Chapitre 42 - Elwin

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Plus les secondes passaient, plus j'arrivais à voir dans le noir. Je voyais Sushi, étendu devant moi. Je ne voyais de lui que le contour de sa silhouette, mais je savais qu'il était toujours inconscient. J'essayai désespé-rément de le réveiller, lui secouant le bras, donnant des petites claques sur sa joue. Presque la moitié de son visage était poisseux de sang. Je collais ma main à son cou, la peur au ventre, mais je parvins à sentir son cœur battre lentement. Tout ce que je pouvais faire pour lui, c'était d'attendre qu'il se réveille. Je me relevai et retournai contre la porte, essayant de la forcer, sans y parvenir. Si seulement Bleu serait là ! Il était surement encore à retirer les costumes de Rose et de la Reine. Et ensuite, dans moins de cinq minutes, il sera ici, il nous ramènera sur Terre avec les autres... Quand bien même que je ne peux pas parler, il sait bien prendre des initiatives par lui-même. Ou bien qu'il ait quelque notion du langage des signes. Il n'y a aucune raison que cette muselière puisse empêcher Bleu de nous sortir d'ici.

L'un des hommes de Finlah m'avait injecté quelque chose dans le bras, par contre. Peut-être que ça fera une différence. Peut-être que c'était cette même drogue, sous forme liquide, que j'avalais tous les jours et qui m'empêchait de voir Bleu. Et si je ne le voie pas, que je ne l'entend pas, est-ce qu'il pourra tout de même faire quelque chose pour moi...?

Je retournai m'asseoir près de Sushi, une main sur son bras pour lui laisser compren-dre qu'il n'est pas seul. Aussitôt ma peau en contact avec la sienne, j'entendis un petit bruit qui me fit sursauter, avant de me rendre compte que c'était Sushi qui mar-monnait, ou gémissait. Il commençait enfin à se réveiller. Je lui secouai le bras, le pressant de se réveiller un peu plus vite, mais il n'en arrêtait plus de gémir, sans jamais se lever. Il leva lentement une main pour toucher sa tempe gauche, et gémi un peu plus fort sous la douleur.

- Y'a quelqu'un ? marmonna-t-il faiblement.

J'aurais bien voulu lui répondre que j'étais là, mais je ne pouvais pas. Et si, moi qui avait des yeux on ne peut plus clair, arrivait à distinguer tout juste quelque contour de sa silhouette, lui, avec ses yeux on ne peut plus sombre, n'y voyait rien du tout. Il n'avait aucun moyen de deviner que c'était moi.

- Qui est là ? répéta-t-il un peu plus fort.

Sa peur augmentait aussi surement que sa température. Bientôt, je ne pouvais même plus supporter de le toucher. Mais comme je m'éloignais de lui, il s'élança vers moi, guidé par le bruit, et m'agrippa le bras pour me brûler. Je donnais un coup de pied pour me dégager et Sushi retomba au sol, trop faible pour faire plus.

- Qui êtes-vous...?

Sa voix tremblait, il semblait sur le point de se mettre à pleurer. Être coincé dans le noir, sans savoir où ni comment il s'était retrouvé là, avec une personne muette, je pouvais bien le comprendre d'avoir peur.

Précautionneusement, je lui pris la main, qui était brûlante, à la limite du supportable, et la mit sur ma vieille brûlure, espérant qu'il me reconnaitrait ainsi. Mais il avait brûlé des tas de gens, ici... Je passais ensuite sa main dans mes cheveux, puis le bandage de mon pied. Il sembla enfin se calmer.

- Bleu, c'est toi ?

Je mis sa main sur ma joue pour qu'il me sente hocher la tête. Sushi laissa échapper un petit rire nerveux.

- Pourquoi tu l'as pas dit avant ?

Je mis sa main sur ma muselière. Sushi retira vivement sa main, comme quoi ma muselière lui faisait peur.

- Qu'est-ce que c'est ?

J'aurais bien voulu répondre, mais mon silence fut tout autant révélateur.

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