An 500 après le Grand Désastre, 2e mois du printemps, campement du Rituel de Maturité, Terres du Nord.
Revenir dans le Nord était une expérience douce-amère. La neige, les journées de marche, l'odeur de la viande sauvage grillant sur les feux de camp, la sincérité et la simplicité de mon peuple me rappelaient l'enfance bienheureuse et l'adolescence riche que j'avais eues. Cependant, le Rituel de Maturité avait ramené ce qui me blessait le plus : être un guerrier reconnu par les Maîtres d'Armes, mais non par mon peuple ; la culpabilité d'avoir quitté Zane sans prendre conscience de tout ce qu'il m'avait offert ; et, finalement, mon crétin de père.
Je n'aurais pas dû être étonné de sa présence ; après tout, il était lui aussi un Maître d'Armes. Ami d'enfance de Zane, ils avaient commencé à déambuler ensemble dans les bois alentours de leur village de naissance, avaient échangé l'un contre l'autre leurs premiers coups de branches, avaient découvert au même moment leur goût pour l'art du combat, et avaient décidé tous les deux de devenir de puissants guerriers.
Mon père s'était légèrement écarté de la voie du combattant en rencontrant ma mère vers vingt ans. J'étais né trois ans plus tard et la mort de sa compagne l'avait ramené sur le chemin des Maîtres d'Armes. Il avait eu ce titre quelques années après Zane et s'y était pleinement dévoué pour contrer le chagrin de la perte de sa bien-aimée. J'aurais fait preuve de mauvaise foi en affirmant que j'avais passé une enfance triste avec lui. Mes cinq premières années étaient un flou dont je me rappelais essentiellement les longues journées de marche que je finissais souvent dans les bras de mon père, épuisé comme un jeune enfant peut l'être, et les difficultés de la vie au pied des monts.
Quand il avait constaté que son goût pour les armes et le combat était toujours plus grand, mon père était descendu à la limite occidentale pour s'installer dans un hameau et perfectionner son art. Cette période avait été plus agréable et heureuse.
Deux ans plus tard, il me confiait à Zane.
Cette décision, qu'il avait prise un peu brutalement, avait chamboulé ma vie de manière significative. Je n'étais qu'un enfant qui n'avait que son père. Je m'étais fait quelques camarades dans le hameau et je dus les quitter du jour au lendemain pour descendre dans l'Ouest retrouver l'ami d'enfance de mon paternel. L'homme ne m'était pas inconnu : je l'avais rencontré à plusieurs reprises durant mes premières années de vie. Mais il n'avait pas le sourire complice de mon père, ni ses yeux si familiers et son aura rassurante.
Déboussolé, j'avais dû dire adieu à mon père. Celui-ci avait pris la décision de confier mon apprentissage des armes, lettres et chiffres à son fidèle ami, car il estimait qu'il n'était pas doué pour ces tâches. Même si, aujourd'hui, je savais que mon père n'avait jamais pris d'élève et s'était consacré à améliorer encore et toujours ses compétences, ce vif sentiment de trahison subsistait encore. Passés la perplexité de sa décision et le chagrin de son absence, mon père avait suscité chez moi la rancœur et la colère.
Il était passé au moins une fois par an me voir. Jusqu'à mes dix ans, je l'avais accueilli avec des larmes et de fortes embrassades. Après quoi, constatant qu'il n'avait pas l'intention de me reprendre avec lui ou de rester plus d'une semaine chez Zane, mon cœur s'était flétri comme une plante trop arrosée.
Je m'étais senti trahi. Abandonné et mal aimé.
L'adolescence n'y avait rien arrangé. À chacune de ses visites, je m'enfuyais dans les petits bois alentours et y passais parfois plusieurs jours. Je l'entendais m'appeler. Je n'avais jamais répondu.
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Oneiris - Tome 1 : La Revanche d'Aion [Terminé]
FantasiCinq Dieux primordiaux créèrent Oneiris : le Temps, l'Espace, la Matière, la Vie et la Mort. Pour être au plus près de leurs fidèles, les divinités acceptèrent de se montrer à eux dans des enveloppes charnelles. Nombreux échanges eurent alors lieu d...