11. Dormez, Charlotte.

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J'ouvris doucement les yeux. Ma chambre était plongée dans l'obscurité. Pourquoi m'étais-je réveillée ? Je me tournai avec le bruissement des draps, refermant les paupières, mais entendis soudain un bruit, vers la chambre des enfants. Je me redressai aussitôt, le cœur battant. Le bruit reprit. C'était comme une porte que l'on refermait. Je n'étais plus seule. Ma peau se couvrit de sueur. J'envisageait un instant de me cacher sous les couvertures, mais pensai aux enfants. Je n'allais jamais me pardonner s'il leur arrivait quoique ce soit.

Alors, je me levai, les mains tremblantes. Qui cela pouvait-il bien être ? J'allumai à tâtons une bougie. La lumière tremblotante envahit la pièce. Je pris le bougeoir, m'approchant doucement de la porte. Je ne devais pas faire de bruit. Délicatement, j'ouvris le battant, qui coulissa silencieusement. Je m'engageai dans le couloir, mon cœur cognant dans la poitrine. Que faire s'il s'agissait d'un inconnu ? Je ne pouvais pas lui lancer ma bougie ! Arrivée devant la grande pièce où dormaient les enfants, je me figeai, sentant la peur s'insinuer en moi.

Un homme était dos à moi, et tenait Louis Auguste dans ses bras. Un bougeoir, au sol, projetait de grandes ombres dans la pièce. Ma gorge se noua, mais je m'écriai, terrifiée qu'il n'arrive quelque chose à ce petit garçon :

« - Lâchez tout de suite cet enfant, sur ordre du roi ! »

Ma voix tremblait. S'il refusait d'obtempérer, que pouvais-je bien faire ? Mais l'homme reposa doucement Louis Auguste dans son lit. Infiniment soulagée, j'ordonnai :

« - Maintenant, retournez-vous. Lentement ! »

L'homme leva les mains, me signifiant qu'il n'était pas armé, et pivota lentement. En apercevant son visage, une vague de panique me frappa, tout comme le soulagement. C'était le roi. Un sourire amusé étirait ses lèvres. Les tremblantes, j'eus à peine le temps de déposer mon bougeoir sur une table avant que mes jambes ne se dérobent sous moi. Je ne le vis pas bouger, et pourtant, ses bras encerclèrent ma taille, me pressant doucement contre lui. Le visage collé contre son torse, j'éclatai en sanglots. J'avais eu si peur qu'il n'arrive du mal aux enfants ! Je le sentis resserrer son étreinte autour de moi, ses mains étreignant ma chemise, tandis qu'il avait un mouvement de balancier apaisant. Son odeur musquée emplissait mes narines, ma bouche, ma gorge. Et ainsi pressée contre lui, c'était comme s'il n'y avait plus que nous deux. Cette impression m'était délicieuse.

Lentement, je m'arrêtai de pleurer, savourant avec un plaisir honteux et coupable son corps pressé contre le mien. C'était le premier homme, mis à part mon frère, qui me serrait ainsi dans ses bras, et mon corps appréciait cela. Mais doucement, il m'écarta de lui. Son regard gris captura le mien, et il me demanda doucement :

« - Allez-vous bien, Charlotte ? »

L'entendre prononcer ainsi mon prénom, avec une intonation inquiète et curieusement tendre, me fit m'empourprer. J'avais soudainement trop chaud. Je sentis une grande faiblesse m'envahir. Aussitôt, le roi me soutint jusqu'à un fauteuil, dans lequel je me laissai pesamment tomber. Il s'agenouilla ensuite à mes pieds, et prit mes mains entre les siennes. Ses prunelles grises me figèrent. Je me noyai dans son regard, oubliant un instant qu'il s'agissait du roi. Lentement, il porta mes mains à sa bouche pour embrasser le bout de mes doigts. Je sentis une douce chaleur m'envahir, et un léger frisson me secoua. C'était si agréable... Etait-ce comme cela qu'il avait séduit ma sœur ? Cette pensée me serra le cœur. Il dut s'apercevoir de mon trouble, car il me demanda d'une voix douce :

« - Qu'avez-vous, Charlotte ?

- Venez-vous de chez votre maîtresse ? »

Je n'avais pu retenir ces quelques mots. Mais qui étais-je pour ainsi oser interroger le roi ? Je me mordis la lèvre de honte, mais avant que je ne puisse le supplier de m'excuser, il secoua la tête :

Deux sœurs pour un roi (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant