Chapitre 22 : La vie, la mort...

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Sa tunique violette enfilée, Gwenaëlle courut silencieusement dans les couloirs du palais. L'elfe l'accompagnait et, ensemble, ils regagnèrent la salle du trône que des soldats entouraient. Tout paraissait froid et menaçant désormais, l'atmosphère feutrée du palais n'était plus qu'un souvenir. Arrivés devant la porte, Ankris voulut prendre la parole :

"Gwen, si les choses tournent mal, je veux que tu saches que...

Elle l'interrompit net :

- Ankris, ce n'est pas le moment.

Puis, s'en voulant de se montrer si rude, elle ajouta :

- Je te promets que tout va bien se passer et, qu'après, on pourra continuer cette discussion."

Légèrement rassuré, il lui sourit d'une manière qu'il voulait courageuse et la suivit dans la salle. Rassemblés au centre, les apprentis, Lys et Nawin. Tous avaient la mine grave, presque apeurée. C'était compréhensible, surtout pour les plus jeunes : montrer sa bravoure et obéir au devoir de défense était primordial mais comment envisager la douleur, la guerre voire la mort quand on a quinze, seize ou dix-sept ans ? La jeune femme, elle, avait remis son masque de froideur malgré l'angoisse et la tension palpables. Elle était habituée aux questions, à la panique, à l'isolement. Elle interrogea Nawin du regard :

" Des sentinelles embusquées m'ont prévenue : il est sur le sentier menant au palais" déclara-t-elle. Sa voix était devenue un chuchotis.

La jeune femme fronça les sourcils. Leur première ligne de défense avait été assez inefficace : elle avait entendu quelques tirs et elle se doutait que plusieurs soldats étaient tombés. Mais visiblement, il y avait eu une brèche dans la clôture et dans leur système de sécurité. Sans bataille ni sommation, il était entré, tout simplement. Jules avait été trop intelligent pour s'opposer aux gardes du portail royal : il savait que l'alerte et la défense seraient optimales. Il avait volontairement contourné leur dispositif. Elle voulut formuler ce troublant constat à voix haute mais n'en eut pas l'occasion. La double-porte s'ouvrit à la volée, un des battants arraché. Le mage noir apparut. Derrière lui, les corps d'une dizaine de gardes, inanimés. Chaque mage se mit devant la Reine, dans une posture offensive. Face à eux, Jules les défiait du regard. Depuis son renvoi, trois ans plus tôt, il avait changé. S'il était arrogant et sûr de lui à l'époque, il était aujourd'hui menaçant : son visage entier respirait la haine. Sa tunique était rouge et noire et une large capuche masquait son front et ses cheveux. Ses mains étaient recouvertes de gants noirs jusqu'aux coudes. Sa stature avait forci, il était grand et se tenait penché vers l'avant, comme pour les dominer. S'il avait fallu imaginer collectivement un messager de Satan, nul doute que c'était son portrait que tous auraient décrit.  Gwenaëlle sentit le souffle d'Ankris, paniqué, s'accélérer derrière elle. Leur adversaire prit alors la parole, d'une voix sans timbre, rauque et déformée : 

"Comme si vos protections pour m'empêcher d'entrer allaient être efficaces. Tout juste au niveau de pseudo-mages comme vous. Mais voyons le positif : vos gardes m'ont permis de m'échauffer. J'espère que vous vous rendez compte que vous ne les reverrez jamais ? Ma puissance est la seule réelle, je suis celui qui a décidé pour eux et celui qui décidera de votre avenir. Ce royaume m'appartiendra, vous m'appartiendrez. Tous.

Gwenaëlle retint son souffle, fit un pas en avant et enleva la capuche violette qui dissimulait ses mèches blondes. Elle s'était provisoirement maintenue cachée, pour ne pas immédiatement attiser le combat. Elle savait à quel point Jules la haïssait, plus que tout.

- Tu n'es pas encore entré, siffla-t-elle, le fixant droit dans les yeux. 

A côté d'elle, tous retinrent leur souffle. Il était difficile de connaître les véritables sentiments de la jeune fille mais, une chose était certaine, elle était intimidante, à sa façon.

SauvageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant