chapitre 37 - Terrorisée

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Point de vue de David :

Amélie s'adosse contre le bureau. Elle croise les bras, prend une grande inspiration et entame son récit.

«Je suis venue au bar, le soir où on devait s'y retrouver.
Et... je t'ai vu. Avec une femme.

- Tu as du confondre, Amélie. Je ne t'aurais jamais fait ça. Ce n'est pas du tout mon style.

- Non mais... Ce n'était pas toi. Enfin si, mais c'est elle qui revenait à la charge sans arrêt.

- Aah! Le Post-it!
Non mais, attends, tu n'as quand même pas cru qu'elle m'intéressait?

- Si, un peu... Enfin, pas vraiment. Tu avais plutôt l'air d'essayer de t'en débarrasser.

- C'est un euphémisme! Elle m'a prit la tête un sacré bout de temps!

Ne parvenant pas à comprendre son schéma de pensée, je fronce les sourcils.

Mais... Je ne vois pas en quoi le fait de repousser une autre femme que toi aurait pu te faire fuir de cette façon.
A moins que tu aies à ce point peur d'être aimée...

- Je... t'avais raison, j'ai la frousse, en fait. Honnêtement, je suis complètement​ perdue.
Je me suis rendue compte que j'ai des sentiments pour toi.
Mais ça me terrorise. Avant toi, personne ne pouvait me blesser. J'étais suffisamment détachée de tout sentiment pour être à l'abri de tout.
Mais toi, tu as le pouvoir de me détruire. Tu pourrais m'abandonner du jour au lendemain, alors que je me serais attachée à toi. Ça me donne l'impression qu'il te suffirait de serrer un peu le poing pour broyer mon coeur, et c'est une idée insupportable pour moi.

Alors, c'est vrai que la dernière fois, tu la repoussais, cette femme, mais ce n'est ni la première, ni la dernière. Tu diriges un bar.
Je veux dire, tu en côtoie des tas.
Donc peut-être que ce jour là tout allait bien, et qu'elle ne t'intéressait pas.
Mais demain?

Une dispute, une femme bien plus belle que moi, plus intelligente, moins cinglée...
Et je ne serais plus qu'un lointain souvenir pour toi.

Je ne peux pas supporter de vivre avec cette angoisse permanente.
L'angoisse de te perdre et la crainte de souffrir encore une fois.
Je suis désolée, David. Mais j'ai eu beaucoup trop de douleur dans ma vie. Je ne peux pas me permettre de prendre de risque si je veux survivre.»

Alors c'est ça l'explication?
N'y tenant plus je me rapproche d'elle et la prends dans mes bras.
Parce que je ne sais pas quoi dire.
Parce que j'en ai besoin, et j'ai l'impression qu'elle aussi.

Elle s'accroche à moi et me serre aussi fort qu'elle le peut.
Nous restons un moment ainsi, enlacés.
J'ai le sentiment que le temps s'est arrêté, et que ni elle, ni moi, n'avons la moindre envie de bouger.
Malheureusement, le temps n'a jamais de fin. Il continue inlassablement sa course indifférent à tout ce qui peut se passer dans nos vies.

Amélie finit par se dégager, les yeux embués.

«Je dois partir. J'ai prit beaucoup de retard, j'ai du travail.
Prends soin de toi, David.»

Elle tourne la tête et s'apprête à partir.
Elle cherche à le cacher, mais j'aperçois une larme couler le long de sa joue.

Non! Ça ne peut pas se terminer comme ça!
Il faut que je trouve une solution immédiatement!
J'ai l'intime conviction que si je la laisse partir, je ne la reverrais plus jamais.

«Viens travailler avec moi. J'ai besoin d'une serveuse.» Dis-je d'une voix forte.

Elle se fige, la main sur la poignée.

«Ne fais pas ça David. Ne rends pas les choses plus difficiles qu'elles ne le sont déjà. On vient de se faire nos adieux, et c'est bien mieux comme ça.
En plus, tu as déjà une employée.

- Elle a démissionné. J'ai été exécrable depuis... Que tu es partie sans explication. Du coup, je me retrouve seul pour tout gérer.
Accepte. Comme ça, tu pourras voir que personne d'autre que toi ne m'intéresse.
Et puis, vu que ma serveuse s'est envolée en partie à cause de toi, on peut considérer que tu me dois bien ça, dis-je d'un ton ironique.

Elle se retourne d'un coup et croise les bras sur sa poitrine.

- Oh, bien sûr, ça va être de ma faute si tu te comportes mal, maintenant!
C'est non, David.
Oublie-moi.

- Écoute mon coeur, personne ne peut prédire l'avenir.
Alors, c'est vrai, peut-être qu'un jour, dans un paquet d'années, je te quitterais.
Ou peut-être pas. Il se peut que ce soit toi qui me laisses tomber pour un autre, ou simplement parce que tu ne m'aimes plus. Ou peut-être pas.
Mais, même si ça ne devait durer qu'un temps défini, le bonheur ne vaut-il pas la peine d'être vécu, peu importe sa durée?
Ne peux-tu vraiment pas imaginer l'éventualité qu'on vive un avenir bien rempli et heureux? Qui te dit que tu ne passeras pas à côté d'une histoire qui aurait fonctionné?
Il y a des centaines de gens qui rêveraient de connaître ce que nous avons, même pour une seule journée. Et toi, tu voudrais l'ignorer?
Laisse-nous une chance, mon coeur. S'il te plait.»

Elle me regarde en fronçant les sourcils, comme si elle cherchait à intégrer et analyser toutes les possibilités que je venais de lui offrir.

«Oh, et puis merde! souffle-t-elle»

Elle se jette dans mes bras et m'embrasse passionnément.
Je mets quelques secondes à assimiler ce qui vient de se passer, mais je me ressaisis vite et pose mes mains sur ses hanches avant de les glisser sous son haut et de les remonter au niveau de sa taille.
Elle se colle à moi, sa langue caressant la mienne dans une danse éffrénée tandis que je commence à me sentir à l'étroit dans mon pantalon.

«Hé, oh, les amoureux, y'a des hôtels pour ça!» S'exclame Anna en ouvrant brusquement la porte.

Je soupire. Ça m'avait tellement manqué.
C'est comme si j'avais traversé le désert, et qu'enfin, on me donnait de l'eau.
Plus j'y pense, et plus je me dis que c'est exactement ça : on ne peut pas survivre sans eau, tout comme moi je n'imagine pas vivre sans elle.

Finalement, je parviens à convaincre Amélie de quitter son emploi pour un autre, mieux payé, et à mes côtés.
Mais elle veut finir sa tournée, parce qu'elle ne veut pas mettre son employeur en porte à faux alors qu'il lui a donné sa chance quand elle n'avait rien d'autre.
Seulement moi, je ne supporte pas l'idée de la laisser s'éloigner. J'ai trop peur qu'elle ne change d'avis.

Je ne veux pas prendre le risque de la perdre encore une fois.
Alors, nous trouvons un compromis lorsqu'elle finit par accepter que je l'aide pour sa dernière tournée.

Amélie me regarde m'acharner sur une tâche, l'air surpris.

«Qui t'a apprit à faire ça?» Me demande-t-elle en souriant tendrement.

Je lui explique qu'un jour, ma mère est tombée malade et que j'ai suivi ses instructions, à la lettre parce que je voulais l'aider, et que par la suite, je n'ai jamais voulu dépenser inutilement l'argent en employant quelqu'un pour nettoyer mon appartement, ou même mon bar. Sans vouloir sous entendre que son travail est superflu, bien entendu.

La journée avance à grand pas, et nous rattrapons rapidement le retard qu'elle avait prit à cause de moi.
Je n'ai pas autant d'expérience qu'elle, mais ça va quand même nettement plus vite à deux. Et c'est bien plus amusant, surtout.

Amélie semble apprécier la journée autant que moi.
Finalement, épuisés, nous rentrons chez moi prendre une douche et manger.
Elle s'occupe de cuisiner tandis que je mets la table.
C'est tellement banal, tellement normal... Ça me paraît presque irréel pour nous.

«Repose-toi, lui dis-je. Je vais devoir descendre ouvrir le bar.
Je reviens tout à l'heure.

- Certainement pas! Je viens aussi.
Je me reposerai tout à l'heure, avec toi.»

Prouve moi que tu ne m'aimes pas (Terminé / En Correction!)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant