Chapitre 29 - Confidences

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Point de vue de David :

J'ouvre la bouche, mais je reste muet.

Mon instinct me dit que je ne dois pas me planter sur ce coup. Je pèse chacun de mes mots et dis en la regardant dans les yeux :

"- Alors c'est ça...

- De quoi c'est ça?

- Cette nuit tu as crié.

- Je sais...

- Tu as dit des choses aussi.
Alors, j'hésitais entre ça, ou tes parents qui te battaient, comme tu ne t'entends pas bien avec eux.

Mais je penchais plus pour... ça.
Il me semble que ça correspond plus au le détachement dont tu fais preuve envers ton corps.

-Les deux en fait.

-Pardon?

Je me fige.
Mon dieu, pourvu qu'elle ne me dise pas que c'est son père qui lui a fait ça...

Je me retiens de dire quoi que ce soit, même si j'aurais tant de questions à lui poser, et tant de choses à lui dire.

Je serre les poings et attends qu'elle soit prête à en dire plus, en espérant qu'elle le fasse.

- Mon père me battait.

Je déglutis avec difficulté, mais parviens à m'abstenir de tout commentaire.

J'ai toujours eu un caractère fort, déjà enfant. 
Et lui, il travaillait beaucoup, il était fatigué, et il ne me supportait pas.

Alors il me tapait, parce que je désobéissais, ou parce que je lui tenais tête, parce que j'avais fait une bêtise... J'étais dure aussi, tu sais...

Cette fois, c'en est trop pour moi. Je ne  peux plus m'empêcher la couper :

- Ce n'est pas une excuse!

Elle me regarde, l'air surpris, mais continue son récit.

- Non. Mais je ne le savais pas encore.
Moi, je n'étais qu'une petite fille, et j'ai fini par croire que je devais forcément obéir aux adultes. Que je devais faire ce qu'ils me disaient si je voulais qu'ils m'aiment, ou au moins, qu'ils ne me frappent pas.

J'ai cru que les adultes avaient le droit de me faire mal. De m'humilier, et de blesser mon corps..."

Soudain, j'ai la bouche très sèche, et j'ai tellement envie de la prendre dans mes bras, mais je sens que c'est la pire chose que je pourrais faire en ce moment, alors je me contiens. 

"C'est ton père qui t'a fait ça?

-Non. Mais je lui en veux tout autant, parce qu'en plus de m'avoir tapée, il m'a apprit à me laisser faire, surtout par les hommes.

Et j'en veux à ma mère parce qu'elle ne le quittait pas.
Elle ne l'empêchait même pas de me battre. ça semblait normal, tu vois.

 C'était normal de subir ça, parce que j'avais un foutu caractère. C'était ma faute, pas la leur. 

Je jouais souvent dehors, chez ma nourrice, qui me laissait toute seule. 

Mes parents le savaient, mais ils ne disaient rien. Il ne fallait pas risquer de perdre la nounou. Comment en trouver une autre qui supporterait une gamine comme moi?

Un jour, un homme m'a dit de venir avec lui.
Et tu sais quoi? Je l'ai suivi sans poser la moindre question. Il n'à même pas eu besoin d'insister. 

- Tu devais obéir..."

Elle verse une larme et reprend :

" Oui. C'était un adulte, alors je devais faire ce qu'il me disait.

Au fond de moi, je savais que c'était mal. Que ne n'était pas normal de nous enfermer dans un endroit sombre, de descendre ma culotte, de me lécher entre les cuisses...

Mais... Mais je n'ai rien dit. Rien du tout. Je ne me suis pas débattue, je n'ai pas pleuré. Je n'ai même pas essayé de dire non.
Je me suis dit que si je ne bougeais pas, il me ferait peut-être moins de mal.
Comme papa, il se calmait plus vite si je ne m'enfuyais pas quand je devais être corrigée.»

Elle s'arrête, les yeux dans le vide, comme si elle revivait cette horreur, à l'instant même.
Je prends une de ses mains entre mes miennes, et la caresse doucement, sans dire un mot.
Elle recommence alors à parler.

«Après ça, je me suis sentie tellement sale. Tellement coupable. Coupable de n'avoir rien fait pour empêcher ça. C'est comme si j'avais consenti.

- Tu avais 8 ans, Amélie. Comment une petite fille de 8 ans pourrait consentir à ça? 

Tu ne savais même pas encore ce que c'était que la sexualité. 

Et quand bien même, qu'est-ce qu'une petite fille aurait pu faire face à un adulte. 

Tu n'es coupable de rien du tout. C'est lui le dégueulasse.

- Je le sais. Aujourd'hui. Mais il m'a fallu des années pour le comprendre.
Après ça, les choses se sont compliquées encore plus avec mes parents.
J'ai eu mes règles pas longtemps après... cet... épisode...
Et... Ils n'ont pas fait le lien avec le fait que je me renferme sur moi-même, que je sois si agressive, surtout envers mon père...

Ils ont mit ça sur le compte d'une adolescence précoce, ils m'ont emmené chez des pédopsychiatres, à qui je n'ai pas dit tout ça.

J'ai arrêté de me confier. Je ne voulais pas raconter que j'avais accepté ça. 

Je voulais juste tout oublier, et c'est ce que j'ai réussi à faire.
J'avais mit ça tout au fond d'un tiroir, dans mon esprit, bien caché derrière un tas de souvenir.

Je me suis enfermée dans les livres.
Je les dévorais. J'avais soif d'apprendre, soif de vivre. Vivre d'autres vies que la mienne, plus belles et plus riches.

Je me suis construite comme ça, pierre après pierre.
Tout petit à petit. A travers des livres, à travers des personnages qui avaient des valeurs que je trouvais belles.

Les conflits avec mes parents s'étaient plus ou moins calmés.
J'avais trouvé un certain équilibre. Précaire. Mais un équilibre malgré tout.

Jusqu'à mes 13 ans.

Je vivais mon premier amour depuis un an. Les filles de mon âge tenaient toutes à leur virginité.
C'est une étape importante.
D'ailleurs, pour la plupart, elles ne pensaient encore même pas à sauter le pas.
Pour elles, ça se résumait à quelques baisers.

Moi, je ne me suis pas posée la question. Je ne me suis pas demandé ce que ça allait changer, ni si j'allais souffrir.
Après coup, j'ai mieux compris pourquoi.

Tout est revenu d'un coup. Tout ce que j'avais oublié...
Refoulé en vérité, parce que j'étais trop jeune pour comprendre vraiment ce qui m'était arrivée.
Trop jeune pour savoir ce que c'était que le sexe, et encore moins l'abus. 

Mais je me suis souvenue de tout, chaque détail. Comme si je revivais la scène une deuxième fois. 

Et je ne l'ai pas supporté."

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Bonjour/bonsoir! (Selon l'heure à laquelle vous me lisez lol!)

Si y'a des bacheliers parmis vous, j'espère que vous avez eu votre bac, si oui félicitations!! 🎉🎊
Et sinon, bon courage pour les rattrapages 😘

De mon côté, j'ai fini ce roman. Pour vous il reste une bonne dizaine de chapitres.

Qu'avez vous pensé de celui là?






Prouve moi que tu ne m'aimes pas (Terminé / En Correction!)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant