An 500 après le Grand Désastre, 3e mois de l'été, la Place des Cinq, le Noyau.
Une tension palpable nous enserrait tous d'un filet invisible et désagréable depuis le lever du soleil. Personne n'avait vraiment réussi à fermer l'œil de la nuit. Nous sursautions au moindre bruit, dévisagions les alentours dans la crainte de voir apparaître Calamity, peinions à laisser s'écouler les minutes dans l'attente de la bataille cruciale.
Achalmy évitait notre groupe depuis le réveil du camp. Après m'être rapidement lavé le visage et les mains, j'étais allée le voir. Il s'était déchargé de son sac et de ses possessions inutiles pour ne garder que ses sabres et quelques petits couteaux à la ceinture. Il avait attaché sa tresse sur le côté de son crâne pour qu'elle ne le gênât pendant le combat. Avec son visage fermé, son air concentré et son corps tendu, il avait tout l'air d'un grand guerrier nordiste.
Malgré mon amorce de discussion, il m'avait ignorée. Comprenant parfaitement qu'il avait besoin de se concentrer – et malgré le soupçon de déception au fond de mon cœur – je l'avais laissé à ses préparatifs. Il n'avait pas besoin de moi pour être prêt à de battre : il était né dans une famille de Chasseurs, avait grandi dans la perspective de devenir un grand combattant et allait très certainement le devenir.
Tout ce que je pouvais faire – et j'étais contente de ne pas être complètement impuissante après ces dernières semaines – était de le soutenir à distance au moment de l'affrontement et de ne pas le gêner.
La matinée glissait lentement vers le zénith, tirant minute après minute notre esprit vers l'angoisse et l'appréhension. Le Dieu Aion ne démordait pas sur le lieu de l'affrontement : ce serait la Place des Cinq. Pourtant, nous attendions toujours Calamity.
Alors il apparut.
Aussi simplement et brusquement que la première fois que je l'avais vu, alors que nous faisions route vers le Noyau.
Tandis qu'Aion nous rappelait nos rôles, à Soraya, Wilwarin et moi, le Dieu déchu se raidit brutalement et tourna les talons pour faire face à la Place. Au-delà du cercle pavé, du réseau de canaux d'eau et des statues de marbre, se dressait la silhouette dégingandée de la divinité mineure des désastres.
Toujours en lambeaux et sans couleurs, ses vêtements laissaient apercevoir sa peau presque translucide. Sa crinière noire était tirée en queue-de-cheval pour ne pas le gêner. Même à cette distance, j'avais l'impression de sentir l'éclat de ses yeux mauvais sur moi et la cruauté de son sourire qui déchirait mon ventre.
Aion avait raison : ce n'était pas seulement sa revanche qui était en jeu, mais avant tout l'avenir de notre monde : qu'allait-il advenir de nous si jamais ce monstre devenait l'un des cinq Dieux Primordiaux ?
Alors que je reculais de quelques pas prudents, je me promis de tout faire pour l'arrêter. Si Calamity devait mourir pour cesser de répandre ses malheurs, alors j'étais prête à aller dans ce sens. Je méprisais le meurtre, mais je méprisais avant tout la cruauté et l'avidité.
La répartition de nos rôles était claire : Al allait combattre en corps-à-corps, soutenu de près par le Dieu Aion, Soraya et moi étions à distance avec la tâche d'empêcher Calamity de s'approcher de nous et de Wil, qui était notre guérisseur.
À peine la divinité des désastres avait-elle fait un pas dans notre direction qu'Aion bondissait à sa rencontre en appelant les éléments à lui. La forêt bruissa sous l'assaut de brusques vents violents, l'eau jaillit des canaux de la Place dans un sifflement. Avec un rire féroce, Calamity jeta les bras au ciel pour invoquer la foudre.
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Oneiris - Tome 1 : La Revanche d'Aion [Terminé]
FantasyCinq Dieux primordiaux créèrent Oneiris : le Temps, l'Espace, la Matière, la Vie et la Mort. Pour être au plus près de leurs fidèles, les divinités acceptèrent de se montrer à eux dans des enveloppes charnelles. Nombreux échanges eurent alors lieu d...