Chapitre 18

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J'avais attendu à deux heures du matin pour mettre le plan en marche, pour être bien sûr de ne pas me faire prendre par mes parents. Ils étaient le premier obstacle à éviter.

Je sortis de ma chambre sur la pointe des pieds, sans allumer une seule lumière sur mon passage, me fiant qu'à ma mémoire pour éviter de me cogner contre un mur ou un meuble, pour arriver à la cuisine, directement au tiroir où était caché toutes les clés. J'aurais bien aimé avoir la lumière de Bleu pour m'aider à trouver la bonne, mais il était apparemment retourné veiller sur Elwin, et je ne le plaignais pas. Il m'avait avertie, de toute façon, qu'il allait « revenir plus bleu tard ». Il me fallut un petit moment, mais je parvins à trouver les bonnes clés pour la voiture de maman – elle disait souvent qu'elle était due pour une nouvelle voiture, alors elle n'aura pas de quoi chialer. Je glissai les clés dans ma poche, déverrouillai et ouvrai la porte avec toujours autant de précautions. Arrivé dehors, je laissai aller un petit soupir ; étape un – sortir de la maison -, réussie.

J'avançai jusqu'à la voiture, ouvris la porte et me glissai à l'intérieur. Maintenant, l'étape numéro deux : démarrer la voiture sans que le bruit du moteur ne réveille mes parents. La vitre de leur chambre était juste là, je la voyais d'ici, un rideau tiré devant. En cas de problème, partir aussi vite que possible !

Je retins ma respiration, sans trop savoir pourquoi, puis tournai la clé. La voiture démarra, je lançai un regard nerveux vers la fenêtre de leur chambre ; aucune lumière ne s'était allumée, et le rideau ne s'était pas tiré. Sans attendre de les voir débarquer, je mis la marche arrière puis sortie de la cour, pour ensuite décoller vers la ville. Presque aussitôt sortie de la cour, j'entendis un bip bip, et il me fallut un moment pour me rendre compte que c'était mon bracelet de cheville qui disait, dans un temps, à moi de retourner à la maison, dans un autre, à la police que j'étais sortie. D'ici quelques secondes, ils seront sur moi. C'était exactement mon but, mais je sentis tout de même mon cœur se mettre à battre plus vite.

- Bleu.

Je sursautai en remarquant que Bleu était sur le siège passager, juste à côté de moi. Je jurai, et Bleu ne trouva rien à y répondre.

- Où je vais ? lui demandais-je.

- Où tu bleu veux... Où tu veux.

- Je continue de rouler, sans destination ?

J'appuyai sur l'accélérateur, juste assez pour dépasser la limite de vitesse de vingt kilomètre heure. D'ici quelques secondes, je le savais, la police sera après moi.

- Bleu non. Il te faut une bleu destination. Avec des gens pas bleus. Pas bleu du tout !

- Heu... et qui n'est pas bleu ? Je suis pas trop sûr de comprendre.

- Tout le monde est pas bleu. N'importe Bleu qui.

- Mélissa ? J'ai envie de la voir... mais je veux pas la mêler à ça, non, je devrai aller chez quelqu'un d'autre...

- Va chez pas bleu Mélissa.

- Tu sais ce que tu fais, hein ?

- Bleu oui !

- Et elle ne risque rien ?

- Bleu oui !

- Oui, elle ne risque rien, ou oui, elle risque quelque chose ?

- Bleu oui.

Avec appréhension, je me décidai d'aller chez Mélissa, puisque de toute façon, ça maison n'était plus qu'à quelques secondes de route, et il ne m'en faudrait pas plus pour que la police arrive. En peu de temps, je vis sa maison, et j'arrêtai la voiture sur le bord de la route et fonçai vers l'arrière de la maison, où était la porte menant directement à sa chambre, et me mis à cogner aussi fort que possible sans risquer de réveiller ses parents.

Je commençai à stresser à mort, mon cœur cognant dans ma cage thoracique, mon bracelet hurlant des bip bip qui n'en finissait plus. Quand Mélissa arriva enfin pour m'ouvrir la porte, j'entendais déjà les sirènes au loin qui se rapprochaient dangereusement vite. Je l'embrassai vite fait et me faufilai à l'intérieur. Mélissa referma la porte derrière moi.

- Mais qu'est-ce que tu fais ici ? murmura-t-elle en se retournant vers moi. Je te supporte à cent pour cent dans tes projets, mais je veux pas aller en prison non plus !

- Tu n'iras pas en prison, promis, dis-je en joignant mes mains en prière. Il fallait seulement que j'aille quelque part... chez quelqu'un, et j'ai pensé à toi, voilà. C'est peut-être la dernière fois qu'on se voie avant un très long moment, alors, désolé, mais c'est fini, nous deux. Ça menait à rien, de toute façon, et je sais que tout ce que tu voulais, c'était de coucher avec moi, et de toute façon, c'est ce que je voulais aussi. Mais là, les policiers vont arriver d'ici une minute à peine, alors je tenais à te dire ça avant qu'il ne soit trop tard... Je sais que t'aimes trop le sexe pour attendre patiemment mon retour, alors vas-y, saute qui tu veux, je te retiens pas.

- Tu me plaques ?

- En clair, oui.

Mélissa ne répondit rien, le visage rouge, et au même moment, Bleu apparût juste derrière elle.

- C'est le bleu moment ou jamais bleu. Tu veux bleu retrouver ton Bleu ?

Je hochai simplement la tête, pour ne pas donner de raison à Mélissa que j'étais totalement fou. J'allai à la fenêtre pour essayer de voir la rue, mais je n'y voyais pas grand-chose, puisque la fenêtre en question était sur le côté de la maison. Mais je voyais la lumière des gyrophares projeter du rouge et du bleu un peu partout, sur les arbres, les clôtures, les murs des maisons, la neige au sol. Un chien se mit à hurler en suivant le rythme des sirènes.

- Bon, je crois que c'est le moment où je me mets à courir pour ma peau à travers la rue, et quand ils m'auront rattrapé, j'essayerais d'en frapper un. Peut-être qu'avec un peu de chance, je n'aurais pas droit au teaser ! Ce serait encore mieux si je ne me ferais pas tirer dessus... Je crois qu'il va me falloir beaucoup, beaucoup de chance, là-dessus. Eh bien, Mélissa, ce fut un plaisir de te connaitre, et un plaisir encore plus grand pour toute les fois où on a couché ensemble. Tu vas sincèrement me manquer et...

Je me retournais vers elle, pensant qu'il serait déjà mieux, dans mon propre intérêt, de la regarder pendant que je parle. Et c'est là que je réalisais la gourde que j'avais faite : c'était, pour très peu de différence, exactement la même scène qu'avait vécue Elwin.

Oui, Bleu avait eu un plan infaillible pour m'aider à retrouver Elwin – peut-être même me donner un aller direct jusqu'à lui. J'aurais surement dû, mais je ne m'étais jamais attendu à ça.

La police s'arrêta dans la cour, et je l'entendis cogner à la porte d'entrée, puis ouvrir la porte sans que personne ne soit venu leur ouvrir.

- Simon ! On sait que t'es là !

Normalement, c'est le moment où je sors et que je me mets à courir à toute vitesse comme un raté de la vie. Ou encore que je me jette à la gueule des policiers. Mais là, tout ce que je trouvai à faire, c'était de me mettre à genoux, sans aucune intention de me battre. Je n'en avais plus besoin. J'avais déjà atteint le fin fond, grâce à Bleu. Parce que, pendant que je ne regardais pas, il avait profité du moment pour tuer Mélissa, dans le silence, éclaboussant son sang partout.

Je pris une grande inspiration, puis me relevai et allait jusqu'à elle, essayant de voir qu'elle n'avait que trébuché en échappant une bouteille de ketchup sur elle, ou n'importe quoi de bien stupide, pour qu'on puisse rire. Pas à faire, c'était du sang. Son haut de pyjama était déchiré, laissant voir son ventre ouvert, et j'espérais bien que ce que je voyais, juste là, n'était pas l'un de ses organes. Elle avait les yeux et la bouche ouverte dans une expression d'horreur ; comment est-ce possible qu'elle n'ait pas crié ? Je me laissai tomber à genoux encore une fois, juste à côté de Mélissa, j'atterris dans la flaque de sang et je sentis aussitôt le liquide imbiber mes jeans, en même temps qu'un autre liquide venait faire le reste du travail sur mes joues.

- Bleu... qu'est-ce que tu as fait ?! marmonnais-je, la voix cassée.

Je cherchai des yeux la lumière bleue, mais je ne le voyais nulle part. Bleu m'avait abandonné là, ce qui serait presque suffisant pour me laisser croire que je suis peut-être réellement fou, tout autant qu'Elwin.

Un policier débarqua dans la chambre, mais je ne levais même pas les yeux vers lui, préférant ne pas bouger d'un poil. Il s'attendait surement à retrouver le petit rebelle qui avait enfreint les règles pour retrouver sa copine. Il ne s'attendait certainement pas à retrouver le digne frère de son frère, le deuxième meurtrier de la famille Bowan.

BleuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant