Chapitre 27 : Responsable

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— Qui est là ? Tristan, c'est toi ?

Un ricanement grave pour toute réponse, une silhouette sort de l'ombre.

— Tu n'as pas à entrer comme ça chez moi.

— Ne sois pas sur la défensive... Je venais prendre quelques nouvelles...

— Oui, et me terroriser une fois encore. Ton petit jeu ne m'amuse plus. Pour ce qui est des nouvelles, je vais bien, merci. Un simple appel aurait suffit. Bon, voilà, je crois qu'on a fait le tour. J'aimerais dormir maintenant.

— Tu ne me demandes même pas comment je suis entré ? Tu habites au sixième. Crois-moi, ce n'est pas si évident.

— Ça m'est égal.

— Bon... Tu gâches une partie de mon plaisir.

— Je sais tout, Tristan. La Statera Mundi, les Arnétikos et les Thétikos...

Malgré l'obscurité, j'arrive à distinguer le changement brutal qui se dessine sur ses traits. L'abattement est la première émotion à passer sur son visage, pour mon plus grand plaisir. Mais la colère lui succède. Il est furieux.

— Qui t'a parlé de tout ça ? Cyrians, hein ? Ce connard t'a tout révélé. C'était à moi de le faire. Il n'avait pas le droit !

— Peu importe, je sais maintenant.

Contre toute attente, il retrouve son aplomb et affiche à nouveau son sourire satisfait.

— Très bien... Alors ce ne sera pas moi le responsable de ton éventuel sort funeste. Ce sera lui.

— De quoi tu parles ?

— Émy... Tu es à moi. Tu n'as plus le choix, tu vas devoir me suivre. Tu vas devenir comme moi, une Arnétikos. Tu feras ça très bien, tu es une recrue de choix.

— Hors de question. Je ne le ferai jamais. Je crois que je préfère mourir. Je me tuerais s'il le faut, mais je t'échapperai.

— C'est trop tard, ma belle. Maintenant que tu sais, maintenant que le travail sur toi est si bien lancé, tu n'as plus d'alternative. Tu appartiens à la Statera Mundi. Tu es un membre en devenir. Et la Statera Mundi ne tolère aucune bavure. Soit tu rejoindras pleinement ses rangs, soit tu devras être Éliminée. Mais quand je dis Éliminée, je ne parle pas d'une mort paisible aux allures d'échappatoire. Ceux qui mettent en danger la Statera Mundi sont détruits. Quel beau visage tu as... Imagine ce doux visage se briser...

Il caresse ma joue tout en parlant. Et, comme s'il avait anticipé mon mouvement de recul, il saisit mes cheveux à l'arrière de mon crâne de son autre main, rendant douloureuse et vaine toute tentative de lutte. Il approche son visage au plus près du mien, et continue son discours, avec une violence indescriptible dans la voix.

— Tu entends ? Ton visage qui se brise... C'est comme ça qu'on se débarrasse des sujets sensibles : les Perpetrator décident de l'Élimination. C'est le nom que porte ce procédé particulièrement douloureux qui consiste à voir ton corps se fissurer et se briser comme une vulgaire poterie. Puis ton corps devenu poussière est disséminé à travers le monde au gré des vents. Un peu radical, je te l'accorde. Réfléchis Émy... Le temps est compté...

Je peine à respirer, mais brutalement, il repousse ma tête en arrière, faisant craquer mes cervicales. Je ferme les yeux quelques secondes à peine. Je les rouvre et scrute la pièce. Il n'est plus là. Il est parti. Je me lève et ferme la fenêtre, puis me blottis dans mon lit. Il veut seulement me faire peur. Mais s'il avait dit vrai ? Si, pour préserver le secret, les Perpetrator tuaient des gens ? C'est vrai qu'avec tout ce que je sais, ils ne seraient pas très futés de me laisser en vie sans pour autant que j'intègre leurs rangs. Me laisser Convertir, ou mourir dans les conditions décrites par Tristan. Voilà le programme. Non, une autre alternative est forcément possible, et je dois la trouver. Je ne veux pas répandre le mal. Ils ne peuvent pas me forcer. Il y a forcément une autre possibilité. Je finis par m'assoupir, mais mon sommeil est plus agité que jamais. Je me sens prise au piège.

STATERA MUNDIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant