Three Forever ( En Cours De Correction)

Combats II

EVAN

Plus les chimio s'enchaînent et plus Julian a du mal à les supporter autant physiquement que mentalement. On s'est installés dans une routine qui nous convient même si le voir affaibli, déprimé n'est pas facile tous les jours. On ne se quitte plus à l'école et passons nos soirées chez Julian. Le vendredi nous dormons là-bas pour ne pas le laisser seul.
Nous avons toujours à l'esprit qu'il a mentionné le fait de mettre fin à ses jours. Il a beau nous jurer que ça avait été juste de la provocation cela nous angoisse encore terriblement.

Lise et moi tentons de lui changer les idées par tous les moyens. Nous avons abandonné le ciné : il s y endort systématiquement, le bowling ou toutes sorties sportives: cela l'épuise. Nous passons donc énormément de temps dans sa chambre ou dans son jardin mais cela ne nous dérangeait pas: l'important était qu'on soit tous les trois.
Kris et Gaëtan nous rejoignent de temps en temps mais Kris dit qu'elle a l'impression qu'ils sont de trop et qu'ils nous volent du temps.
Je déteste quand elle dit ça ( comme si Julian était condamné et qu'il nous restait peu de temps avec lui...).

Il a été contraint d'abandonner le basket: un vrai coup dur pour lui. Heureusement les gars de l'équipe ont été incroyables: ils ont organisé une fête "entre mecs" à laquelle j'avais même été invité et Laurent et Julien viennent régulièrement le week end. La première fois Mélanie les a accompagnés, Lise avait sauté sur l'occasion pour se venger: elle s'était collée à Julian et l'a carrément galoché lui prouvant qu'elle a beaucoup plus d'endurance en apnée qu'elle et que Julian lui appartient. Après ça on ne l'a plus revue chez Julian, elle nous fuit à l'école et Lise triomphe. Elle parade même. Elle ne supporte pas qu on lui en fasse la remarque pourtant c'est la stricte vérité. Lise a du mal à admettre à quel point elle est fière et même prétentieuse parfois.

Le dimanche est la meilleure journée de la semaine. Celle où Julian se sent le mieux. On a donc établi un rituel: sa mère nous dépose au lac ( même quand il pleut. On s'abrite dans l'aire couverte où nous pique niquons en parlant de notre avenir. C'est aussi là bas que nous écrivons notre histoire et que nous lisons chacun notre tour notre journal intime. Ce qui provoque  fou rire, gêne et quelques...ok, beaucoup de larmes aussi et notons ce que l'on veut partager, garder gravé à jamais. Julian nous a demandé de réaliser ce "carnet de route" un jour où il était profondément déprimé:

-  J'aimerai que vous lisiez mon journal, que vous sachiez ce que j'ai ressenti toutes ces années et qu'on écrive notre histoire au cas où je devrais mourir... je veux pas partir sans vous laisser ...

Je l'avais interrompu:
- Tu ne partiras pas.

Et Lise avait enchaîné les larmes aux yeux:
- Tu as promis! Arrête de parler comme si tu étais dans le couloir de la mort.

- Mais je suis dans un putain de couloir de la mort Lise! Je suis là à me faire injecter des tas de putain de produits et à me bourrer de gélules. A être en permanence en mode zombie et à vomir tripes et boyaux tous les quinze jours. Tout ce que je mange à un goût de papier mâché, on ne fait quasiment plus l'amour et mes parents et vous mettez vos vies entre parenthèses. Vous êtes tous en train d'attendre qu'on me gracie ou que je crève!

Je m'étais énervé:
- Julian il te reste trois chimio et le docteur Lamaire dit que tu réagis super bien au traitement alors bordel arrête de dire des conneries et changeons de sujet!

C est ce que nous avions fait même si nous étions tous les trois conscients que cette épée de Damocles trônait toujours au dessus de nous, qu on en parle ou pas.

*****

LISE

- Tu ne peux pas toujours obtenir tout ce que tu veux Lise! On a été plus que conciliants jusqu'ici mais là c'est non et on ne reviendra pas sur notre décision! crie mon père.

- Vous oubliez que je ne vous demande pas votre avis je vous informe juste! Je suis majeure et je fais ce que je veux! Je voulais juste que vous soyez au courant! lui craché je au visage.

- Et tu vas payer ça comment? me demande ma mère toute aussi énervée.

- J'ai plus qu'assez d'argent sur mon compte épargne!

- Tu oublies que tu n'y auras accès qu'à vingt et un an. ricane mon père.

- Pas si vous donnez votre accord! argumenté je.

- Hors de question! Tu ne toucheras pas à un centime de ce compte! contrecarre-t-il.

Je ne me laisse pas démonter:
- Mamy m'avancera l'argent!

- Tu n'as pas intérêt à mêler mamy à tout cela! s'offusque ma mère.

- Elle est déjà au courant! Et elle approuve ! répliqué-je.

Ma mère soupire et mon père essaie de jouer sur la corde sensible:

- Comment Julian va faire? Il a sûrement un suivi à faire?

Pas de chance pour lui nous avons pensé à tout.

- Nous serons de retour pour sa visite de contrôle! Docteur Lamaire nous a donné son feu vert il a même dit que c'était une excellente idée pour fêter la rémission de Julian et que c'était un de ses rêves! Triomphé je.

Je quitte la pièce sans leur laisser le temps de trouver d'autres objections.

JULIAN

- Vous êtes d'accord?

- Bien sûr, répondent-ils en cœur.

- Julian nous t'avons demandé de te battre et tu l'as fait. Maman et moi t'en serons éternellement reconnaissants

Même s ils étaient devenus vraiment fort pour cacher ses émotions ces derniers mois je voyais bien qu'ils se contrôlaient.

- Tu es notre unique enfant et je ne sais pas ce que l'on aurait fait si tu étais...

Il se tait et je termine sa phrase:
-  mort.

Je n'ai plus peur de la mort: on avait signé un pacte tous les deux: elle me laissait tranquille pour le moment si je célébrais la vie à mille pourcents. Je me devais d'honorer cet accord.

- Oui et donc du moment que tu es prudent nous trouvons que c'est une bonne idée et nous vous aiderons à l'organiser et à le financer.

- Merci mais pour le financement j'ai assez d'argent: ça ira.

- Garde ton argent pour plus tard, tu n'as qu'à te dire que c'est ton cadeau de rémission.