23. LUCIE

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Ce matin, je me réveille tranquillement. Lorsque je me regarde dans le grand miroir qui me fait face, je vois enfin un soupçon de soulagement sur mon visage, malgré mon air mutin. Mon ventre ne grogne pas, comme à son habitude, quand je suis à New York. Je n'ai pas non plus, cette boule dans ma gorge qui me submerge, pour venir s'éclater dans mon corps tout entier.

Je ferme instinctivement les yeux, en me mordant la lèvre, avant de me lever sur la pointe des pieds. Je m'occupe de passer mes mains autour de ma nuque, puis sur mes épaules. Ensuite, vient le tour de mes bras et de mes poignets. Tout à coup, mes doigts butent sur quelque chose de râpé : mes cicatrices. Je ne grimace pas une seule seconde, et laisse mes doigts continuer leur caresse, jusqu'à mes cuisses et mes pieds.

En me sentant de cette manière, j'ai l'impression d'être vivante, d'être vraiment ici, dans ma chambre d'adolescente ; l'endroit où je n'ai jamais cessé de me trouver en sécurité.

Après m'avoir forcé à sourire devant le miroir, je prends mon portable, espérant secrètement une réponse de la part de Smith. Je ne sais même pas pourquoi j'ai envoyé ce foutu message. Rien n'est cohérent dans ma tête, depuis qu'Alban est parti trop facilement. Mais, il y a une chose que j'aspire au plus profond de moi.

Smith, je veux le revoir.

Ça paraît fou, dit comme ça, aussi vite, sans hésitation quelconque. Oui, je crois bien que j'ai envie de le revoir, d'entendre sa voix qui me rassure à nouveau, et de pouvoir respirer dans ses bras. Mais avant tout ça, il faudrait qu'il le comprenne de lui même. J'ai trop peur pour refaire le premier pas. Je me demande ce qu'il a bien pu penser en me voyant arriver sur son lieu de travail, sa vie qu'il a construit sans moi. Peut être, qu'il n'espérait plus me voir après nos retrouvailles légèrement mélancoliques. Sauf que moi, je n'avais qu'une envie : le revoir. Nos conversation débiles, nos disputes, et notre vie trépidante, rythmée par les combats illégaux et la peur du résultat, me manque.

Ouah, j'ai vraiment dit ça !

Mon dieu, c'est vrai en plus. Ma vie ressemblait à quelque chose au moins. Avec Alban, j'ai l'impression de toujours me trouver au point de départ. Mais les choses vont bientôt changer, puisqu'une fois revenue à New York, on aura une grande discussion. Plus de mensonge, juste une route vers une nouvelle vie, vers une thérapie.

Je suis contente d'avoir le soutien de mon père. Je sais qu'aider Alban, sonne mauvais dans ma bouche et celles des autres. Sauf qu'il arrive parfois à quelques personnes de sentir au plus profond de leurs êtres, les choses qu'il faut absolument qu'ils fassent. C'est simplement de la survie. Je suis comme Tante Haylie, j'aide les gens. Cette fois, il ne s'agit pas d'une personne quelconque, mais d'Alban. Ce n'est pas rien quand on y réfléchit.

•••••

Après avoir pris un petit déjeuner, en zappant les programmes à la télévision, j'enfile un vieux jogging et un haut tout simple. Puis, je chausse mes tennis, avant de laisser un petit mot à mon père sur la télévision. Je sais qu'il le verra ici. Sinon, c'est qu'il lui faut vraiment des lunettes.

En enclenchant la musique, qui soudain m'inonde, je commence à fouler le sol. Sans trop difficulté, j'arrive à courir pendant une bonne heure, avant de m'arrêter devant le centre d'athlétisme. Le centre qui m'a vu, comme qui dirait, grandir pendant mes années collège et lycée. C'est là que j'ai eu mes premiers amis, mais franchement, les gens changent après, et il est dur de garder les mêmes amis. Tout le monde prend des perspectives différentes, et la vie continue, comme avant.

Assise sur un banc à l'intérieur du stade qui a fait mes premières compétitions étant jeune, je réfléchis. Je réfléchis à ma vie d'aujourd'hui, et je ne peux m'empêcher de la comparer à celle d'avant. Franchement, lorsque j'ai rencontré Alban, j'ai cru que la vie devenait enfin clémente avec moi. Mais c'est tout l'inverse, elle a voulu me pourrir, ou m'endurcir, au choix. En plus de mon malheur en amour, mes parents — surtout ma mère, si je puis dire — me reprochaient de ne pas sortir plus, de ne pas avoir une vie comme tout les jeunes de mon âge. A me voir, j'étais anormale.

FIGHT FOR US 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant