An 500 après le Grand Désastre, 3e mois de l'été, le Noyau.
La nuit fut vite arrivée. Après m'avoir forcé à mélanger son sang au mien, Aion avait disparu, nous déclarant seulement qu'il nous réveillerait le lendemain à l'aube. Nous devions nous rendre à la Place des Cinq, principal lieu de culte du Noyau, au cœur du Temple de Timoria. Lorsqu'Alice lui avait demandé pourquoi cet endroit était crucial, le Dieu déchu s'était contenté de répondre que tout finirait là où tout avait commencé.
Je supposais qu'Aion avait été trahi par son ancien Élu sur cette fameuse place.
Je ne savais pas si c'étaient les effets du sang du Dieu dans mes veines, mais j'avais l'esprit en ébullition et le corps tendu. Le ciel avait beau avoir la couleur du fond de la mer, mes yeux étaient grands ouverts et le sommeil loin de moi.
Avec Alice et Wilwarin – l'Impératrice restait dans son coin depuis notre rencontre –, nous avions dîné des restes que nous possédions et de quelques fruits récoltés aux alentours. À la fin du repas, nous avions discuté autour du feu mourant, nous questionnant les uns les autres sur l'idée que nous nous faisions du lendemain. Même Alice, si optimiste, et Wil, si enclin à croire en la bonté de chacun, avaient de mauvais pressentiments pour nous.
Quand les étoiles avaient pris possession des cieux, Wil et Alice étaient partis s'allonger sous l'auvent, épuisés. Quant à moi, si me déchaîner sur le visage du comte – du Dieu – m'avait vidé, j'avais vite repris du poil de la bête. Les heures passées à discuter avec Alice n'avaient fait que raviver la flamme de colère et d'incompréhension en moi. Sans compter sur les révélations d'Aion à propos de notre lien de parenté. Tout ceci ne faisait qu'augmenter mon envie d'en découdre.
De battre Calamity afin de rendre ses pouvoirs à Aion pour qu'il nous laissât pour de bon en paix. De ramener Alice chez elle pour qu'elle assumât enfin ses fonctions de reine. Car, à la suite de la mort de son père, c'était ce qu'elle était. La Reine occidentale. La dirigeante des Terres de l'Ouest.
Des bruits de pas dans l'herbe me firent tourner la tête. Une silhouette menue approchait dans la pénombre. Comme d'habitude, une odeur discrète d'ozone accompagnait Alice partout où elle allait.
Sans un mot, elle s'accroupit à côté de moi. Préférant dormir seul, je m'étais installé à l'écart de l'auvent, près d'un buisson porteur de dizaines de petites baies rouges – en cas de petit creux, c'était pratique. Elle s'était emmitouflée d'une couverture pour contrer l'air frais de la nuit, ce qui la faisait paraître encore plus petite qu'elle ne l'était déjà.
Malgré tout, ce n'était plus la Alice de l'auberge. Ce n'était plus la princesse effrontément naïve qui avait fait s'abattre un éclair en plein milieu d'une ville, qui avait risqué sa vie pour sauver celle d'un inconnu. Ce n'était plus la Alice qui avait fui devant un Noble pour partir dans le Nord avec un Chasseur.
Cette Alice-là était plus avisée. Plus méfiante et moins encline à s'ouvrir à n'importe qui. Je le voyais dans la lueur grave qui dormait au fond de ses yeux sombres. Je le devinais dans sa posture défensive à chaque instant, dans son air sérieux et sa voix maîtrisée.
Lorsque je l'avais vue, alors qu'elle me suppliait d'arrêter de frapper le visage d'Aion, il m'avait fallu une ou deux secondes d'analyse. Physiquement aussi, elle avait changé. Si elle avait une allure d'enfant avec sa silhouette vulnérable, son visage innocent, lorsque nous nous étions quittés, elle était à présent plus mûre. Peut-être pas une femme accomplie, mais une jeune fille proche de l'âge adulte.
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Oneiris - Tome 1 : La Revanche d'Aion [Terminé]
FantasyCinq Dieux primordiaux créèrent Oneiris : le Temps, l'Espace, la Matière, la Vie et la Mort. Pour être au plus près de leurs fidèles, les divinités acceptèrent de se montrer à eux dans des enveloppes charnelles. Nombreux échanges eurent alors lieu d...