Chapitre 23 : Quatre jours pour décider d'une vie

6 2 0
                                    

Bonjour à tous ! Petite introduction à propos du média : les paroles de cette chanson servent de lien entre le chapitre précédent et celui-ci. Bien qu'elle soit méconnue, j'espère qu'elle vous plaira. Bonne lecture !

Alors, chacun vit les corps. Deux corps dans les coins de la pièce. L'un vêtu de noir, le visage haineux jusque dans la mort. L'autre habillé d'une tunique bleue, l'air angélique comme s'il dormait. Seulement Ankris ne dormait pas, ses yeux s'étaient fermés pour toujours. Agenouillée à ses côtés, Nawin sanglotait. Devant son cri, devant sa douleur, tous s'inclinèrent, à peine conscients du drame, encore plongés dans la bataille, la chaleur, le bruit, l'odeur. L'heure, la date, le fil de l'histoire n'existaient plus, seul subsistait le deuil. Lys et Ambre entourèrent la Reine, dévastée. Incapable de penser, Gwenaëlle était figée. Dans sa tête, quatre mots : "Je l'ai tué". Des souvenirs affluèrent : l'air un peu ahuri de l'elfe, sa bonne humeur, ses déclarations maintes fois repoussées, et puis sa promesse à elle : "Tout ira bien". Le combat, la fin. La guerre était gagnée, l'ennemi abattu, restaient les morts à pleurer. Incapable de sortir de sa torpeur, la jeune femme voyait la scène à travers un voile : tout cela ne pouvait exister, ce n'était qu'une illusion,  un mirage. Elle eut la sensation étonnante de s'en éloigner. Mais ce n'était pas une impression : deux soldats la tirèrent en arrière et, sans ménagement, lui tordirent les bras dans le dos. Des menottes glacées claquèrent sur ses poignets déjà ensanglantés : la réalité la frappa, elle recouvrit l'ouïe, la vue. Ses sens se réveillèrent et s'en était douloureux. La lumière la frappa, le moindre bruit l'agressa instantanément. Sa peau tressaillait sous les liens qui la retenait et, en  gémissant faiblement, les cordes vocales raides et sèches, elle commença à se débattre, essayant de faire fondre le métal. La voix brisée de Nawin parvint alors aux oreilles de la jeune mage :

"Emmenez-là. Elle sera jugée pour atteinte à sa Majesté et homicide sur sa Personne.

Lys réagit en voyant son apprentie secouée de spasmes, presque pliée en deux de douleur, à cette annonce :

- Mais enfin, c'était un accident !

- ELLE A TUE MON FILS !

L'écho renvoya son cri dans la salle entière. Lys baissa la tête, vaincue.

Toujours aussi agitée, la jeune femme se débattit de plus belle face à l'accusation.

- Lâchez moi ! hurla-t-elle sous le choc, recouvrant la voix.

Pivotant sur ses talons, la Reine la fixa froidement. Puis, d'une voix qui semblait venir d'outre-tombe, elle ajouta :

- Inutile d'utiliser ton énergie, les menottes ne laisseront se manifester aucun de tes pouvoirs"

Elle avait raison, Gwenaëlle avait l'impression que le feu qu'elle essayait de créer la brûlait uniquement à l'intérieur, consumant ses propres organes. A bout de nerfs, elle bouscula violemment un des gardes. Une tache de sang ornait déjà son uniforme au niveau de l'épaule et ce nouveau heurt le déséquilibra. Dans une grimace, il la libéra et un coup de pied mal ajusté calma son compagnon d'armes. Alors, Gwenaëlle courut et s'effondra devant le corps du jeune elfe. Tous retinrent leur souffle, l'hésitation plana dans l'air devant cette jeune femme, pleine de dualité. Le temps se suspendit. Couverte de larmes, de sang, de poussière, la tunique violette déchirée, dévoilant ses épaules, la mage apparut telle qu'elle était : profondément vulnérable. Elle aurait dû être l'héroïne de ce combat mais à cet instant précis elle n'était qu'une enfant. Une enfant qui avait enfoui la moindre de ses émotions depuis des années, une enfant pour qui rien ne serait comme avant et qui risquait la condamnation. Une enfant qui s'était toujours battu seule et qui, avec cette ultime perte, allait l'être plus que jamais. Les faibles rayons de Soleil entrant dans la salle jouèrent sur sa peau blessée puis sur ses joues, maculées de larmes. La jeune femme, ses longs cheveux blonds effleurant Ankris, pleurait, silencieusement, sans même songer à respirer. Les gardes sortirent de leur torpeur, reprirent leurs esprits. Le charme était brisé : les ordres étaient les ordres. Ils retournèrent empoigner la jeune mage. Ils durent la porter jusqu'à la sortie. Sur le seuil, elle tourna la tête et souffla ultimement :

SauvageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant