Chapitre 20 - Simon

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J'avais réussi. J'étais maintenant dans la même prison pour jeune qu'Elwin. Le seul problème est que lui-même n'y était plus depuis déjà plus d'un mois. Deuxième problème ; je ressemblais beaucoup trop à Elwin. C'était quoi, l'idée, de me faire des mèches bleues ? Si même maman m'avait pris pour lui quand elle m'avait vu, des types qui n'avaient connu Elwin pendant à peine un mois avaient tout pour croire que j'étais lui. Encore pire que j'y étais pour les mêmes raisons que lui.

C'était mon premier jour, ici. Mais on m'avait tout de suite remarqué – probablement à cause de mes mèches bleues. À mon premier repas à la cafétéria, quelqu'un me fit un crochepied, et tout le contenu de mon cabaret était tombé au sol. Le temps que je relève les yeux, ils étaient déjà une dizaine autour de moi à rigoler.

- On dirait bien que le petit Elwin n'a pas fait long feu dans le monde extérieur, dit l'un d'entre eux, les dents croches et le crâne rasé. Je t'avais trop manqué, c'est ça?

Il continua à rigoler, et je restai là, sans bouger, à soutenir son regard. Son sourire disparut peu à peu, à chaque seconde qui passait.

- T'es pas Elwin, toi, hein ? fini-t-il par dire.

- Je suis une autre version d'Elwin, dis-je avec un petit sourire. Une version qui ne se laissera pas marcher sur les pieds par une petite merde comme toi.

Le type resta silencieux une seconde de plus, puis éclata de rire, vite rejoins par tous les autres. Mais c'était clairement un rire forcé.

- Retire ce que tu viens de dire.

- Non.

- Je vais compter jusqu'à trois !

- Ah, tu te prends pour qui, ma maitresse ?

J'avais atteint ses limites, qui étaient apparemment très courtes. Il m'enfonça son poing dans le nez, tellement vite que je n'eus même pas le temps de réagir. Je tombais sur les fesses, et tout le monde éclata de rire encore une fois. Tout le monde retourna à sa table, me laissant seul dans mon coin. Je me tâtai le nez avec précaution, je ne crois pas qu'il était cassé, mais il me faisait un mal de chien, et il saignait. Je parcourrai à quatre pattes la distance qui me séparait de mon cabaret renversé pour retrouver les serviettes et me les plaquer sous le nez. Je regardai un instant le reste de mon cabaret, particulièrement le dessert, un poudding, qui était miraculeusement resté entier. Tout le reste était éparpillé un peu partout. Je pris le pudding au chocolat, me relevai, et allai vers ce type qui était à une table à deux mètres de moi. Je l'approchai par-derrière ; personne ne prit la peine de lui signaler que j'étais là, peut-être trop curieux de voir ce que j'allais faire. Ce que je fis ; renverser mon poudding sur sa tête. Il en resta figer, et je profitai du moment pour l'étaler bien partout. Puis, enfin, il se retourna pour me frapper encore une fois ; je parvins cette fois à éviter le coup, et je le poussais pour qu'il tombe de dos sur sa table, ce qui me rappela la fois au McDo avec Samuel.

Tous les autres à la table éclatèrent de rire encore plus fort, ce qui réussit à me faire sourire. Puis ils arrêtèrent et baissèrent la tête. Je me retournai pour voir ce qui se passait ; un garde était là, me regardant les bras croisés et poussant un soupir de désespoir.

- Eh bien, Elwin, t'as pas fait long feu dehors, dit-il.

- Je suis pas Elwin, je m'appelle Simon ! m'énervais-je.

- Ouais, c'est ça, Simwin. Viens avec moi.

Il m'agrippa par le bras et m'entraina avec lui, et tout le monde dans la cafétéria se mit à m'applaudir.

- Simwin ?! Tu peux pas être sérieux !

J'essayai de me débattre, mais un autre garde vint pour me tenir par l'autre bras et m'entrainer ailleurs.

Ainsi fut ma première journée en prison. Beaucoup trop cliché.


Un peu plus tard, je me retrouvai dans le bureau d'un psy. Rien qu'à sa tête, je savais qu'il était plutôt cool.

- Alors... Simon.

- C'est mon nom. Bravo, j'avais pensé que je me ferais encore appeler Elwin.

- C'est vrai que tu lui ressembles, mais pas tant que ça, quand même. T'es mèches on commencer à déteindre, ajouta-t-il dans un rire.

- C'était plus foncé avant, mais ça reste toujours bleu, dis-je en haussant les épaules. Vous avez connu Elwin, alors ? Vous étiez son psy ?

- On n'est pas là pour parler d'Elwin, on est ici pour parler de toi, Simon.

- Dommage, moi je suis là rien que pour lui.

Le psy garda le silence un petit moment, me regardant droit dans les yeux comme s'il avait le pouvoir de lire directement dans mes pensées.

- Alors, tu aurais tué ta petite amie rien que pour marcher dans les pas de ton petit frère ?

- Bon, vous êtes un psy, vous êtes là pour que je me confie cœur et âmes à vous, et vous n'avez pas le droit de tout répéter à qui que ce soit, je me trompe ?

- À moins que ce que tu me dis puisse me laisser croire que tu as l'intention de faire quelque chose de dangereux. Un suicide, un deuxième meurtre ?

- Ni l'un ni l'autre. Surtout pas de deuxième meurtre ! OK, je vais vous faire plaisir, je vais tout dire. Bon, pas juste pour vous, j'ai vraiment besoin de me confier, ou je crois que je vais devenir dingue. D'habitude, c'était pour Elwin, si j'avais besoin de me confier, mais bon, il est pas là, justement. Alors voilà, Elwin n'a tué personne, et moi non plus ! C'est... bon, c'est quelqu'un d'autre, je vais être vague là-dessus, de toute façon, vous me croirez pas... et j'ai peut-être un peu peur qu'il décide de me tuer aussi si je suis pas gentil avec lui. Donc... c'est ça, c'est quelqu'un d'autre. C'était un ami d'Elwin, je sais pas exactement pourquoi, mais c'est lui qui a tué Suzie. Manque d'attention que ça m'étonnerait pas. Et, bon, j'étais pas là pour savoir exactement ce qui s'était passé, mais c'est la même personne... la même chose, qui a tué l'autre type, là, Jimmy. Et puis, il y a un peu moins d'une semaine, cette chose m'est apparue en disant qu'Elwin ne pouvait plus le voir, ou un truc dans le genre, en fait, c'est un peu compliqué de comprendre ce qu'il dit. Mais moi, je n'avais pas pensé tout de suite que c'était lui qui avait tué Suzie et Jimmy, il m'a seulement dit qu'il avait un plan pour que je puisse le retrouver, et j'ai dit OK ! Sauf que son plan, eh bien, c'était de tuer... Mélissa.

J'avais le cœur qui pompait de m'être livré comme ça à un type don j'ai oublié le nom. À coup sûr, il va dire que j'avais raison quand je disais que je devenais dingue.

- Ça va peut-être t'étonner, Simon, dit le psy en s'avançant dans sa chaise et se penchant un peu au-dessus du bureau, mais je ne te prends pas pour un dingue. Je suis au courant pour Bleu. Ou devrais-je dire, cette chose. Elwin m'en avait parlé, de Bleu. Il n'y croyait pas lui-même, mais je sais que c'était lui. Ou du moins, ça aurait pu être n'importe qui, n'importe quoi, mais pas Elwin. Ça se voyait tout de suite qu'il n'aurait jamais pu faire de mal à qui que ce soit.

Je n'en croyais pas mes oreilles. Il n'y avait eu que Mélissa pour me croire. Ou au moins me faire croire qu'elle me croyait, quand ça lui tentait. Et puis il y avait ce psy qui disait, alors que c'était la première fois que je le voyais, qu'il me croyait totalement ? Je ne sais pas, ce n'était peut-être qu'une de ses techniques de psy.

Alors que je ne répondais rien, le psy se pencha de côté pour ouvrir l'un des tiroirs de son bureau et en ressortir un journal, qu'il me présenta. Malgré la situation, je ne pus m'empêcher d'éclater de rire en voyant le titre.

- La guerre au Canada ? Ce n'est pas un vrai journal.

- C'est un vrai journal.

- Ce n'est pas un vrai journal. Y'a pas de guerre, je suis pas fou.

- Elwin l'a cru, lui.

J'avais envie de répliquer, mais, du coup, je préférai me taire. Est-ce que je venais de dire, indirectement, qu'Elwin est fou ?

- Où est l'idée de faire ça ? demandais-je à la place. Cet article est clairement faux.

- Mais Elwin m'a cru. Ou un peu. Il n'avait pas les idées très claires, de toute façon, il était en pleine dépression.

- Mais ça sert à quoi de faire croire à Elwin qui a la guerre ? dis-je, commençant à perdre patience. C'est vraiment idiot !

- C'était dans le seul but qu'il n'y voit rien au moment où il s'est fait amener ailleurs. On lui a dit que la route durait deux heures. En réalité, c'était plus d'une semaine.

Je sentis mon sang se glacer dans mes veines en entendant ce chiffre. Une semaine. Elwin n'était certainement même plus dans le pays.

- Une semaine, c'est en voiture, ou en avion ?

- Il a dû prendre l'avion, oui.

Je fermai les yeux et baissai la tête, laissant échapper un soupire pour essayer de me calmer, mais je n'y arrivai pas. Je commençai à me sentir mal, très mal.

- Qu'est-ce que je dois faire pour y aller ?

- Rien. Tu n'y iras pas.

Je me levais d'un bon de ma chaise et agrippai le psy par le col de son pull, approchant son visage à quelque centimètre du mien pour bien lui démontrer à quel point j'étais à bout.

- Je dois y aller ! hurlais-je.

Au même moment, la porte du bureau s'ouvrit à la volée et deux gardes se précipitèrent sur moi pour me faire lâcher prise. J'essayai de me débattre, mais ils étaient trop fort pour moi.

- Je dois aller là-bas ! hurlais-je encore. Il faut que je retrouve mon frère !

- Désolé, Simon, là-bas, c'est seulement pour les cas très, très spécial. Tu n'en fais pas partie.

Je hurlai encore, me débattant comme un diable, mais les gardes m'attirèrent hors du bureau et la porte se referma devant moi. Je venais peut-être de perdre toutes mes chances de retrouver un jour mon petit frère.

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