Chapitre 17 - Alice

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An 500 après le Grand Désastre, 2e mois de l'été, Ma'an, Terres du Sud.



Mes oreilles bourdonnaient alors que nous nous approchions du trio accoudé au comptoir. Malgré la relative fraîcheur matinale, j'avais l'impression d'étouffer. Le souffle me manquait, mes vêtements me serraient, et la présence oppressante de mon père à mes côtés achevait de m'étourdir.

Quelques mètres nous séparaient encore du groupe lorsque le comte se retourna vers nous, un sourire de loup pendu aux lèvres. Malgré les présences impériales à ses côtés, il semblait parfaitement détendu. C'était en accord avec son comportement déroutant depuis que je l'avais rencontré.

Le regard parme du Noble glissa rapidement de notre groupe vers l'aubergiste aux cheveux roux. Il allait ouvrir la bouche lorsque l'homme qui se tenait à sa gauche éleva la voix :

— Agatha, nous avons besoin de tranquillité.

La femme qui nous avait accueillis la veille se figea en entendant le ton autoritaire et grave. Sans discuter, elle se détourna de la tâche qu'elle était en train d'exécuter et nous fit signe de la suivre. Ça ne devait pas être la première fois que le frère de l'Impératrice organisait des rencontres dans cet établissement.

En silence, mon père, le Noble, les Samay et moi nous dirigeâmes vers les escaliers. Nous grimpâmes jusqu'au deuxième étage puis longeâmes le couloir jusqu'à la porte du fond, que l'aubergiste – Agatha – ouvrit avec une clef. En tournant, les gonds émirent un couinement tout à fait révélateur quant à l'utilisation de la pièce.

— Je vous apporte du jus d'ananas et des dattes ?

— Avec plaisir, acquiesça le comte Wessex Bastelborn en lui adressant un sourire charmeur.

Agatha l'ignora, s'inclina devant nous puis repartit promptement. Mal à l'aise, je laissai les Samay et mon père entrer dans la pièce, qui sentait le renfermé depuis le seuil. Me voyant plantée à quelques mètres de l'embrasure, le Noble me dévisagea.

— Un souci, princesse Alice ?

Comme mon père et les Samay se tournaient vers moi, je rougis brusquement.

— Princesse Alice ? répéta soudain l'Impératrice en m'observant de la tête aux pieds. Oh, pardonnez-moi, je vous ai prise pour une domestique.

Ma honte n'aurait pu être plus grande. Les Samay ne m'avaient pas jeté un coup d'œil depuis le début, ne me laissant ainsi ni l'opportunité de les voir, ni de me présenter convenablement.

Avant que je ne me ridiculisasse encore plus, mon père s'éclaircit la gorge puis se tourna vers l'Impératrice.

— Je suis enchanté de vous revoir, Votre Altesse Impériale, souffla-t-il en prenant délicatement sa main pour en baiser le dessus. J'espère que cette rencontre se déroulera comme vous le souhaitez.

La femme au port altier laissa son masque de dignité et d'indifférence se froisser légèrement.

— Cher Roi, cette rencontre me satisferait bien mieux si mon frère ou vous-même preniez le temps de m'expliquer pourquoi nous nous rencontrons dans un établissement aussi... rustique et la raison de toute cette discrétion qui doit entourer notre réunion.

Avant que Dastan ou mon père eussent le temps de répondre, elle soupira lourdement.

— Nous avons dû quitter le Palais à l'aube en ne prévenant que ma domestique en chef. Avec seulement deux chevaux ! Pas même une escorte pour nous protéger ou une troisième monture pour emporter des vivres.

Oneiris - Tome 1 : La Revanche d'Aion [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant