Chapitre 2 : Premières surprises

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Le weekend suivant sa semaine chargée, Gwenaëlle alla à la piscine avec ses grands-parents et son père. Elle aimait bien ces moments dominicaux et, fille unique, elle trouvait important de partager son temps avec sa famille. De toute façon, comme elle n'osait pas leur parler de Laurent, ils ne se voyaient pas le weekend, ne se retrouvant que les matins avant de rejoindre leurs cours respectifs et ce discrètement, à l'abri des regards. Pour le moment, se cacher ne les dérangeait pas. Ni l'un ni l'autre n'était adepte des démonstrations publiques et leur nouvelle complicité n'en était qu'à ses balbutiements. En ce dimanche pluvieux, elle était donc dans le complexe constitué de nombreux bassins (eau chaude, eau froide, bains bouillonnant, jets d'eau) où ils avaient l'habitude d'aller. Avec le climat maussade, le soleil ne daignait laisser ses rayons entrer par les grandes baies vitrées mais l'atmosphère et l'immensité du bâtiment restaient appréciables. Ils passèrent tous un bon moment à s'éclabousser, se chamailler, plonger ou encore jouer au handball version aquatique. Après ces activités, la jeune fille proposa à sa grand-mère d'aller nager dans le bassin aux dimensions olympiques, un peu à l'écart du bassin plus chaud où les deux hommes de la famille décidèrent de rester. Après plusieurs longueurs, elles ressortirent de l'eau. L'adolescente, fatiguée par sa semaine, réprima un bâillement et, sans savoir pourquoi, elle fit une sorte de signe de la main. Immédiatement, elle sentit un tiraillement dans son bras et eut l'impression d'être soulevée dans les airs. La sensation ne dura que quelques millièmes de secondes avant que le monde ne réapparaisse clairement aux yeux de Gwenaëlle. Ebahie, elle regarda autour d'elle. Rien n'avait changé, les bonnets des nageurs s'entraînant étaient toujours visibles un peu plus loin, un léger brouhaha de discussion était perceptible et la pluie continuait de tomber dehors. Mais, elle, elle n'était plus au bord du bassin... Elle venait de se téléporter à l'endroit exact où était le reste de sa famille. Elle avait atterri en douceur devant les escaliers menant au toboggan en forme de spirale. Sans rien y comprendre, elle posa son regard sur les personnes qui la contournaient ou sur sa famille qui venait dans sa direction. Nul ne semblait étonné, tous devisaient tranquillement. Ils n'avaient rien remarqué. Sa grand-mère la rejoignit, interrompant le début d'affolement qui se propageait dans sa poitrine. Elle s'adressa à elle en riant :

" Eh bien, tu as couru ou quoi ? Je n'ai même pas pu te suivre."

La jeune fille esquissa un sourire mais elle ne s'était jamais sentie aussi perdue. Était-il possible d'avoir rêvé en plein jour ? Tout le monde semblait si heureux et détendu tandis qu'elle avait l'impression de se détricoter de l'intérieur.

"Ça ne va pas ? s'inquiéta sa mamie devant son mutisme.

- Si, si, je suis juste essoufflée" prétendit sa petite-fille.

Elle essaya de chasser cet incident de sa tête et de profiter du reste de la matinée. Elle fut tout de même soulagée quand ils rentrèrent chez eux. Après le déjeuner, elle se plongea dans ses devoirs. Avec zèle, elle s'avança pour les semaines à venir et évita ainsi de penser. Elle ne parla de son étrange weekend à personne, pas même à son petit ami le lendemain matin, alors que celui-ci s'inquiétait de ne pas avoir eu beaucoup de nouvelles. Son lundi se passa tranquillement mais elle se sentait perpétuellement distante, comme si, inconsciemment, elle n'était pas vraiment là et, en sport, cela se remarqua rapidement. Elle se prit plus d'une fois les pieds dans les cordes à sauter qu'ils utilisaient pour l'échauffement. Si Karim et William ne manquèrent pas de se moquer de sa maladresse, Léo l'observa avec inquiétude pendant de longues minutes. Mais comme son amie soutenait que tout allait bien, il dut se résoudre à se concentrer sur ses propres exercices. 

Le jour suivant, Gwenaëlle avait toujours mal à la cheville à la suite de ce cours d'éducation physique raté. Par manque de chance, le midi, elle devait monter trois étages pour se rendre au CDI et ne pouvait d'ailleurs s'empêcher de pester à chaque fois contre l'architecte qui avait eu l'idée lumineuse de percher son refuge rempli de livres si haut. Elle se tenait au pied des premières marches et, avant même d'y avoir pensé, elle refit le geste étrange et se téléporta une nouvelle fois. Elle éprouva des sensations similaires à la dernière fois, qui durèrent un peu plus longtemps. Sonnée, elle atterrit et se réjouit instantanément d'être seule à ce moment-là. Jamais elle n'aurait pu prétendre avoir couru dans les escaliers, elle n'était pas connue pour être sportive et elle trimballait son énorme sac de cours. De toute façon, elle se rendit rapidement compte que personne n'avait fait attention à elle. Cette fois, elle était convaincue de ne pas avoir rêver mais l'étrangeté de ce phénomène commençait à l'agacer. Il fallait qu'elle se ressaisisse, elle ne pouvait pas faire ce signe à tout bout de champ. Et puis, elle détestait les mystères, et ce plus encore quand elle n'avait pas l'ombre d'un indice pour contrôler la situation. L'après-midi, elle s'efforça d'avoir le comportement le plus normal possible mais elle commençait à se sentir vraiment mal à l'aise dans sa classe. Heureusement, elle avait mathématiques et ce cours absorba toute son attention, comme d'habitude. En revanche, dans le bus, elle fut incapable de vraiment écouter Mathilda et c'est honteuse à l'idée d'être dans l'impossibilité de profiter d'être avec son amie qu'elle rentra chez elle. Le soir, après avoir expédié ses devoirs et en attendant ses parents qui travaillaient tard, elle était encore tellement perturbée que la seule chose qui lui vint à l'esprit fut de prendre un livre qu'elle avait lu récemment. Les personnages y étaient dotés de toutes sortes de pouvoirs magiques, dont la téléportation. Il s'intitulait "les Chroniques de la Tour" et n'était que pure fiction, du moins c'est ce qu'elle croyait jusqu'à maintenant. Elle le feuilleta rapidement et finit par voir le dessin du signe qu'elle avait fait à deux reprises (j'ai rajouté ce détail, il n'y a aucun dessin dans ces livres). Le fixant jusqu'à en avoir mal aux yeux, elle commença à sentir une vague de panique déferler en elle. Que lui arrivait-il ? Pourquoi s'identifiait-elle si parfaitement à ce dessin ?

Elle était en train de se concentrer sur sa respiration pour se calmer quand elle entendit ses parents rentrer. Leur chien, Arcos, un colley qu'elle adorait, tout à sa joie de retrouver ses maîtres, commença à aboyer à pleine voix. Gwenaëlle, encore bouleversée, ne parvint pas à articuler son habituel "Chut ! Couché". A la place, elle s'inclina vers lui et sentit son esprit créer une sorte de pont avec l'extérieur. Sans rien maîtriser, elle vit ses pensées et lui projeta une image de calme et de sérénité. L'animal obéit aussitôt et s'assit. Le lien s'interromput aussitôt et l'adolescente releva la tête. Que s'était-il passé ? Venait-elle vraiment de créer un lien télépathique avec son animal ? Elle s'affola à nouveau et, relevant la tête, elle croisa le regard de ses parents, debouts sur le seuil de sa chambre, étonnés de son silence. Au même instant, elle remarqua dans le miroir en face d'elle que ses yeux étaient passés de bleus, à verts. Elle comprit soudainement que cet espèce de pouvoir était bien plus étendu que l'étrange signe de ces derniers jours. Elle eut l'impression que tout explosait dans sa tête et, avant de réussir à dire quelque chose, elle s'écroula en arrière sur son lit, inconsciente.

SauvageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant