Chapitre 21

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On m'avait donné une cellule – ou devrais-je dire « une chambre » - rien que pour moi. Puisque j'étais déjà en train de refaire les mêmes actions qu'Elwin, et que la prochaine étape est de tuer mon voisin de cellule, je ne pouvais pas les plaindre de m'avoir laissé seul. Au contraire, j'en étais heureux, car, à l'instant même où j'étais entré dans la pièce, Bleu m'était apparu, adossé au mur du fond.

- Qu'est-ce que tu fais encore là, toi ? marmonnais-je dans un grognement. T'as pas autre chose à faire, genre, tuer tout ce qui n'est pas bleu ?

Bleu ne répondit rien. J'osai espérer que c'était parce qu'il avait honte. Peut-être qu'il n'était pas totalement psychopathe.

- T'es conscient que toute cette merde, elle est là à cause de toi ? Si seulement tu existais vraiment, tu pourrais aller en prison toi-même, plutôt qu'envoyer les autres à ta place.

- Bleu désolé. Bleu veut seulement bleu que Bleu me voie. Bleu je veux mon ami bleu.

Cette fois, ce fut mon tour de ne rien répondre. Je pouvais bien le comprendre de tout tenter pour retrouver Elwin. Mais trois meurtres, c'était poussé un peu loin, quand même !

J'allais m'assoir sur le lit, qui était maintenant « mon » lit. Je laissais échapper un petit soupir, puis relevai la tête vers Bleu.

- Je suis tout ouïe pour quel que soit ton idée de retrouver Elwin. Sauf tuer quelqu'un. Et, s'il te plait, vas-y mollo sur le bleu, hein ?

Il y eu un long silence, et je me couchai dans le lit, me glissant sous les couvertures. S'il fallait que je me sois fait arrêter, et que Mélissa soit morte pour rien, je ne savais plus ce que je devais faire.

- Bleu, c'est toi, le méchant de l'histoire.

- Bleu oui, marmonna Bleu, à croire qu'il pleurait. Bleu va retrouver bleu voir Bleu...

- Attends ! m'écriais-je en me redressant dans le lit. J'ai une idée. Une idée folle... mais si tu es là, j'aurais peut-être une chance.

- C'est bleu quoi ?

- Le psy, il s'est où est Elwin. S'il ne veut pas m'emmener jusqu'à lui, je pourrais peut-être... sans lui faire trop de mal, le forcer à me dire où il est. Ensuite, je...

Je m'arrêtai là, réalisant que ce que je disais n'avait plus aucun sens. Ensuite, je m'évade et j'y vais moi-même ? Même si j'ai Bleu avec moi, aucune chance que j'y parvienne...

- Laisse tomber, Bleu, ça ne marchera jamais... je suis coincé de mon côté, Elwin de son côté. Je le reverrai plus jamais, marmonnais-je.

- Pas bleu doit bleu pas abandonner ! s'écria Bleu en tapant du pied.

- Alors tu veux qu'on fasse quoi ?

- Ce que tu bleu viens de dire.

- Forcer le psy à parler, et y aller nous-même ? dis-je en riant. Tu te rends pas compte à quel point c'est impossible ?

- Rien n'est bleupossible !

- Comme tu dis, rien n'est possible.

- Bleu impossible !

- Oui, c'est impossible, riais-je.

- C'est pas ce que bleu je veux dire bleu !

- Je sais, mais j'aime bien me foutre de toi.

- Frère de Bleu est bleu méchant.

- Si tu te basse sur Elwin, tout le monde est méchant... oh, et puis, tu sais quoi ? On va essayer. Je n'ai rien à perdre. On va attendre la nuit, il y aura moins de gardes. Tu seras encore là cette nuit ou tu seras retourné voir Elwin ?

- Bleu reviendra dans trois heures.

À peine le temps de dire « OK », Bleu avait déjà disparu, me laissant seul. Je me levai du lit et allait à la porte, regardant à travers la vitre ; il n'y avait qu'un seul garde, assis à une chaise derrière un bureau, à faire je ne sais quoi sur un ordinateur. À quoi bon attendre la nuit, d'une façon comme d'une autre, il n'y a qu'un seul garde ! Mais bon, maintenant, Bleu ne reviendra pas avant trois heures. J'étais aussi bien de dormir, pour me faire des forces. J'en aurais besoin, quand Bleu sera revenu...


Malgré ce que je m'apprêtai à faire, j'avais dormi comme une buche. Peut-être que je commençai à avoir l'habitude d'agir comme un parfait crétin. Au retour de Bleu, plutôt que me réveiller en douceur, il avait hurlé « BLEU ! », et j'étais tombé de mon lit simple. Je me relevai en grognant.

- Douceur, tu connais ? chuchotais-je en me frottant les côtes endolories. Le but de faire ça la nuit, c'est de faire le moins de témoins possible, tu comprends ? Si tu les réveilles tous, ça va pas marcher !

- Y'a bleu que pas bleu toi pour m'entendre bleu.

- Ouais, mais y'a tout le monde pour m'entendre, moi, tombant de mon lit !

Bleu ne répondit rien à ça, et j'espérais que c'était parce qu'il avait compris comment il avait agi comme un idiot. Et je ne veux pas dire par là que moi-même, c'était le genre de chose que j'aurais fait.

- Voilà le plan, dis-je aussi bas que possible. Il y a un garde, dehors ? Va l'assommer. Assommer, hein, je veux pas qu'il meure. Ni lui causer de commotion cérébrale ! Cogne-le juste assez fort pour lui faire perde connaissance. Tu peux faire ça ? Et assure-toi de ne pas faire de bruit ! Enfin, que lui ne fasse pas de bruit.

Sans rien répondre, Bleu disparut aussitôt. J'allai à la porte de ma chambre pour essayer d'y voir quelque chose, mais tout ce que je pus voir, c'est Bleu réapparaitre devant moi, me faisant sursauter de peur.

- C'est bleu fait.

- Déjà ?! T'es partie y'a tout juste deux secondes !

Sans répondre, Bleu ouvrit la porte de ma cellule. Je fis deux pas à l'extérieur et regardai nerveusement de gauche à droite ; personne en vue. Mais, qui sait, il y avait peut-être – surement, plutôt – des caméras de sécurité. Et des types chargés de les surveiller.

- Bleu, je veux que tu fouilles tout l'endroit, si tu trouves quelqu'un qui fait plus de dix-huit ans, tu l'assommes, dis-je tellement bas que je m'entendais à peine. Tu me reviens après.

Bleu disparu encore une fois. Et avec lui, bien sûr, sa lumière. Je jurai silencieusement, même s'il y avait toujours d'autres lumières, moins forte mais juste assez pour que je voie, devant moi, les longs couloirs peuplés de porte de cellule – quinze, peut-être. Tout au bout du couloir, il y avait un bureau, et un type étendu à côté de la chaise, à plat ventre sur le sol. J'allai vers lui, sans risquer de me faire voir par les autres prisonniers ; même s'ils étaient réveillés, il n'y avait pas de barreau devant les cellules, mais rien que des murs de brique. Il aurait fallu qu'ils se collent le nez dans la vitre pour me voir.

Le type au sol, Riley selon l'étiquette de son uniforme, ronflait légèrement, preuve que Bleu ne l'avait pas tué, et j'en étais bien contant. Je l'abandonnai là et continuai mon chemin dans l'établissement. C'était ma première nuit ici, j'avais une façon particulière d'en faire mon baptême, on peut dire, mais peu m'importait. Peu importe le nombre de conneries que je ferais, tout était pour Elwin. Au moins, il ne pourra pas m'en vouloir, cette fois. Elwin me fait passer pour un con, encore une fois, mais peu importe le nombre de fois où il m'aura fait honte, le nombre de fois que je lui aurais crié dessus, j'aime mon frère, je n'y peux rien.

Une fois, j'avais quinze ans. J'étais à ça de me faire ma première petite amie. On avait été au resto, bien classique. Quand soudainement, Elwin débarque en disant : « Sim, je t'ai cherché dans toute la ville ! Roquet à chier sur ton lit, ça pue la merde dans ta chambre. » Puis il avait prit une bouchée dans mon assiette et une gorgée dans mon verre, puis s'était retourné vers Amélie (mon amie) quelques secondes, avant de se tourner à nouveau vers moi et de chuchoter, sans aucune subtilité : « Je savais pas que t'avais une petite amie. Elle est canon ! Alors voilà, t'es plus vierge ? » puis, se retournant vers Amélie : « fait attention à ce type, il est pas normal. Il est team DC ! » Puis il était reparti. Depuis ce jour, j'avais appris à fermer le signal GPS de mon téléphone cellulaire.

Moral de l'histoire, Amélie avait dit que j'étais mignon, mais que mon frère l'était encore plus (sérieux !) et on est resté ami, pour mon grand damne.

En revenant à la maison, cette journée-là, j'avais vidé tout mon argent de poche pour m'acheter de nouveau drap.

- Bleu.

Je reportai mon attention au moment présent pour me rendre compte que j'avais parcouru pratiquement toute la distance qui séparait ma chambre du bureau du psy. Bleu était juste à côté de moi, restant là sans bouger, attendant visiblement que je parle en premier. J'aurais voulu rester dans mon souvenir un peu plus longtemps, même si ce n'était pas le meilleur de mes souvenirs, au moins, Elwin était présent. Dans la réalité, bien sûr, il n'y était pas.

- T'en as trouvé ? demandais-je.

- Bleu trois. Bleu les a tous bleu assommé.

- Parfait.

Je continuai à marcher, le cœur léger ; j'avais au moins la certitude que je ne me ferais pas prendre la main dans le sac. À peine quelques minutes de marche en plus et j'étais arrivé au bureau. Bleu ouvrit la porte pour moi, j'entrai le premier et Bleu me suivit. Sans Bleu, surement que je ne verrais rien du tout, mais j'avais ma lumière. J'allais derrière le bureau, où il y avait des classeurs, puis me mit à chercher le nom d'Elwin. Je ne trouvai rien, même au bout de vingt minutes.

Je refermai le dernier classeur et m'assis sur la chaise du bureau en soupirant, les mains sur le visage.

- Je suis pas sur la veille de trouver quelque chose, marmonnais-je. Je crois que je vais devoir revenir de jour et menacer directement psy pour qu'il me dise où il est. Quoique, j'ai déjà essayé, ça n'a pas été très concluant...

- Je vais bleu t'aider.

- Je te demande pas de le tuer !

- Bleu non.

Je laisser aller un autre soupir, puis retirai mes mains de mon visage et me levai de la chaise. La meilleure chose à faire, pour le moment, c'était de retourner gentiment à ma chambre et d'aller me coucher. Bleu passa devant moi pour m'ouvrir la porte, quand bien même j'aurais pu le faire moi-même puisqu'elle n'était pas fermée d'avance. Puis, sans m'attendre, Bleu sorti de la pièce, criant « BLEU ! » et j'entendis un bang et un aoutch ! Je me précipitai pour voir qu'est-ce qui se passait ; le psy était étendu là, à plat ventre.

- Qu'est-ce que... marmonnais-je. Qu'est-ce qu'il fait là, lui ?

- Bleu sait pas.

Changeant de plan, je pris le psy par les bras et l'entrainai à l'intérieur du bureau, puis m'accroupit près de lui et lui donnai des petites claques au visage, essayant de le faire revenir à la raison. Il lui fallut près de deux longues minutes avant d'ouvrir les yeux.

- Simon, marmonna le psy en grimaçant, plaquant une main sur le côté de sa tête. Tu devrais mettre des verres de contact. T'es beaucoup trop rebelle pour porter des lunettes.

- Eh, merci, dis-je sans trop savoir quoi en penser.

Je l'aidais à se relever et l'assis sur la chaise derrière son bureau. Je m'assis à l'autre chaise et me penchai au-dessus du bureau, comme si c'était une séance tout à fait normale. Le psy, quant à lui, me lança un petit regard, s'assurant peut-être que je restais sagement assis, puis prit le téléphone sur le bureau et commença à appuyer sur les chiffres. Je n'eus même pas besoin d'appeler Bleu, ou de le faire moi-même ; Bleu retira le téléphone des mains du psy et le remis à sa place. Le psy continua de regarder sa main vide quelques secondes de plus, puis se mit à fouiller la pièce des yeux, nerveux.

- Il est là, hein ?

- Bleu ? Ouais, il est juste à côté de vous, à gauche.

Le psy se mit à tâtonner l'air, lentement, jusqu'à ce qu'il touche Bleu, la main sur son coude. Il retira vivement sa main et se retourna vers moi, la bouche entrouverte et les yeux écarquillés.

- Tu... ne devrais pas être là, Simon ! dit-il d'une voix mal assurée. Et... et lui non plus. Comment t'as fait pour te rendre là sans te faire coincer ? Et ouvrir la porte de mon bureau ?

- Grâce à Bleu.

Le psy garda le silence quelques instants, pendant que je souriais de toute mes dents. Bleu restait derrière le psy, sans bouger, comme une sentinelle.

- Et vous, qu'est-ce que vous faites là ? demandais-je au bout d'un moment. Ne me dites pas que vous avez du travail ; il est deux heures du matin !

- J'ai reçu une alerte sur mon téléphone qui m'a réveillé ; apparemment, il y avait du mouvement. Je t'ai vu fouiller dans mes classeurs. J'ai appelé ici, mais personne n'a pu me répondre, alors je suis venu moi-même.

- C'est normal d'avoir des caméras et des détecteurs de mouvement dans son bureau ? dis-je dans une grimace.

- Est-ce que c'est normal d'entrer par infraction dans mon bureau ?

- OK, je suis coincé. Et maintenant, tu vas me dire où est Elwin et comment je fais pour m'y rendre, ou sinon je dis à Bleu de te faire très mal. Au cas ou t'aurais oublié, c'est lui, le meurtrier, qui a tué Suzie, Jimmy, et maintenant Mélissa.

- Laisse tomber les menaces, Simon, ça te va pas bien, dit le psy avec un petit sourire.

- Parce que je porte des lunettes ? grognais-je. La prochaine fois que tu vas faire une remarque sur mes lunettes, je vais te faire... non, Bleu va te faire très mal. Comprits ? Dis-moi où est Elwin !

- Ça va, ça va ! Je vais tout te dire, si tu lâches les menaces.

Le psy eu un petit moment de silence, me regardant droit dans les yeux. Il mit ses coudes sur le bureau, puis lança un regard en direction de la fenêtre, montrant un parking avec quelques voitures.

- Moi aussi, j'ai un petit frère, dit-il. Mais il me tapait tellement sur les nerfs ! Un jour, il a décidé de partir vivre dans un autre pays, avec sa femme, et je me suis dit ; bon débarras ! Je l'ai revu qu'une fois depuis, et tout vas pour le mieux. On se dit encore des joyeux Noël et des joyeux anniversaires par Skype, et c'est à peu près tout.

- J'en ai rien à faire, si vous aimez pas votre frère.

- La seule fois que je l'ai revu depuis, continua-t-il, il était dévasté. Tu sauras deviner pourquoi ?

Je m'enfonçai dans ma chaise et appuyai la joue contre ma paume, démontrant bien mon ennui. Tout ce que je voulais, c'était savoir où était Elwin, mais, malgré moi, son histoire me rendait curieux.

- Je sais pas, dis-je.

- Son fils unique s'était fait tuer sous ses yeux. Quelqu'un lui avait tiré dessus, délibérément.

Je me remis droit dans ma chaise, jugeant que cette histoire était un peu trop glauque pour me montrer désintéressé.

- Je suis désolé. Sans vouloir être méchant là-dessus, je pourrais savoir où est le rapport avec Elwin ?

- Le fils de mon frère avec des mèches naturellement bleues, lui aussi, comme ton frère ! Et il avait un ami imaginaire, disons, qui s'appelait Bleu. Il est mort le jour même où ton frère est né.

- Oh, non, Sérieux ?! m'écriais-je en me levant d'un bon de ma chaise. Ne me dis pas que ton frère, il vivait en Finlande ?! C'est pas vrai, j'y croie pas ! dis-je en éclatant de rire et me mettant à sautiller tellement j'étais contant. Je connais l'histoire, j'ai lu l'article dans le journal ! Mais sérieux, ça peut pas être une coïncidence ! Vous avez fait exprès d'être le psy d'Elwin, et maintenant le mien, parce que vous...

Je m'arrêtai de sautiller, me retournant vers le psy, mon sourire disparaissant de moitié. Lui, il me regardait simplement, un sourcil plus haut que l'autre.

- Parce que quoi, en faite ? demandais-je. Ça vous avance à quoi, de vous arranger pour être notre psy ?

- Sincèrement, je ne sais pas. Je crois que j'étais seulement curieux... Ça ne m'avance en rien du tout.

Je me penchais sur la table pour lui lancer mon regard le plus menaçant. J'étais à deux doigts de l'empoigner par les cheveux et de lui cogner le front contre son bureau.

- Aidez-moi à trouver Elwin ! En solidarité pour votre frère.

- En solidarité ? T'as pas compris quand je t'ai dit que je ne l'aime même pas, mon frère ?

- Eh bien, pour le fils de votre frère, ou je sais pas, moi, faite le pour quelqu'un ! Pour moi, tiens !

- Simon, sérieusement, que je te dise où est Elwin ne ferra que te rendre encore plus en colère et, croie moi, c'est impossible d'y aller à moins d'y être invité.

- Faites en sorte que je le sois.

- Ils te connaissent déjà, et ils ne veulent pas de toi justement parce que t'es le frère d'un des patients, ça pourrait compromettre tous les efforts qu'ils mettent en lui.

Je me sentais trembler comme une feuille, alors que je regardai le psy droit dans les yeux, essayant de voir qu'il mentait. C'était peut-être un pro, mais je n'y voyais rien.

- Leurs efforts en quoi ? demandais-je.

- Ils lui font croire que tout ce qu'il a vécu avant d'arrivé là-bas n'était que des mensonges. C'est pour qu'il oublie Bleu, qu'il croit qu'il n'ait jamais existé. Si quelqu'un de sa vie d'avant lui fait comprendre que ce n'était pas des mensonges, il pourrait causer trop de problèmes... il en deviendrait irrécupérable, et ils le tueraient. Ce serait une cause perdue.

Je tremblai deux fois plus fort qu'avant. J'étais à deux doigts de craquer et de me mettre à pleurer. Imaginer qu'Elwin pourrait mourir, c'était trop.

- Il faut... il faut que je le sorte de là, dis-je.

- Je viens de te dire qu'ils pourraient le tuer.

- Oui, et puis quoi ? m'écriais-je en levant les bras au ciel, exaspéré. Elwin va rester là-bas pour toujours, jusqu'à mourir de vieillesse ? Qu'il y reste ou qu'il meure avant, c'est du pareil au même ! Il faut que je le sorte de là avant que l'un ou l'autre n'arrive !

- Simon, soupira le psy en gigotant dans sa chaise. Elwin ne mourra pas de vieillesse, ils ne gardent jamais les patients plus vieux que dix-sept ans.

- Ils vont le tuer à dix-sept ans ? dis-je, la voix montant dans les aigus. C'est assuré qu'ils vont le tuer, d'une façon ou d'une autre, et vous voulez toujours pas que j'aille le sauver ?!

- Je veux pas que t'ailles te faire tuer !

- Mais là, c'est Elwin qui va se faire tuer ! hurlais-je.

- Vaux mieux qu'un Bowan meurt, que deux Bowan.

- Bleu ! dis-je, les poings serrés.

Bleu agrippa le psy et le plaqua contre son bureau, son bras remontant bien haut dans son dos, le faisant grogner de douleur. Je me penchai vers lui, le visage rouge.

- T'as dix secondes pour me dire où est Elwin. À chaque dix secondes qui passe, Bleu serrera plus fort.

- Tu n'as aucune idée dans quoi tu t'embarques.

Bleu remonta son bras un peu plus haut et le psy hémi un gémissement, fermant étroitement ses paupières. Je n'avais aucune pitié pour lui ; tout ce qui comptait, c'était Elwin.

- Où il est ?

- OK... OK... marmonna-t-il. En Virginie.

- Virginie ? L'État ?

- Oui.

- Ouf, soupirais-je en reculant de deux pas. Il est beaucoup plus près de ce que je pensais ! Je m'imaginais, genre, l'autre bout du monde... Bleu, lâches-le.

Bleu recula, laissant le psy écrasé contre son bureau. Il se releva lentement et se laissa tomber sur sa chaise.

- Elwin n'est pas en Virginie, mais c'est la première étape.

- Alors, il y a quoi, en Virginie ?

- Une base de la Nasa.

J'en fus tellement sous le choc que j'arrêtai de respirer, sans même m'en rendre compte. La Nasa ?!

- Quoi, la Nasa ? m'écriais-je. Elwin s'est fait enlever par des astronautes, ou quoi ? Oh, ne me dites pas que... Elwin serait... dans l'espace ?!

- Il y a des types dangereux, dans ce monde, qui pourrait flamber la Terre sans faire exprès. C'était ça, ou tous les tuer directement. On a choisi ça, pour certains. Pour les enfants.

- Et...

J'essayai de répliquer, mais je n'y arrivai pas ; j'étais bluffé. Elwin était dans l'espace. Avec les gamins les plus dangereux de la planète – qui était sur la planète.

- Je suis tombé dans un film super nul de science-fiction, marmonnais-je. Vraiment, vraiment nul.

- Tu tiens toujours à sortir ton frère de là ?

- Oui, mais...

Je pris une grande inspiration, puis me laissais tomber assis dans ma chaise. Le psy, devant moi, se frottait le bras que Bleu avait tordu, me regardant droit dans les yeux, attendant de voir ce que je l'allais dire.

- Mais pas seul, finis-je par dire. Je vous amène avec moi.

- Quoi ? s'écria-t-il en riant.

- OK, disons plutôt ; Bleu va t'emmener avec nous.

Bleu se précipita aussitôt vers lui, l'agrippant par les bras et le forçant à se lever. Le psy s'arrêta aussitôt de rire, essayant de se dégager de la poigne de Bleu, sans y parvenir.

- Et on y va maintenant.

BleuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant