24. Mais pars d'ici, tout de suite !

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En descendant de la calèche, j'aperçus aussitôt le château de mon enfance. Mon cœur se serra brutalement, tandis que de douloureux souvenirs me revenaient en mémoire. Geoffroy me prit doucement par la taille, et embrassa ma tempe :

« - Courage...

- Reste avec moi ! »

Je m'agrippai à sa veste, paniquée à l'idée de pénétrer dans le château. Il me serra dans ses bras :

« - Oui, je resterai. Je sais à quel point c'est dur pour toi... »

J'acquiesçai en déglutissant difficilement.

Il m'entraîna doucement vers la demeure. Je le suivis, essayant de me concentrer uniquement sur mes pas. Après tout, nous n'étions ici que pour l'héritage, pas pour remuer de douloureux souvenirs de famille. Nous pénétrâmes dans le château, et j'entendis aussitôt :

« - Mademoiselle Charlotte ! »

Je me dégageai de l'étreinte de Geoffroy, stupéfaite :

« - Lison ! »

Mon ancienne gouvernante ouvrit les bras, et je m'y précipitai. Elle me serra contre sa grosse poitrine, émue :

« - Si vous savez à quel point vous m'avez manqué, quand vous êtes partie à la Cour...

- Toi aussi, Lison ! »

Je lui rendis son étreinte, au bord des larmes. Elle m'avait tant manqué ! Sa voix se fit basse :

« - Vous êtes là pour l'héritage ? Votre sœur est arrivée hier... »

Je me redressai, les mains tremblantes. Je ne voulais pas revoir Athénaïs ! Je n'étais pas capable de la regarder en face, sans me sentir terriblement honteuse et heureuse. Car Louis m'aimait. A cette simple pensée, je sentis mes entrailles se tordre, et priai pour ne pas rougir.

Heureusement, je dus y parvenir, car Lison me prit les mains pour hausser les épaules :

« - Ne vous laissez pas impressionner, mademoiselle. Vous êtes bien plus méritante qu'elle.

- Merci, Lison. Tu m'as manqué...

- Pourtant, il fallait bien vous laisser partir à la Cour... Vous plaisez-vous là-bas ?

- Oui. Je... Je m'occupe des enfants de ma sœur. »

Lison eut une moue exaspérée :

« - Elle ne cesse de se servir de vous !

- Je sais, mais... Ils sont adorables. J'ai l'impression d'être leur mère.

- Ce que tu n'es pas ! »

Je me retournai brusquement pour voir Athénaïs descendre majestueusement le grand escalier. Elle se planta devant moi, tandis que Lison reculait. Ma sœur me toisa, le regard menaçant, et martela :

« - Tu n'es pas leur mère ! Je suis la mère de ces enfants ! Alors ne t'avise pas de l'oublier ! »

Je ravalai la réplique que j'avais sur le bout de la langue. Elle ne les aimait pas, et ne voyait en eux qu'un moyen de garder Louis près d'elle. Et à cet instant précis, je compris que nous étions désormais rivales. Je voulais, moi aussi, garder Louis près de moi. Et j'étais prête à me battre pour le faire. Même si pour cela, il me fallait m'affirmer.

Deux sœurs pour un roi (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant