12. Charlotte, avez-vous peur de moi ?

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Je m'éveillai lentement, le cœur gonflé d'une étrange émotion. Je me passai la main sur le visage, ouvrant lentement les yeux. J'étais dans ma chambre. Pourquoi étais-je étrangement heureuse ? Je me tournai sur le flanc. Un bruissement de papier se fit entendre. Aussitôt, je me soulevai, pour apercevoir un petit billet, placé sur les draps. Je le dépliai, m'adossant aux oreillers pour le lire.

Charlotte. J'espère ne pas vous avoir réveillée en partant à l'aube. J'aurais sincèrement préféré rester à vos côtés, à vous observer dormir comme je l'ai fait une partie de la nuit, mais le Lever du Roi exige ma présence. J'ai cependant été ravi de ces quelques instants passés auprès de vous. Je vous embrasse.

Tout me revint aussitôt en mémoire, me frappant comme une masse. Il m'avait embrassée. Et je l'avais laissé faire ! Je lâchai le billet, enfouissant mon visage dans mes mains. J'avais terriblement honte ! Il... Il devait maintenant me considérer comme une femme facile ! Pourquoi ne l'avais-je pas repoussé ? Un sourire désabusé m'échappa. Je connaissais très bien la réponse. Je ne l'avais repoussé parce que c'était la première fois qu'un homme m'embrassait ainsi, me serrait ainsi contre lui. Et j'avais aimé cela.

J'avais une terrible envie de me cacher sous les couvertures et de ne plus jamais en sortir. Mais j'entendis la porte s'ouvrir, et des bruits de petits pas retentirent. Je levai aussitôt le visage, et aperçus Louise Françoise se précipiter vers mon lit. Elle s'écria en crapahutant jusqu'à moi :

« - C'est moi la première ! »

Je glissai aussitôt le billet dans une taie d'oreiller, avant de la prendre dans mes bras :

« - La première ? »

Elle eut une mine rayonnante :

« - Oui ! Père est là, et j'ai dit que j'arriverais avant lui ici ! »

Mon sang se glaça. Le roi était là. Je tentais de camoufler mon trouble en l'embrassant sur le front :

« - Eh bien tu as remporté ton pari. Mais il faut que je m'habille.

- D'accord ! »

Elle me planta un baiser humide sur la joue, puis descendit du lit et ferma la porte. Je me levai aussitôt pour la verrouiller, le cœur battant. Comment devais-je me comporter ? Comment allait-il se comporter ?

Le cœur au bord des lèvres, je m'habillai. J'étais fébrile, et craignais de me trahir. J'arrangeai ma coiffure du bout des doigts, puis revins vers le lit d'un pas pressé. Je repris le billet, le cachant ensuite dans mon coffret à bijoux. Je pris finalement une grande inspiration, et sortis de la pièce. Les éclats de rire que j'entendais me guidèrent jusqu'à la salle de jeu. J'en ouvris doucement la porte, mais restai immobile, attendrie par la scène.

Le roi s'amusait à jouer à colin-maillard avec ses enfants. Il avait les yeux bandés, et s'amusait à chercher les petits, à tâtons. Je m'appuyai contre le chambranle, toute angoisse envolée. C'était tellement attendrissant, tellement touchant... Mon cœur s'emplit de tendresse pour cet homme qui pouvait mettre de côté son statut de roi afin de jouer avec ses enfants. Il réussit à toucher Louis Auguste. Aussitôt, il le prit dans ses bras, caressant ses cheveux. Il déclara :

« - Louis Auguste.

- Oh mais non ! »

Le roi souleva son bandeau pour embrasser son fils :

« - Je suis le meilleur à ce jeu.

- C'est bien vrai. »

J'avais parlé sans réfléchir. Aussitôt, il se tourna vers moi, le regard intense. Je me sentis rougir en voyant son sourire tendre. Mais avant qu'il ne puisse parler, Louise Marie Anne se pendit à mes jupes :

Deux sœurs pour un roi (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant