cela voulait dire : « J'ai un gros problème. Tu peux venir m'aider ?». En plus, elle n'avait même pas mis de smileys... Mauvais signe. Il ne me restait qu'un quart d'heure de cours de toute manière, et après j'irais la rejoindre. Si son problème est vraiment grave, je n'irais pas en cours cette après-midi, tant pis. Je rattraperai plus tard.

Finalement, lorsque la sonnerie retentit enfin, je bondis de ma chaise comme si une guêpe m'avait piquée. Je courus presque pour sortir tellement j'étais pressée. Cependant la professeure me retint et me lança cette unique phrase, que j'entendais pourtant pour la centième fois de la journée, mais qui revêtait avec elle quelque chose de gentil et attentionné :

- Ta sœur va bien j'espère ?

J'hochais donc la tête et répondis par un grognement, lui montrant ainsi que j'étais quelque peu pressée. Je partis comme une flèche, me dépêchant de filer. Dans les couloirs à moitié déserts, j'eus soudain une forte envie de faire pipi et je ne pus m'empêcher de penser que ma vessie choisissait toujours les pires moments pour se faire remarquer. Je me dirigeais donc avec une nonchalance feinte vers les toilettes. J'arrivais donc à ces derniers et me dépêchais de pousser la porte.

C'est à ce moment-là que j'entendis les petits cris étouffés. Une aigre odeur d'urine flottait dans l'air. Mon instinct me hurlait de m'enfuir, de ne pas regarder. Je n'aimais pas du tout ça... Mauvais signe. Mais trop tard, j'avais déjà ouvert la porte. Et ce que je vis me pétrifia d'horreur. Lucas embrassait une rousse à la jupe trop courte et au décolleté plongeant. Une certaine Mandy je crois. Une de ces secondes qui tentaient à tous prix de se faire remarquer. Je mis ma main sur ma bouche pour m'empêcher de crier et commençai à reculer. Mais trop tard, Lucas m'a vue. Il se détache de la fille. Il marche vers moi en bredouillant quelque chose.

Mais je cours. Je cours pour sortir de ce rêve. Car ce n'est qu'un rêve n'est-ce pas ? Jamais Lucas ne me ferrait ça, jamais il ne me tromperait avec une de ses pimbêches. Et en plus... c'est bientôt nos 1 an de couple... Non ce n'est pas son genre de faire ça. Je fus tentée de ralentir et de retourner le voir pour lui quémander des explications mais je n'en eu pas le courage. Je n'avais pas envie de l'entendre dire « je ne t'aime plus » ou « tout est fini entre nous ». Non, mon cœur ne le supportera pas.

Je sortis en courant et en pleurant du bâtiment, pressée de sortir de cet affreux cauchemar. De sortir de cet enfer.

Un voeu, un sourire.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant