Chapitre 38

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« Et je pense que tu devrais savoir ceci
Tu mérites bien mieux que moi »

-Better Than Me, Hinder



Point de vue d'Aria

Je marche doucement dans le brouillard. Les mains dans les poches, les cheveux battant dans le vent. Une pluie fine commence à tomber et je mets ma capuche. Je marche comme ça, seule, sur le bord de la route. Mon sac sur ma hanche, trop de choses dans la tête, je me dirige vers mon nouveau lieu de travail.

J'ai garé la voiture d'Huguette un peu plus loin, sur le bas-côté. Conduire m'oblige à réfléchir, et ce n'est pas ce dont j'ai besoin maintenant. Regarder la route défiler, les essuies glaces battant sur le par brise.

Comme dans les films, mais en moins bien.

Mais de toute façon, les films n'ont jamais représenté la réalité. Ce n'est pas le but. Le but est de s'évader, de vivre des aventures, par le biais d'une autre personne. Vivre une histoire d'amour incroyable sur un bateau qui coule pour quelques heures, étudier dans une école de magie pour quelques minutes, s'évader pour suivre les traces de son étrange voisine le temps d'une nuit, rencontrer un mauvais garçon et vivre avec en jouant les rebelles pour quelques instants...

Les films ne représenteront jamais la réalité.

Et pourquoi ? Parce que la vie est beaucoup moins intéressante. Beaucoup moins belle, beaucoup moins glorieuse. Vous êtes déçus ? Il ne faut pas. Vous le saviez en signant le papier. Maintenant qu'on y est, on y va et on assume.

Marche ou crève.

Accepte ou subit.

Vie ou meurt.

Au choix.

Et c'est peut-être à cause de cela que je marche seule sur la route dans le brouillard. Parce que je ne suis pas sur un bateau qui coule, parce que je n'ai pas de voisine incroyable ni de parents magiciens. Parce que je suis normale, et que j'ai signé pour ça.

Ou alors, c'est tout autre chose.

¨Peut-être que justement, c'est cette simplicité de la vie qui complique tout. Peut-être que ce sont toutes ces pensées tourbillonnantes dans ma tête qui m'obligent à marcher un peu dans l'air frais matinal.

Et une voix, peut-être aussi.

Celle de Shawn, qui résonne comme un mantrin.

« Aria ! »

Et je ne me suis pas retournée. J'aurai peut-être dû. Ou peut-être pas. C'était notre première dispute. Peut-être la dernière. Je ne sais pas.

Il y a trop d'inconnus dans l'équation, trop de peut-être, trop de choses.

Et donc, je marche.

J'arrive enfin en vue de SeaLand. Je suis trempée, mes cheveux commencent à onduler bizarrement, mais je m'en fou. Rien ne compte. Juste le silence. Et c'est beau.

Parce que contrairement au film, c'est pourquoi j'ai signé. Ce sont mes choix qui m'ont conduit là, devant ce portail en fer noir. J'ai choisi d'être ici, j'ai choisi tous ce qu'il s'est passé dans ma vie. C'est mon lot. Rien de plus, rien de moins.

Et finalement, ça me va.

Parce qu'au fond, si on est tous là, tous dans le même bateau, c'est qu'il y a une raison.

On a tous signé pour cette traversée, et on ira jusqu'au bout, quoi qu'il arrive.

Et putain, au fond, qu'est-ce que la vie est belle.

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