Chapitre 23 - Achalmy

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An 500 après le Grand Désastre, 3e mois de l'été, la Place des Cinq, le Noyau.



Je fus réveillé par une vague de frissons remontant le long de mon corps. Agacé par l'air frais qui courait sur ma peau, je marmonnai et essayai de remonter ma couverture vers mon menton. Ma main rencontra le vide. Avec perplexité, je fouillai le sol à côté de moi : je l'avais peut-être poussée de côté pendant la nuit. Mais il n'y avait que la terre meuble et régulière. D'ailleurs, j'étais allongé à même le sol et sans ma besace pour me servir d'oreiller. Étais-je si épuisé la veille que j'en étais tombé de fatigue sans même monter le camp ?

J'ouvris les yeux. La nuit n'était pas pleinement tombée : certaines étoiles ne brillaient pas encore. Néanmoins, celles qui étaient présentes dans le ciel me semblaient... étranges. Je levai la main, pointai celle qui me servait de repère en toute saison et tendis mon auriculaire vers le point lumineux le plus proche. Dans les Terres de l'Ouest, mon doigt tombait toujours dessus. Là, l'étoile était décalée de quelques centimètres.

Je n'étais donc pas dans l'Ouest.

Je me redressai brutalement, les sens en alerte. Où étais-je ? L'air était trop doux et sucré pour que je fusse dans le Nord. Le cœur battant à tout rompre, je tournai lentement la tête pour observer les alentours. Ma tresse me chatouilla le cou alors que j'observais sans comprendre ce m'entourait.

J'étais au fond d'une crevasse. Et nu.


Je croisai les bras sur ma poitrine pour me réchauffer. Je comprenais mieux pourquoi l'air de la nuit m'avait réveillé. En été, je pouvais dormir torse-nu à la belle étoile sans m'inquiéter, mais jamais complètement dévêtu. Simple question de commodité si jamais on venait à m'attaquer.

Je me sentais étrangement léger, comme si je venais juste de me réveiller d'une longue nuit réparatrice. Néanmoins, à en croire la logique de la journée, je venais juste de me coucher.

— Achalmy ?

La voix, hésitante et intimidée, s'éleva derrière moi. Je me retournai brutalement, prêt à faire jaillir des bulles d'eau si nécessaire. L'idée me quitta aussitôt l'esprit dès que je reconnus Alice. Elle avait le souffle court.

— Alice ? Où est-ce qu'on...

Je laissai ma phrase en suspens lorsqu'elle commença à dévaler le cratère à toute vitesse. Je craignis qu'elle se brisât la cheville, mais elle parvint jusqu'à moi sans se blesser. Ne me laissant guère le temps de reprendre la parole, elle se laissa tomber à genoux devant moi pour me dévisager.

— Tu es vivant.

C'avait été une affirmation. Perplexe, je haussai les épaules en lui adressant un sourire moqueur. À peine ouvrais-je les lèvres pour lui demander ce qui lui prenait qu'elle jeta ses bras minces autour de mon cou. Malgré moi, je me raidis, ce qu'elle perçût sans mal.

— Excuse-moi, souffla-t-elle d'un ton tremblant. Mais il faut que... Je voulais en être sûre...

Elle sentait l'odeur sucrée des fruits. Désemparé par son geste soudain, je ne répondis pas tout de suite. Nous n'avions jamais été aussi familiers l'un envers l'autre. Alors pourquoi cet élan de...

Je la repoussai brutalement alors qu'une pensée fugace me traversait l'esprit. Je n'avais quand même pas... avec elle ? C'était impossible, trop brusque. Autrement... j'allais m'arracher les cheveux.

— Alice, soufflai-je en plongeant les yeux dans les siens.

Quelques larmes s'accrochaient vainement à ses cils sombres. Ses joues étaient roses et sa bouche tremblait imperceptiblement.

Oneiris - Tome 1 : La Revanche d'Aion [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant