Chapitre 3 - Achalmy

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An 500 après le Grand Désastre, 2e mois du printemps, à quelques lieues au nord de Vasilias, Terres de l'Ouest.



L'aube ne s'était pas encore levée lorsqu'Alice me réveilla. Cette fois-ci, ce ne furent pas des ronflements, mais des sanglots étouffés.

Après le combat contre la troupe du comte Bastelborn, nous avions pris le nord et marché jusqu'en fin de journée. Nous étions arrivés à un campement saisonnier de chasseurs. C'était une pratique courante dans les Terres de l'Ouest : une troupe de chasseurs, souvent un clan constitué de familles plus ou moins liées au fil des générations, s'installait dans un lieu stratégique et chassait abondamment durant le printemps et l'été pour constituer une bonne réserve de vivres, vêtements et argent pour se préparer aux saisons froides.

J'avais voulu contourner le campement, mais l'état de ma compagne de route m'en avait dissuadé : elle semblait abattue depuis notre départ de Vasilias, comme si quitter la capitale lui avait fait prendre l'entière mesure de sa décision puérile. Il m'avait donc semblé plus approprié de lui accorder une nuit à l'abri d'une tente plutôt qu'à la belle étoile.

Toujours sur mes gardes, j'étais entré dans le campement, suivi de près par Alice. Le chef de clan nous avait questionné sur notre destination. Il s'était heureusement contenté de ma réponse évasive : « le nord ». Pour quelques pièces de cuivre, il nous avait prêté une de ses tentes, une place auprès du feu et un bol de soupe accompagné d'un peu de pain et de viande séchée. En voyant la mine déconfite de la princesse à la découverte de notre dîner, je m'étais retenu de rire. Néanmoins, elle n'avait pas protesté, sûrement trop affamée.


Ainsi, Alice et moi avions partagé la même tente pour la nuit. Malgré l'air frais, j'avais proposé à la princesse de dormir près du feu pour qu'elle pût avoir un peu plus d'intimité, mais elle avait refusé. Elle avait été choquée par la perspective de dormir à la belle étoile avec ce temps. Encore une fois, j'avais manqué m'esclaffer : si elle avait su où je m'étais parfois endormi... Et par quelles conditions.

Maintenant, allongé près d'elle, je devais faire sembler d'ignorer ses reniflements et les tressaillements de ses épaules frêles. Trop frêles pour le fardeau qu'elle devait porter. À ce moment-là, j'aurais mille fois mieux voulu dormir dehors. J'aurais pu gagner un peu de sommeil et, surtout, éviter d'être confronté au chagrin de la princesse.


Elle pleura ainsi encore quelques minutes puis cessa de renifler. Sa respiration ne retrouva pas le rythme paisible du sommeil et elle tourna et se retourna dans son couchage.

Au bout d'un moment, exaspéré, je me redressai et grommelai :

— Je croyais que les princesses étaient de bonnes filles bien éduquées qui connaissaient la définition du mot « silence ».

Le visage pâle, elle me fit face avec une expression coupable. Ses cheveux emmêlés, ses yeux bouffis et son nez rose lui donnaient une allure de petite fille.

— Je t'ai encore réveillé ? Je suis navrée.

— Pas grave, soupirai-je en tendant le bras vers mes vêtements pour enfiler mes couches supérieures.

Je me levai puis me rhabillai en silence avant de sortir de la tente. Les timides lueurs de l'aube pointaient vers l'est. Les étoiles les plus brillantes luisaient dans le ciel encore sombre de l'ouest. J'inspirai un grand coup en appréciant l'air pur qui s'infiltra dans mes poumons. Il sentait la pluie, la mousse et la sève.

Oneiris - Tome 1 : La Revanche d'Aion [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant