FIGHT FOR US 2

27.SMITH

Tout ce que je trouve à faire avant de rentrer chez moi, c'est d'aller boire un verre au bar le plus proche. Je pousse la porte qui grince au moment où je la franchis. Les gens assis autour du bar, me regardent attentivement, avant que j'engage un pas vers eux. Mes yeux les observent à leur tour, avant qu'ils ne s'arrêtent sur une jeune femme, qui ne fait rien pour cacher son regard insolite et remplit de sous-entendus, tourné vers moi. J'arrive même à déchiffrer ce qu'elle aimerait me faire, dans ses yeux chocolats.

Comme perdu, je m'assois à la seule place vide, qui se trouve être à côté de cette jeune femme. Elle porte un haut qui pourrait être comparé à un filet de pêche, mais beaucoup plus sophistiqué ; qui laisse entrevoir une poitrine généreuse. Ses jambes paraissent interminables le long du tabouret. N'importe quel mec baverait devant un si beau tableau, quoiqu'un peu vulgaire. Pourtant, moi, elle me donne envie de vomir. Non sans être méchant. L'ancien Smith aurait eu la prestance de l'aborder, pour avoir une chance d'avoir ce petit plus. Sauf que ma peau me ronge et les souvenirs m'assaillent comme des balles de mitraillette. Je n'ai pas la tête pour des conneries de ce genre. Lucie vient de prendre un bout de mon coeur avec elle, alors que je croyais cela impossible.

Une main aux grands ongles fushias se pose soudainement sur mon épaule. Je frémis aussitôt de dégoût. Je préfère ne pas lui donner d'attention, en faisant signe au barman, qui s'active autour de tout les clients. Je lui demande seulement une bière. Mon but n'est pas de me bourrer la gueule jusqu'à ce que Lucie disparaisse de mon esprit. Non, je veux garder tout les souvenirs de la journée intactes, même si la fin n'était pas grandiose.

Le barman s'approche de moi, le visage barré par une grande cicatrice sur sa joue, pour me donner ma bière. Je le remercie tranquillement, avant de porter le liquide à ma bouche. La fraîcheur pulse dans mes veines, et m'apaise bizarrement.

— J'aimerai bien voir ce que peuvent faire ses lèvres, souffle la fille à côté de moi, d'une voix mielleuse.

Alors que je m'apprête à la rembarrer sur place, une autre main se pose sur mon épaule pour chasser celle de la fille. Surpris, je regarde ce qui se passe avec attention, ma bière toujours en main.

— Désolée beauté, mais ça tu ne le verras jamais, il est déjà pris. Dégage de là et vite, réplique une voix familière.

En me retournant un peu plus, j'arrive à voir le grand regard noir et froid que lui envoie Léna. La fille bredouille des excuses avant de prendre ses jambes à son cou. Je souris avant de tapoter le tabouret où elle était assise, pour indiquer à Léna de venir. C'est ce qu'elle fait, en appelant le barman d'une grosses voix. Elle lui commande trois shots de tequila, avant de soupirer un bon coup. Pendant que je bois une deuxième gorgée de ma bière, je la vois se masser la nuque.

Parfois, Léna peut se montrer chiante et flippante. Mais là, elle m'impressionne. Et puis d'où elle sort ? Je fronce les sourcils, en la regardant se saisir d'un shot et l'engloutir en moins de deux secondes. Immédiatement, j'ouvre la bouche, plein de question, mais je me ravise tout de suite.

— Chut. Je suis là, un point c'est tout, elle déclare.

Puis, elle engloutit le deuxième shot, tout en faisant glisser le troisième vers moi. Je décline son offre en agitant ma bouteille devant ses petits yeux. Elle incline la tête, une grimace sur le visage.

— Très bien.

Elle l'avale.

— Mais tu rates quelque chose.

Je ris, avant de m'intéresser un peu plus à elle. Je sais qu'il n'est pas si tard que cela, mais ce n'est pas vraiment son genre de traîner dans les bars. Enfin, c'est ce que je croyais en tout cas. Au moins, j'aurai cru la voir accompagnée de Dany, ou de Lucas. Mais non, elle est seule. Comme moi. Sauf que quelque chose sur son visage me dit qu'elle n'a pas l'air entièrement sereine. Peut-être les cernes sous ses yeux, ou alors son sourire mal-assuré. Même hier soir au bar avec nous, elle faisait ailleurs. Le seul moment où elle semblait être elle-même, c'était quand Lucas s'osait à parler de Lucie et de moi.