Chapitre 11 : Poule mouillée

7.9K 573 299
                                    

Face à face et assis dans l'herbe, lui et moi étions concentrés sur notre jeu. Karma affichait un sourire détendu en inspectant ses cartes. Après avoir échangé deux des miennes, le constat fut plutôt mitigé :

« Brelan de roi... Pas trop mal » pensai-je

Même si aucun de nous deux n'avait montré d'avantage lors de nos précédente partie, je n'excluais pas la possibilité de perdre massivement. En même temps, ma douleur n'aidait pas. Le seul point positif était que le cadre dégageait une atmosphère agréable et que la température un peu élevé, était atténuée par l'ombre de l'arbre sous lequel nous nous trouvions.

Après avoir tiré une carte, Karma dévoila son jeu :

-Paire de dames.

-Brelan de roi, lançai-je en posant le mien devant lui.

-Je suis toute ouïe, dit-il avec un sourire en coin en reformant le paquet pour la partie suivante.

Il était normal que Karma ne s'inquiète pas, puisqu'après tout, c'était un éternel décomplexé. J'avais déjà tenté de le mettre en difficulté en lui posant des questions gênantes telles que « Quel a été la plus grosse honte de ta vie ? » ou « Que dirais-tu si je te proposais une fellation ? » (oui, c'est allé plutôt loin ... ). Mais à chaque fois, il répondait avec le plus grand des calmes, sans montrer aucun embarras (si vous voulez connaitre la réponse à la fellation, ce crétin m'a gentiment sorti qu'il préférerait tester l'anal ... ).

Je réfléchi quelques secondes. Je pouvais lui poser n'importe quelle question, il fallait donc que je choisisse mes prochains mots avec soin.

-Qu'as-tu raconté à Maehara l'autre jour ?

Je décidai de ne pas entrer dans le cœur du sujet maintenant. Ce qui était fait ne changerai pas et ma « priorité » était de comprendre son comportement actuel pour pouvoir le neutralisé le plus vite possible.

Karma leva les yeux et me fixa d'un air étonné. Il ne s'attendait sans doute pas à ce que je parle d'un incident aussi banal. J'haussai les sourcils, attendant de pied ferme ma réponse et il dévia son regard vers l'étendu d'eau :

-Je lui ai juste dit que je lui ferai la peau s'il s'approchait encore un peu trop près de toi...

Mes soupçons semblaient bel et bien fondés, mais pourquoi être aussi embarrassé à l'idée de dévoiler sa victoire ? Il aurait, habituellement répondu avec un sourire victorieux, à moins que quelque chose ne m'échappe...

-C'est bien ce qu'il me semblait..., me contentai-je de répondre en saisissant ma nouvelle main.

Karma releva les yeux, un air dubitatif sur le visage.

-Alors t'as compris ?

-Bien sure, je t'ai côtoyé pendant plus d'un an et j'ai une très bonne mémoire. Je te connais depuis... Dis-je en saisissant mon nouveau jeu.

Karma marmonna quelque chose d'imperceptible et après les échanges de cartes, le verdict tomba : j'avais un brelan de 9 et lui, un foule au roi.

-Ce type, où est-ce qu'il t'a emmené ? demanda-t-il en remélangeant le jeu.

-A l'hôpital, mentis-je.

Il aurait été trop suspect de lui dire que j'étais revenu directement à l'hôtel, surtout après avoir craché du sang.

-Ceux qui mentent on un gage, tu le sais ça ?

-Bien sure..

-J'ai appelé l'hôpital l'autre jour, ils n'ont pas pris d' « Hana » en charge...

Il avait sorti sa phrase avec un sourire sadique, puisqu'il savait qu'il pourrait tout me demander.

-Qui me dit que tu ne bluffe pas ?

-Si tu as peur que je bluffe c'est que tu doutes. Et si tu doutes sur ta propre réponse alors que tu as une mémoire infaillible, c'est que tu mens, conclut-il.

Grillée...

Je le fixai pendant quelques secondes et baissai finalement les armes. J'avais mentis au type le plus malin et vicieux que je connaisse, et je savais que mentir à Karma avait des conséquences puisqu'il trouvait toujours un moyen de connaitre la vérité.

-Tu n'as jamais appelé l'hôpital, hein.... ? soupirai-je

-Nope.

-Je t'écoute, quel est mon gage ?

Il se mit à me fixer, un sourire sadique aux lèvres. Il cherchait sans doute un truc gênant ou immoral à me faire faire, bref, du Karma tout craché... Il tourna la tête et pointa le bassin du doigt

-A l'eau !

-Quoi ? En uniforme ?

-Tu peux l'enlever, je ne suis pas contre, dit-il avec un sourire en coin.

Je fixai à mon tour le bassin et retirai ma veste, avant de me lever en soupirant.

« Ca aurait pu être pire... » pensai-je

Arrivée au bord de l'eau, je me baissai pour tremper ma main et doser la température. C'est là que je me senti pousser par le dos et tomber à la renverse. Je poussai instinctivement un petit cri en entrant de force dans l'eau.

Remonté à la surface alors que l'eau été à peine tiède, je fusillai Karma du regard. Il était accroupi et riait, se moquant ouvertement de moi.

-Et une jolie poule mouillée, une !

-TU VAS VOIR ESPECE DE ... lâchai-je avant de le saisir par le col de sa chemise.

Prit de cours, il chuta dans l'eau. Son visage pris alors les traits de la colère, rare chez un type aussi sure de lui.

-Et un blaireau à l'eau, un ! dis-je en éclatant de rire à la vue de sa tronche de chien mouillé.

Bizarrement, cette petite vengeance m'avait fait du bien et je retrouvai momentanément le sentiment de bien être que m'avait quitté il y a deux ans. J'essayai de reprendre mon sérieux, m'attendant à des réprimandes pour avoir OSÉ mouiller Sir Karma. Mais quand je relevai la tête, celui-ci avait disparu.

-Merde, il a...

Je ne pu finir ma phrase que je senti quelque chose m'attraper la cheville et me tirer vers le fond. Je jetai un œil en dessous de moi et vis Karma me tirer vers lui. Une fois à sa hauteur, il s'accrocha à mes hanches et me plaça sur son épaule avant de remonter. Une fois à la surface, je pris appuie contre son dos en me débattant alors qu'il me portait comme un vulgaire sac à patate.

-Lache moi espèce de tronche de tomate !

-Dit, t'aurais pas pris un peu de poids depuis la dernière fois ? lacha-t-il en ignorant complètement mes plaintes.

-LA FERME !

Alors que Karma avançait en direction du bord de la piscine, je décidais d'agir de manière plus direct : je glissai ma main et tirai d'un coup sec sur son caleçon. Il lâcha prise par réflexe et se retourna vers moi, le visage rouge de colère :

-MAIS CA VA PAS LA TETE ??

-C'EST TOI QUI A COMMENCÉ ESPECE DE TRONCHE DE POIVRON !

Après nous être craché quelques mots doux supplémentaires au visage en rejoignant le bord, un silence s'installa. Une fois remontés, nous nous étions fixés, avant d'éclater d'un rire franc. Je ne savais pas vraiment pourquoi j'étais à ce point amusée par la situation, peut être qu'au final, cette relation chien/chat avait commencée à me manquer...

La haine que j'éprouvais laissa occasionnellement place à un sentiment de bien être que j'avais longtemps mis en quarantaine dans un coin de mon cœur. Tous les bons moments que j'avais traversés avec Karma remontèrent et une chaleur naquit dans mon estomac. C'est comme si la haine que j'avais éprouvé ce fameux soir avait anesthésié le bonheur que j'avais pu ressentir quand j'étais à ses côtés. Alors que je reprenais mon souffle, le souvenir du début de cette aventure resurgis depuis les bas-fonds de ma mémoire.. 

Hatred Paradox   -ASSASSINATION CLASSROOM -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant