10. J'en suis incapable.

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Alors que je pénétrais dans le salon le lendemain matin, Louisette, une domestique, vint à ma rencontre :

« - Mademoiselle ! Il y a un paquet pour vous ! »

Mon cœur s'emballa. C'était sûrement Geoffroy ! Je lui souris :

« - Vraiment ?

- Oui, je vous l'ai mis sur la table. Je dois partir, sinon le maître de cuisine va me taper sur les doigts ! »

Je la saluai de la main, observant sa chevelure blonde disparaître dans ses éclats de rire. Elle était très gentille.

Je me tournai vers la table, apercevant la petite boite posée dessus. Je m'avançai, impatiente. Il n'était pas rare que mon frère m'offre de nouveaux présents le lendemain de mon anniversaire. Mais la carte posée sur le paquet n'était pas couverte de l'écriture de Geoffroy, mais d'une calligraphie inconnue. Je pris le petit billet, écarquillant les yeux au fil de ma lecture :

Chère Charlotte. Bien que vos vingt-quatre ans étaient fêtés hier, je vous offre aujourd'hui un présent, pour tenter de chasser votre tristesse. Je préfère vous voir sourire. C'est pour cela que j'espère que mon recueil de comédies de Molière vous divertira.

N'osant y croire, je posai le mot, pour ouvrir la boite. A l'intérieur, il y avait bien un livre, avec inscrit dessus A l'attention de sa Majesté Louis le Quatorzième. C'était son exemplaire personnel. Brusquement émue, je m'appuyai sur la table pour ne pas tomber. Jamais un cadeau ne m'avait autant émue, ni autant touchée. Un sourire stupide étira mes lèvres. Je me laissai tomber sur la chaise, prenant délicatement l'ouvrage dans mes mains. Je l'ouvris au hasard, et reconnus aussitôt quelques vers de Dom Juan. C'était le plus beau cadeau qu'on ne m'avait jamais fait.

Sans réfléchir, je le serrai contre mon cœur, puis humai l'odeur qui s'en échappait. L'effluve était masculin, viril, majestueux... Je l'adorais. L'ouvrage toujours à la main, je me relevai, prenant le billet pour retourner dans ma chambre. Une fois dans la pièce, je coinçai le mot dans un coin de mon miroir, afin de pouvoir le lire chaque fois que je serais assise à ma coiffeuse. Un sourire m'échappa. Et pour une fois, le fait que le billet et le présent soient du roi, du père des enfants d'Athénaïs n'entacha en rien ma joie. C'était la première fois qu'une personne autre que Geoffroy me faisait un présent.

En fredonnant une légère mélodie, je retournai dans le salon. Mais j'eus la désagréable surprise d'y découvrir ma sœur. Celle-ci plissa le nez devant ma tenue, un rire moqueur résonnant dans sa gorge :

« - Eh bien, as-tu oublié la mode ?

- Non. Je n'y prête juste aucune attention. J'ai d'autres choses à faire, comme m'occuper de tes enfants. »

Ces phrases, ironiques, m'avaient échappées. Je fus choquée par ma hardiesse nouvelles, mais n'en laissait rien paraître, prenant juste une profonde inspiration. Le visage d'Athénaïs changea, exprimant du mépris et de la colère :

« - T'occuper de mes enfants ? Parce que c'est en te promenant dans cette demeure, un livre à la main, que tu le fais ?

- Je le fais certainement plus que toi. »

Le livre du roi dans ma main semblait me donner du courage, la force de répondre à cette garce. Un éclat surpris passa dans le regard de ma sœur. Mais elle s'avança vers moi, les traits déformés par la rage :

« - Je t'interdis de me parler comme cela, espèce de petite pucelle ! Ne t'es-tu jamais demandée pourquoi aucun homme ne voulait t'épouser ? Il n'y a pas que ta dot inexistante, Charlotte ! Tu es laide, repoussante, sotte et stupide ! »

Deux sœurs pour un roi (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant