An 500 après le Grand Désastre, 2e mois de l'été, au nord-ouest du lac Ishalgen, Terres de l'Ouest.
Assis près du cercle de pierre qui nous servait à faire le feu, Errick, les trois gardes royaux et moi jouions aux dés. Le capitaine d'équipe menait la partie. Malgré la bonne entente engendrée par le jeu, une ambiance morose ne nous quittait plus. Errick affichait un visage fermé et grave en dépit de ses victoires.
Alors que nous entamions un nouveau tour, l'un des gardes, Josh, souffla doucement :
— Et si nous fuyions cette nuit ? Quand la lune sera haute dans le ciel ? La pluie a cessé depuis ce matin, le ciel est dégagé ; nous y verrons comme en plein jour.
Ma poitrine s'était comprimée dès la mention de la fuite. Ma raison me hurlait de les empêcher de passer à l'action, mais ma peur ne souhaitait que les écouter. Aussi fortes l'une que l'autre, ma langue resta inerte dans ma bouche asséchée.
— Josh, murmura Errick en lui jetant un regard méfiant, ce n'est pas une bonne idée. Tu sais que le comte nous tuera tous s'il nous surprend en train de nous enfuir. Il nous a dit de rester dans cette maison ; au moins nous avons un semblant de toit sur la tête.
Les deux autres gardes, des femmes, écoutaient l'échange avec gravité, sûrement aussi déchirées que moi. L'une, grande blonde au visage allongé, et l'autre, une brune aux épaules larges et à la mine revêche, étaient aussi silencieuses que dépitées.
— Si vous ne voulez pas m'accompagner, j'irai seul, reprit Josh en secouant la tête. Laissez-moi une monture et je partirai en vitesse pour vous éviter la colère du comte.
Les trois autres s'agitèrent, mal à l'aise. Après quelques secondes de silence pesant, la garde blonde, Manea il me semblait, chuchota :
— Tu n'as pas peur qu'il nous découvre ? Il a clairement dit qu'il pouvait nous surveiller même lorsqu'il n'était pas là.
— Ce n'était peut-être qu'un mensonge ! Il peut très bien se contenter de rester caché dans les sous-bois pour nous surveiller de loin et nous suivre sans faire de bruits.
— Il a tué tous les autres sans bouger d'un pas ! s'exclama soudain la femme brune avec crainte. Tu veux vraiment t'opposer à une telle personne, Josh ?
— Oui, répliqua-t-il d'un ton mordant. J'y vais ce soir, avec ou sans vous. Quitte à en mourir, je refuse de continuer à répondre aux ordres de cette brute manipulatrice.
Je comprenais son envie. Au fond, je le souhaitais aussi. Rentrer chez moi. Retrouver mes parents et mon frère. Leur demander pardon pour avoir fui bêtement. Si je devais me marier pour les retrouver, qu'il en fût ainsi. Je préférais cela à rester en compagnie d'un monstre qui cachait ses intentions.
— Je viens avec vous.
Alors que ces mots allaient franchir mes lèvres, Errick l'avait fait pour moi. Bouche bée, je le dévisageai et il se détourna, embarrassé.
— Pardonnez-moi, princesse Alice. Je ne peux pas rester plus longtemps sans réagir. C'est mon devoir de faire un rapport à votre père. Même si nous devons en mourir, comme le dit Josh, nous devons essayer.
Il m'adressa un regard dur.
— Néanmoins, princesse, je vous prie de réfléchir avant de prendre la décision de nous accompagner ou non. Si vous le faites, vous prenez le risque de subir les foudres du comte. Si vous restez, vous serez seule face à la perversion de cet homme. (Il se pencha en avant vers moi, l'air préoccupé.) Soyez sûre que nous parlerions du sort que vous subissez à votre père si nous réussissons à fuir. Nous réquisitionnerions tous les gardes royaux si nécessaire, et nous irions vous arracher aux griffes de Bastelborn.
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Oneiris - Tome 1 : La Revanche d'Aion [Terminé]
FantasyCinq Dieux primordiaux créèrent Oneiris : le Temps, l'Espace, la Matière, la Vie et la Mort. Pour être au plus près de leurs fidèles, les divinités acceptèrent de se montrer à eux dans des enveloppes charnelles. Nombreux échanges eurent alors lieu d...