J’étais persuadé d’être mort, même après avoir ouvert les yeux et recraché mes poumons sur le planché. J’étais même encore persuadé d’être toujours au fond du lac alors que je reprenais peu à peu mon souffle et que je regardais autour de moi ; j’étais étendu sur un sol de bois, un homme et une femme assis à mes côtés. J’avais les poumons en feu, et alors que j’essayai de parler, une quinte de toux m’en empêcha. J’avais froid, j’avais mal à la gorge, j’avais très certainement attrapé la grippe. Quelqu’un m’enveloppa d’une épaisse couverture grise, mais j’avais toujours atrocement froid. Je vis la femme se relever et partir dans un coin de la pièce, où il y avait un comptoir, un frigo... nous étions dans la cuisine. L’homme, resté près de moi, m’aida à me relever en marmonnant quelque mot qui n’avait aucun sens pour moi. Je compris par la suite que c’était de l’anglais, mais j’avais le cerveau trop ramolli pour arriver à le traduire. Il m’entraina dans une pièce où il y avait un lit et m’aida à m’allonger dedans, remontant quelque couverture en plus au-dessus de mes épaules. Je grelotai tellement que je faisais grincher les ressors du lit. L’homme s’apprêta à repartir, mais je parvins enfin à marmonner quelques mots :
- Hé... le psy... avait pas un homme ? Avec moi ?
Devant l’air hébété de l’homme, il était évident qu’il ne comprenait rien de ce que je disais. Même s’il aurait eu quelque notion de français, j’avais la voix trop faible et enroué. Je fis de mon mieux pour traduire.
- Dans la chambre d’à côté.
C’était la seule phrase, sur trois ou quatre, que j’avais réussi à comprendre. Mort ou vivant dans la chambre d’à côté ? Mais avec le sourire bienveillant de l’homme, le psy devait être vivant. C’était la moindre des choses. Je n’aurais pas voulu frôlé la mort pour lui, et qu’il meurt à la fin...
L’homme sortie et la femme entra à son tour. Je reprenais un peu mes esprits, assez pour que je puisse comprendre ce qui m’entourait. Le plancher, les murs et les meubles en bois, l’odeur du bois, les crépitements lointain d’un feu, et des arbres visible par la fenêtre m’indiquaient clairement que j’étais dans une petite maison au milieu d’une forêt. La femme qui s’avançai vers moi semblait assez vieille avec ses cheveux gris, mais assez forte pour son âge. Elle tenait une tasse d’où s’échappai un petit nuage de chaleur donc j’étais atrocement jaloux. Elle posa la tasse sur la table de chevet près du lit dans lequel j’étais allongé et je me mis assis, tirant les couvertures pour rester le plus au chaud possible. Mais moi, j’avais toujours froid.
- Un chocolat chaud, indiqua la dame – elle parlait français, mais son accent la rendait tout de même un peu compliqué à comprendre. Ça va t’aider à te sentir mieux.
Je hochai vaguement la tête, toussai au creux de mon coude, et pris la tasse entre mes mains. Pour la première fois, je ressentis un peu de chaleur, juste un peu, mais ça me faisait du bien. Je soufflai un peu sur le liquide avant de prendre une gorgé. La chaleur se rependit aussitôt en moi, suivant le trajet du chocolat à l’intérieur de moi.
- Merci, murmurais-je. Vous... m’avez sauvé la vie.
Je toussai encore un peu dans mon coude avant de reporter mon attention sur la femme. Elle me regarda d’un air ému, comme si j’étais son propre fils qu’elle venait de sauver de la noyade. Je regardai encore une fois par la fenêtre, un détail venant de faire son apparition dans mon esprit. Si j’étais vraiment sur le point de mourir noyé, il aurait fallu, pour me sauver, me faire du bouche à bouche, me pomper le cœur et tout ça, au plus vite. Alors pourquoi je ne m’étais pas réveiller au bord de la rivière ? Pourquoi on m’aurait trainé jusqu’ici avant d’essayé de me réanimé ?
- Où suis-je ?
Je reportai mon attention sur la femme, qui semblait toujours aussi ému, comme si elle n’avait pas entendu ma question. Je la répétai en anglais, ce qui ne changea rien.
- Charlotte, fini-t-elle par dire. L’endroit s’appelle Charlotte.
Elle me regarda longuement, moins ému du coup, comme si elle s’attendait à ce que je connaisse l’endroit. Pour moi, tout ce qu’il évoquait, c’était Charlottetown, mais c’était beaucoup trop loin pour être possible.
- Où est Charlotte, exactement ? insistais-je. À quelle distance de St-Stephen ?
- Tu étais à St-Stephen ? s’exclama-t-elle.
- Oui. Moi et mon... mon oncle, on est tombé dans la rivière, là-bas.
- C’est à plus d’une vingtaine de kilomètres... Eh, St-Stephen est au Canada ! Vous avez traversé par la rivière ? C’est illégal !
Je baissai la tête, évitant son regard. J’espérai seulement qu’elle n’allait pas tout de suite se précipiter vers le téléphone et appeler la police, car j’étais certainement trop mal en point pour courir et me sauver des autorités.
- S’il te plait, n’appelez pas la police...
J’aurais voulu insister, mais je ne trouvais pas quoi ajouter. Cette dame et son mari m’avaient sauvé la vie, et j’avais l’impression que la moindre demande était déjà de trop. Je ne pourrais jamais leur rendre un service équivalent.
- Tu es un sorcier, c’est ça ?
Je relevai les yeux vers elle, sans comprendre. Elle se pencha un peu vers moi comme pour me faire une confidence :
- Ton oncle et toi, vous êtes apparût comme par magie dans notre cuisine... et vous avez apporté assez d’eau de la rivière avec vous !
Bleu. C’était la seule explication possible, mais je sautais sur l’occasion de quelque mensonge, même si, du coup, je me sentais mal. Ce n’était que pour préserver mes chances de me rendre en virginie.
- Ouais, j’ai des pouvoirs magiques. Alors, n’appeler pas les flics, et je ne mettrais pas le feu à votre maison. Ça vous va ?
La dame fronça les sourcils sous la menace, mais hocha la tête. Je terminai mon chocolat chaud et me levai du lit, emportant avec moi la couverture grise.
- Où tu vas ? s’inquiéta aussitôt la dame.
- Voir le... mon oncle. J’ai le droit ?
- Oh, oui, bien sûr...
Elle se leva et me présenta le chemin. Je la suivi hors de la chambre pour trouver une porte entrouverte juste à côté de la mienne. C’était une deuxième chambre, plus chargé en décoration et effet personnel que l’autre. Surement la chambre qu’occupai d’ordinaire ce couple.
Le psy était là, entouré d’une couverture identique à la mienne, assis dans le lit. L’homme était assis sur une chaise un peu plus loin et lui parlait en anglais, s’assurant qu’il allait bien ou s’il avait besoin de quelque chose. Le psy tenait une tasse mais, rien qu’à l’odeur, je savais que ce n’était pas du chocolat, mais plutôt du café. Dès que le psy me vit, il laissa échapper un long soupir de soulagement, peut-être un peu trop long car il se mit aussitôt à tousser. Je n’étais apparemment pas le seul à avoir attrapé un virus dans cette rivière.
- On peut être seul ? demanda le psy.
L’homme et la femme acquiescèrent d’un mouvement de tête et se dépêchèrent de quitter la place. Le psy et moi continuèrent de nous dévisager encore un peu.
- T’aurais pu continuer sans moi, fini-t-il par dire.
- J’aurais pu, dis-je en hochant la tête. Mais t’avais mes cigarettes dans les poches de ton manteau, je voulais pas les perdre.
Le psy éclata de rire, avant de se mettre encore une fois à tousser. Il prit une longue gorgé de son café avant de reporter son attention sur moi.
- C’est une chance pour moi. Cela dit... merci de m’avoir sauvé la vie.
- Ouais, bah... j’ai essayé, marmonnais-je. Je t’ai pas sauvé, c’est Bleu qui l’a fait.
- Bleu ne m’aurait pas sauvé. Tout ce qu’il fait est pour t’aider, toi. Il t’a sauvé d’abord, et moi ensuite parce que tu m’agrippais le bras. Il ne pouvait pas te sortir de la rivière sans me sortir avec toi.
J’allais m’asseoir sur le lit à côté de lui, repliant mes jambes pour garder le plus de chaleur.
- Comment tu peux le savoir ? Bleu refuse que tu le voies et que tu l’entendes. Il ne t’a quand même pas parlé ?
- Il ne m’a rien dit, mais je l’ai déduit. Ça fait partie de mes supers pouvoir de psy.
J’étouffai un rire, et me mit à tousser à mon tour. J’avais la gorge qui me piquait, et c’était particulièrement désagréable.
- La femme, elle croit que j’ai des super pouvoir pour de vrai. Je lui ai dit de pas appeler les flics ou sinon je ferais cramé la maison. De toute façon, dès qu’on aura repris un peu de force, on continue la route. Tu te rends comptes ? On a réussi ! On est dans le territoire de Trumps. J’espères que tu n’as pas d’origine mexicaine.
- Je suis un pur Canadien, m’assura le psy en riant. Mais ça ne change rien. On est tout de même des hors la loi.
- « Hors la loi », c’est ce qu’on dit dans les films de cowboy ! rigolais-je. Je préfère « criminel ». Ça fait plus d’effet.
Le psy haussa les épaules en pouffant, puis bus ce qu’il lui restait de café. Il déposa la tasse vide avant de se retourner vers moi, me faisant face.
- Tu sais où on est, toi ?
- Quelque part dans le Maine, Charlotte, à une vingtaine de kilomètre de St-Stephen.
- Et comment on est arrivé là ?
- Bleu, dis-je en haussant les épaules. Il est la réponse à tous les mystères... et le mystère de tout ce qui n’a pas de réponses.
- Mais, comment nous as-t-il emmené jusqu’ici ?
- La femme, elle dit qu’on est apparu comme par magie dans la cuisine. C’est pour ça qu’elle croit que je suis un sorcier... Alors, j’imagine que Bleu nous a...
Je m’arrêtai au milieu de la phrase, un détail pourtant évidant venant tout juste de me venir en tête.
- Bleu nous a téléporté ! m’exclamais-je. On a fait un bon de vingt kilomètres. D’ailleurs, il passe son temps à apparaître n’importe t’où, ce promenant entre Elwin et moi, et ce n’est que maintenant que j’y pense. Pourquoi Bleu ne peut pas nous emmener directement dans ce vaisseau ?!
Le psy se mordit la lèvre, le regard dans le vide. Il réfléchissait à la question mais, tout comme moi, il ne trouvait aucune réponse plausible.
- Peut-être parce qu’il n’obéi qu’à Elwin...
- Non, il m’a dit qu’il ferait tout ce que je lui demande ! Parce qu’Elwin lui a dit de le faire, mais quand même. Si je lui demande de nous emmener dans le vaisseau, il se doit de le faire ! Dès qu’il se ramène, je lui demande. Il est surement avec El...
Sans même me laisser terminer, Bleu apparût, assis entre le psy et moi. Je sursautai de surprise, ce qui me valut une quinte de toux. Le psy tendis le bras pour me tapoter le dos, et Bleu se pencha pour éviter d’entrer en contact avec son bras.
- Ça va ?
- Mouais, marmonnais-je en me massant le cou, pointant Bleu de l’autre main. Bleu viens d’apparaître. Parle pour moi...
Et je recommençai à tousser ; j’avais la gorge en feu, incapable de parler plus longtemps.
- Eh, tu veux que je lui parle ? demanda timidement le psy. Je peux même pas l’entendre !
- Bleu t’entendre, moi ! dit Bleu.
Je hochai à nouveau la tête. Le psy prit une grande inspiration.
- Bleu. Est-ce que tu pourrais, Simon et moi, nous, euh, téléporté, dans le vaisseau avec Elwin ?
J’avais enfin réussi à m’arrêter de tousser, mais j’avais toujours la gorge irritée. J’aurais voulu avaler un litre de sirop pour le mal de gorge, mais je préférais encore rester là et entendre la réponse de Bleu. De toute façon, le psy n’était pas en mesure de l’entendre.
- Bleu non, impossibleu.
- Il a dit non, dis-je pour le psy en roulant les yeux. Pourquoi tu pourrais pas ? Tu viens tout juste de nous emmener ici ! Pourquoi tu ne pourrais pas nous emmener plus loin ?
- Bleu c’était une urgence bleue. Bleu devais vous bleu sortir de la rivière bleue, ou tu pas bleu allais mourir. Bleu aurait pas pardonné à Bleu. Mais vous pas Bleu, pas faire des trucs bleus ! Seulement Bleu et Bleu peut faire des trucs bleus, pas frère de Bleu !
- Ça va, on se calme, pas besoin de crier. Je sais, je suis pas bleu. Mais tu sais qu’Elwin veut qu’on le retrouve, pas vrai ?
- Bleu n’a pas bleu dit qu’il voulait. Il Bleu a rien précisé. Donc Bleu pas savoir ! Bleu pas amener faux Bleu à Bleu. Bleu juste empêcher le pas bleu de mourir bleu.
Je laissais échapper un long soupir d’impuissance alors que Bleu disparaissait pour réapparaitre un peu plus loin dans la pièce.
- Il veut pas nous emmener sur le vaisseau parce qu’El n’a jamais précisé qu’il voulait que je le retrouve. C’est n’importe quoi ! Retourne voir El et demande-lui s’il veut qu’on le retrouve sur le vaisseau. Tu verras bien qu’il va dire oui !
- Impossibleu. Bleu plus voir Bleu.
- Arg, saloperie ! m’énervais-je.
Je me levai du lit d’un bond et donnai un grand coup de pied dedans. Le psy garda la mine basse. Il avait bien comprit par mon comportement que c’était impossible, mais je lui expliquai tout de même ce que m’avait dit Bleu. Il n’en fut même pas étonné.
- S’il aurait pu nous téléporté jusqu’à lui, ce serait déjà fait depuis longtemps.
- Quand même, marmonnais-je. C’est injuste.
Je m’assis à nouveau dans le lit, soupirant.
- Le monde entier est injuste. Bleu, surtout. Bleu, tu es très injuste !
- Bleu pas injuste Bleu !
- Si, tu l’es !
Quelqu’un cogna à la porte et je me tue aussitôt, malgré Bleu qui continuai ses argumentations ponctuées de bleu au trois mots. La femme entra avec un petit sourire, nous regardant tour à tour.
- Quelqu’un veut prendre un bon bain chaud ?
- Avec plaisir ! s’écria le psy avant que je n’aie pu répondre. Je suis tombé dans le rivière en premier, c’est moi qui va dans le bain en premier, dit-il en me faisant un clin d’œil.
Je lui répondis d’une grimace, et le psy sortie de la pièce, suivant la femme. Je m’installai plus confortablement dans le lit, continuant de fusiller Bleu du regard, qui restait totalement immobile dans son coin, comme si la femme l’avait déconnecté. Ou bien... comme quand Elwin nous observait par les yeux de Bleu. Je me redressai aussitôt en me penchant vers lui.
- Elwin ? Est-ce que tu m’entends ?
- Bleu pas avec Bleu.
Je jurai en me recouchant dans le lit. Évidemment, que c’était trop beau pour être vrai. Je fermai les yeux, essayant de me reposer un peu. Quelques minutes plus tard, la porte de la chambre s’ouvrit, mais ce n’était pas le psy. C’était l’homme. Je me remis assis par politesse, même si j’avais envie de rester coucher.
- Tu comprends ce que je dis ? demanda-t-il en anglais.
Je hochai la tête, même si j’avais des doutes que j’arriverais à comprendre à cent pour cent tout ce qu’il allait me sortir. Pour faire exprès, l’anglais était le seul cours à l’école où j’avais quelque difficulté.
- Je ne me suis pas présenté, dit-il en me tendant la main. Rogers. Et ma femme s’appelle Cynthia.
- Simon, répondis-je en serrant maladroitement sa main. Et mon oncle s’appelle Bertrand. Euh... je veux dire Bernard.
Je me mordis la lèvre, faisant de mon mieux pour ne pas rire. J’avais tellement l’habitude de l’appeler simplement « le psy » que j’en venais à oublier son nom.
- Heureux de te rencontrer, Simon.
Cette fois, j’éclatai de rire pour de bon. Avec son accent anglais, on aurait plutôt dit Symonz.
- Si-mon, répétais-je clairement. Et, heum... Je suis désolé d’être apparût de nulle part et à moitié mort dans votre cuisine.
- Ça va, t’en fait pas.
Rogers me fit un petit sourire que je lui renvoyai. Bleu n’était peut-être pas totalement injuste ; il nous avait envoyé quelque part où on était bien accueilli, malgré l’étrangeté de la situation. On aurait pu atterrir quelque part où on se serait foutu de nous et laisser mourir. On aurait pu aussi atterrir quelque part où j’aurais été reconnu comme un criminel et ils auraient aussitôt appeler la police. Heureusement, ni l’un ni l’autre n’était arrivé.
Je tournai la tête vers la fenêtre, regardant les quelques arbres que j’arrivai à voir malgré la nuit. Encore une fois, c’était une chance d’arrivé chez des gens qui étaient réveillé.
- J’ai l’impression d’être Superman arrivant sur la ferme des Kent, dis-je en riant.
Rogers pencha la tête, sans comprendre. J’avais parlé en français et de toute façon, il n’aurait pas compris si j’aurais traduit. Il n’y aurait eu qu’Elwin pour comprendre, il aurait dit : « j’emmerde Superman ! » et aurait critiqué l’univers de DC en passant par tous les super-héros possible, genre « Deadpool est meilleur que Green Lantern ! Quicksilver est meilleur que Flash – même si la série est super cool », il aurait continué ainsi jusqu’à n’en plus finir, ou jusqu’à ce que je m’énerve et qu’on finisse par se rouler dans le plancher, au grand damne de maman et sous les rires de papa.
Mon moral avait tombé bien bas, d’un coup. J’aurais tout donné pour me battre contre Elwin, là tout de suite. Même si, je dois l’avouer, j’avais plus envie de le serer dans mes bras que de le coincé au sol sous mon poids.
- Ça va ? me demanda Rogers au bout d’un moment.
- Ouais, ça va, j’ai juste... un petit moment de nostalgie, dis-je en haussant les épaules et détournant le regard. Bon, il est, quoi, deux heures du matin ? J’ai vraiment besoin de dormir. Si ça ne vous ennui pas.
Rogers hocha la tête en faisant la grimace ; j’avais très certainement mal prononcé quelques mots.
- Demain, promit, on vous laisse tranquille. Vous aurez plus à vous inquiéter pour mon oncle et moi, ce sera comme si on n’avait jamais existé. Je prendrai mon bain demain matin, je suis épuisé...
- Va dans l’autre chambre.
Je hochai la tête, ajoutai quelque politesse puis partie me coucher dans le lit de l’autre chambre, celle qu’on m’avait désigné un peu plus tôt. J’avais à peine poser ma tête sur l’oreiller que je m’endormais déjà, pour me faire réveiller la seconde d’après. Quelqu’un me secouait l’épaule en chuchotant mon nom.
- Laisse-moi dormir, El...
- Je suis pas Elwin, tu le sais bien. Réveille !
J’ouvris un œil, un tout petit peu, et parvins à distinguer le psy pencher près de moi. Je frottai mes yeux pour essayer de me réveiller un peu et mit mes lunettes que j’avais laissé sur la table de chevet à côté de mon lit. Je regardai par la fenêtre ; il faisait encore nuit.
- Qu’est-ce que tu me veux ? marmonnais-je dans un bâillement.
- Il faut partir maintenant.
- Maintenant ? Je peux pas dormir...?
- Non, désolé. On se trouvera un autre endroit. En sortant de la salle de bain, je les ai entendu parler de nous... je crois qu’ils savent, ou bien qu’ils ne soient pas loin de trouvé la vérité. Il faut partir tant qu’on le peut encore.
- Ah, merde... marmonnais-je encore plus bas.
Je sortie du lit et m’étirai chaque membre, puis suivit le psy qui était déjà sortie de la pièce. Je m’arrêtai dans la cuisine pour me dénicher un petit quelque chose à manger, jusqu’à trouver une petite boite pleine de barre protéiné que j’apportai avec moi jusqu’au psy qui m’attendait près de la porte. Le psy avait la main sur la poignée, mais ne semblait pas résolu à la tourner, me regardant en se mordant la lèvre. Avant même qu’il ne parle, je me rendis compte du problème ; j’étais torse nu. Je ne m’en étais pas rendu compte plus tôt, peut-être parce que je trainai toujours une couverture, mais maintenant, je me souvenais d’avoir retiré mon tee-shirt avant de sauté à l’eau. J’avais eu dans l’idée, à ce moment-là, d’avoir quelque chose de sec pour me réchauffer quand je ressortirai de la rivière...
- Tu ne peux pas sortir comme ça, tu vas attraper froid.
- Et quoi ? J’ai déjà la grippe... Tu veux que je vole des vêtements, peut-être ?
Le psy se mordit la lèvre un peu plus fort, avant de secouer la tête et de retirer son manteau, qu’il me tendit. Je l’enfilai sans protester puis nous sortîmes dehors, sur un balcon de bois comme tout le reste de la maison. Nous dévalâmes silencieusement les quelques marches, puis je plongeai les mains dans les poches du manteau pour retrouver mon paquet de cigarette, tout mous par l’eau qu’il avait pris. Je grognai en le lançant au loin. Je pourrais jamais mettre le feu à de l’eau !
- T’as pas d’argent américain, par hasard ?
- Non, soupira le psy. Où on en est rendu, plus le choix de voler si on veut quelque chose. (Le psy me lança un regard lourd de sens, s'arrêtant de marcher. Je m’arrêtai à mon tour, alors que nous n’avions même pas parcouru la moitié de l’allé de la maison.) vêtements, nourriture, un toit pour dormir... On a pas besoin de plus, et on ne prendra rien de plus. Comprit ?
Je répondis d'une grimace en détournant le regard. Le message était clair ; pas de cigarette pour moi. Le psy continua son chemin et je le suivie, la tête basse.
- Et une voiture, ça entre dans le prioritaire ?
- Non. Hors de question que je vole une voiture. Et pas de bus ni de taxi ; quand ils vont se rendre compte que tu as passé les lignes, tu auras surement deux fois plus de place dans les informations et à la radio. Et sérieusement, tu es facilement reconnaissable.
- Ça va, les mèches sont presque partie...
- Pas seulement ça ! Tu es blond aux yeux bleus, quand même.
- Dis-le simplement que t’es jaloux.
- De toi ? dit le psy dans un rire. Pas vraiment, non.
Il y eu un long silence, alors que je sentais l’impatience monter en moi progre-ssivement. Nous avions quitté l’allé de la maison de bois et marchaient le long d’une autoroute peuplé de quelque maison. J’étais dans un autre pays, et pourtant, le paysage était pratiquement identique à celui auquel j’avais été habitué.
- T’es en train de me dire qu’on va marcher jusqu’en Virginie ? dis-je pour briser le silence.
- Si tu veux voler une voiture, se sera sans moi.
Je secouai la tête, sans rien ajouter. Je commençai à avoir envie de partir sans lui – de toute façon, j’avais beau essayé, je ne voyais vraiment pas pourquoi il me suivait. Mais bon, en même temps, je savais que je ne me rendrais jamais bien loin sans son aide.
- Ok, comme tu veux, soupirais-je. Je sais pas démarré une voiture sans la clé, de toute façon.
- Bleu sait !
Je me retournai pour voir Bleu, qui nous suivait à quelque pas de distance. Il leva la main quand il vit que je le regardai, comme pour me faire un coucou. Je reportai mon attention à la route devant moi, sans dire ce qui me brûlai aux lèvres.
- C’est trop chiant.
- Tu veux retrouver ton frère, ou tu veux retourner en prison ?
- Mon frère. La prison, ce sera après.
Il y eu un autre long silence, alors que nous dépassâmes la dernière maison. Maintenant, il n’y avait plus que des arbres de chaque côté de la rue, et les lampadaires étaient beaucoup plus espacé les uns des autres. Bleu vint se mettre à côté de moi, comme s’il avait su que j’avais besoin de lumière. Le psy se contentait des rares lampadaire et de la lune, à peine plus grosse qu’un quart et qui ne comptait pratiquement rien.
- Tu veux que je te raconte une histoire ?
- Ça va, j’ai plus cinq ans !
- Pas pour t’endormir, dit le psy en secouant la tête.
- Oh, alors ça change tout, dis-je d’un ton ironique. Y’a quoi, dans l’histoire ? Des dragons et des chevaliers ? Des pirates, des dinosaures ?
- Y’a ton frère, dedans. Et des dragons.
Je tournai la tête pour croiser son regard, sans plus comprendre. Satisfait, le psy commença son histoire ;
- Ces gens qui sont comme ton frère, ils nous ont prouvés une chose ; la réincarnation existe.
- Ouais, je l’avais deviné tout seul. Mon frère serait la réincarnation du défunt fils de ton frère...
- Probablement. Mais ça ne s’arrête pas là. Avant même le fils de mon frère, il y en a eu un autre, et un autre, et un autre... Même chose pour tous les autres, ceux qui ont des dons... quand ils vont mourir, il y a fort à parier que, quelque part, quelqu’un va naitre avec le même don. C’est pour ça que les jeunes, sur le vaisseau, ne sont pas tué sur le champ. Car, quand ils seront morts, il faudra recommencer, et généralement, quand on le trouve, ce nouveau jeune avec un don, il a déjà tué quelqu’un. On garde les autres aussi longtemps que possible, car c’est bien plus simple de s’occuper d’eux que de les chercher, sans savoir où ils sont, jusqu’à ce qu’ils se mettent à faire des meurtres.
- Et où sont les dragons, dans cette histoire ? grognais-je.
- Dragon, c’est juste un terme, dit le psy en haussant les épaules. On peu les appeler comme on veut, mais dragon, je trouve que ça sonne bien.
- Elwin n’est pas un dragon ! Il est bien trop gentil pour ça.
- Non, je ne parle pas d’Elwin ! dit-il en riant. Plutôt... le tout premier. Là-dessus, ça devient un peu compliqué – je veux dire que les recherche ne nous ont pas donné grand-chose sur le sujet. Mais on en a conclu que, forcément, il fallait un premier enfant avec un don, pour qu’il puisse mourir et rendre son don à quelqu’un d’autre et ainsi de suite. Mais avant le premier « enfant », une théorie qu’on a indique que ça remonterait à l’époque des créatures fantastique !
- On se calme, Norbert, on est pas dans l’univers de J.K, là !
Le psy garda le silence un instant, ne comprenant visiblement pas ma référence.
- Je m’appelle Bernard...
- Je sais, soupirais-je en levant les yeux au ciel. Continue.
- Eh bien... Les créatures fantastiques, ça peut être ce que tu veux. Moi, je dis dragons, ça pourrait aussi bien être des fées, des Phénix...
- Des elfes de maison, des détraqueurs, continuais-je en refoulant un fou rire. Connaissant Elwin, dans son cas, c’est incontestablement un schtroumpf.
- Ouais, bon, appelle-le comme tu veux... Et puis, si cette théorie est la bonne – parce qu’on en as tout un tas, mais c’est la seule que je connaisse vraiment, puisque, selon moi, c’est la plus intéressante -, il se pourrait aussi qu’il y a plusieurs genre de créatures. Dison qu’Elwin est un Schtroumpf, mais un autre pourrait être une fée, un autre un dragon. Tu vois ? Il y en a un, j’ai longtemps dit que c’était assurément un dragon. Depuis que je le connais, je crois qu’il en ai à sa troisième vie... à celle d’avant, il est mort à trois ans, quand même... tu veux savoir comment il est mort ?
- Non...
- Combustion spontanée !
Le psy éclata de rire, sans se rendre compte de mon dégout. Comment pouvait-il rire de la mort d’un enfant de trois ans ?
- Trop jeune pour son propre don, il s’était développé trop vite et il est mort. Mais maintenant, à savoir si c’est un coup du destin, je ne crois plus que c’est un dragon, mais plutôt un phénix, ce qui est encore plus révélateur ! Son nom, traduit en français, veux dire phénix ! Je trouve ça génial.
- Et c’est quoi, son vrai nom ?
- Suzaku. C’est un japonais.
Le psy continua à sourire bêtement, comme quoi il était fier de sa petite histoire. Je me retournai vers Bleu, à ma gauche.
- Il dit vrai ?
- Bleu sais pas, répondit Bleu.
- Mais t'as quel âge ?
- Bleu à quatorze ans bleu.
- Je veux pas l’âge d’Elwin, je veux la tienne.
- Quatorze bleu ans !
- Mais tu existais avant lui, soupirais-je, exaspéré.
- Bleu sait pas. Bleu pas de souvenir bleu avant bleu. Bleu a bleu quatorze ans, onze mois, trois jours, dix-sept heure, quarante-six minutes, douze… treize... Quatorze seconde. Quinze. Seize...
- Ok, ça va, j’avais demandé l’année, pas la seconde près ! m'écriais-je, impressionné.
- Qu'est-ce qu'il a dit ? demanda le psy.
- Il a donné l'âge d’Elwin... À la seconde près. Comme quoi Elwin et Bleu on le même âge.
- Évidemment qu’ils ont le même âge. Tu n'as pas entendu ce que je t’ai dit ?
Je secouai la tête de gauche à droite, soupirant encore une fois. Je commençai déjà à en avoir marre de marcher sur le bord de la rue, j’avais envie de conduire. Ou même, encore mieux, laisser le psy conduire et dormir dans mon siège passager.
- Elwin et Bleu ne peuvent pas avoir le même âge. Peut-être que Bleu est apparût à la seconde où El est née, mais ce n’est pas une histoire de réincarnation ! Bleu n’était pas mort, lui. Sérieux, il est invisible ! Qui aurait pu le tuer ?
- Ça, c’est le genre de chose qu’on ne saura peut-être jamais, soupira le psy.
Le silence tomba entre nous, encore une fois, tandis que le psy, Bleu et moi, nous continuèrent notre balade nocturne, la panique nous envahissant à chaque fois qu’une voiture passait, mais aucune ne s’arrêtait pour nous. À chaque fois, toujours un peu plus nerveux, je me tâtais les poches en oubliant que je n’avais plus de cigarette avec moi.
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Bleu
ParanormalTout ce que je souhaitais, dans la vie, se résumait à entrer dans l'équipe de soccer de mon école et passer de bon moment avec ma petite amie Suzie. J'étais assez populaire. J'avais une assez bonne façon de me faire remarquer, avec mes cheveux bleus...