« - Me trahir de cette manière ! Un coquin qui doit, par cent raisons, être le premier à cacher les choses que je lui confie, est le premier à les aller découvrir à mon père. Ah ! je jure le Ciel que cette trahison ne demeurera pas impunie. »
Je finis la tirade de Léandre sur un ton solennel. Je posai le livre sur la table pour me déplacer, me postant devant la porte. Les quatre enfants me suivirent des yeux, impatients d'entendre la suite. J'adoptai une posture assez détendue, prenant une voix emplie de gratitude. Octave. Je m'avançai au centre de la pièce avec moult gestes de remerciements envers une personne à mes côtés, invisible :
« - Mon cher Scapin, que ne dois-je point à tes soins ! Que tu es un homme admirable ! et que le Ciel m'est favorable de t'envoyer à mon secours ! »
Je fis aussitôt quelques pas de côté, redevenant Léandre. Je pris sa voix plus grave et méprisante :
« - Ah, ah ! vous voilà. Je vous ravi de vous trouver, monsieur le coquin. »
Je me décalai pour prendre une posture fière et une voix légère, récitant Scapin :
« - Monsieur, votre serviteur. Je m'inclinai bien bas, mimant le fait d'enlever mon chapeau pour l'agiter révérencieusement. Les enfants éclatèrent de rire. C'est trop d'honneur que vous me faîtes. »
Je revins à l'endroit où j'avais laissé Léandre, et mis une main à ma ceinture. De l'autre, je m'emparai discrètement d'une plume, que je brandis soudain en m'écriant :
« - Vous faîtes le méchant plaisant ? Ah ! je vous apprendrai... »
Les enfants sursautèrent devant mon geste brusque, avant de trépigner d'impatience. Je lâchai la plume, me décalant pour me mettre à genoux sous les rires des enfants, suppliante :
« - Monsieur ! »
Aussitôt, je me relevai pour redevenir Octave, voulant protéger Scapin, qui s'interposait entre le domestique et Léandre :
« - Ah ! Léandre ! »
Je repris ma plume, l'agitant comme une épée en m'écriant d'une voix colérique et grave, comme je savais les faire :
« - Non, Octave, ne me retenez point, je vous prie. »
Je m'agenouillai de nouveau, joignant mes mains pour supplier :
« - Eh ! monsieur ! »
Je me relevai, faisant mine de retenir quelqu'un :
« - De grâce ! »
Je n'avais point besoin du livre, je connaissais les répliques par cœur. La plume à la main, je fis semblant d'atteindre Louis César, qui eut un joyeux éclat de rire, en m'écriant :
« - Laissez-moi contenter mon ressentiment ! »
J'incarnai Octave, m'exclamant :
« - Au nom de l'amitié, Léandre, ne le maltraitez point. »
Je me remis à genoux, me plaçant à la hauteur des enfants :
« - Monsieur, que vous ai-je fait ? »
Je me relevai, délaissant Scapin pour devenir Léandre, agitant ma plume sous le nez de Louise Françoise :
« - Ce que tu m'as fait, traître ! »
Je reculai pour déclamer la réplique d'Octave, mais me heurtai à un corps. Je sursautai, lâchant ma plume. Je me retournai aussitôt. J'avais maintenant vue sur le torse d'un homme. En relevant craintivement les yeux, je reconnus le roi. Je sentis mes joues s'empourprer. Ma gorge se noua de honte et de timidité. Il recula avec un sourire, et récita, prenant une voix suppliante et m'agrippant par le bras comme pour me retenir :
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Deux sœurs pour un roi (Tome 1)
Historical Fiction1676, France La Marquise de Montespan rayonne à la Cour et dans le coeur du Roi Soleil. Pour s'occuper de ses enfants légitimés, elle décide de faire appel à sa sœur, Charlotte. Mais bien vite, le roi remarque cette jeune et délicate jeune femme...