Chapitre 8 - Alice

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An 500 après le Grand Désastre, 2e mois du printemps, campement du Rituel de Maturité, Terres du Nord.



Mon crâne bourdonnait douloureusement quand je rouvris les yeux. Je sentis d'abord la neige qui me gelait et le goût métallique du sang dans ma bouche. Vinrent ensuite la luminosité blafarde du ciel et les sons étouffés du campement.

Avec un grognement, je me relevai sur les coudes et observai, interdite, les corps étendus par terre. Certains gardes royaux s'étaient relevés et soignaient mutuellement leurs blessures. Des Nordistes les fusillaient du regard à distance, tenus en respect par la puissance du comte et les armes que pointaient le reste des Occidentaux valides dans leur direction.

En prenant soin de ne pas trop bouger la tête pour limiter la douleur, je parcourus des yeux la zone de combat. La neige, piétinée, était un camaïeu de marron, gris et rouge. Des stalagmites géantes sortaient du sol en luisant au soleil et des lames tombées au sol indiquaient leur position par des reflets aveuglants.

Mon cœur accéléra brutalement quand je vis le comte Wessex Bastelborn penché au-dessus d'Al. Mon ami ne bougeait pas, les bras le long du corps, ses sabres par terre à côté de lui. Pourquoi était-il aussi immobile ? Était-il grièvement blessé ?

L'angoisse afflua dans mes veines et me donna un regain d'énergie. Je me redressai et, tendant la main vers le dos du Noble, j'appelai la foudre à moi. Des frissons coururent sur mes bras, une odeur d'ozone s'abattit lourdement sur nous et l'air se gonfla.

Ace Wessex Bastelborn trébucha tout juste lorsque l'éclair l'atteignit. Lentement, il se retourna vers moi et ma gorge se noua. Ses iris d'un violet clair me toisaient avec animosité.

— Alice Tharros... souffla le Noble et je frissonnai d'entendre mon nom prononcé par cette langue acerbe. Vous êtes particulièrement agaçante.

Nonchalant, il brandit la main dans ma direction. Je sentis un fourmillement dans mes doigts quelques secondes avant qu'un vent violent soufflât face à moi. Je le repoussai par des bourrasques inverses et le tout forma une minuscule tornade qui se dissipa quand le Noble et moi mîmes fin à notre appel des vents.

— Laissez Achalmy tranquille ! tonnai-je en m'avançant de quelques pas. Il n'a rien à voir dans cette histoire.

— Rien à voir ? répéta le comte d'un air étonné, et il éclata de rire. Allons, ma chère princesse, ce jeune homme vous a enlevée pour vous entraîner dans le Nord.

— Il ne m'a pas enlevée ! répliquai-je de vive voix. Je l'ai suivi de mon plein gré.

L'homme secoua la tête en émettant un soupir bruyant.

— Comme vous pouvez être accablants, humains, finit-il par marmonner, l'air sombre.

Ses paroles glacèrent le sang dans mes veines. Cet homme était terrifiant de folie.

Sans me quitter des yeux, il leva le pied et l'apposa délicatement sur la poitrine de mon compagnon. Je vis Al grimacer.

— Quelques côtes cassées ne le tueront pas, m'informa le Noble d'un ton sardonique. En revanche, elles rendront son voyage jusqu'à l'Ouest particulièrement pénible.

Effrayée, je m'arrêtai. Je jetai un regard inquiet à Al, dont le visage pâlissait à vue d'œil. Un homme aussi mince que le comte Wessex Bastelborn pouvait-il vraiment briser des os à la seule force de sa jambe ?

Et, par les Dieux, pourquoi mon ami ne bougeait-il pas ?

— Ne lui faites pas de mal, demandai-je au Noble d'une voix tremblante. Je vous en prie.

Oneiris - Tome 1 : La Revanche d'Aion [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant