I - Feu

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- Tu viens, Andreï ?

- Évidemment ! C'est où, ce soir ?

- Dans le centre, on cherchera !

Les deux garçons s'envoyèrent un large sourire avant de partir d'un pas alerte vers le centre-ville de Pétrograd. Quelques temps plus tard, ils entraient dans une salle pleine d'où s'échappaient des effluves d'alcool et un boucan infernal. Andreï sauta sur le groupe que formaient ses amis déjà sur place et s'écria :

- Alors, alors, alors ? Est-ce qu'il y en a des bonnes ?

- Tu parles de quoi ? Rétorqua l'autre. Des filles ou de la vodka ?

Et tous éclatèrent d'un rire gai en lançant quelquefois une grande bourrade dans le dos du jeune homme. Celui-ci voulut répliquer mais il fut pris de court...

- Les deux, mon capitaine ! Andreï passe ses soirées entre une bouteille et la plus belle nana de toute la salle ! Je ne sais pas comment il fait, mais aucune ne lui résiste.

- Comment je fais ? Bondit Andreï en s'accoudant au bar avec un sourire ravageur exagéré. C'est pourtant bien simple, je reste naturel.

Et il fit voler sa mèche, geste qui provoqua le rire de ses amis. Il rit avec eux et se retourna subitement pour observer la pièce d'un œil ravi et sévère.

- Là-bas... Il y en a une jolie.

- Tente ta chance, mon ami, mais elle est réputée pour distribuer des baffes à tout venant. C'est une furie.

- Chut, pas de médisances. On ne résiste pas à Zeus.

Et Andreï s'avança lentement avec son sourire en coin, sa démarche dansante et ses yeux tendres. Effectivement, il faisait forte impression. Et la belle qu'il avait touché dans le coin de la salle s'attarda également sur ses traits durs, son sourire naïf et ses yeux clairs et bleus. Il avait du charme, c'était indéniable.

- Bonjour, poupée, commença-t-il en s'appuyant d'une main contre le mur de façon à approcher son visage au plus près du sien. Je t'ai repérée de loin, tu sais.

Ce-disant, il s'attarda sur ses traits doux, cet ovale parfait et cet air angélique.

- Ah oui ? Répliqua-t-elle dans un sourire qui creusa une fossette malicieuse. De loin ? Je suis flattée. Mais vous m'importunez, monsieur.

Andreï ne comprit pas pourquoi elle insistait autant sur le monsieur. Mais il poursuivit de ce même ton sûr de lui :

- Oh ! Tu peux me tutoyer. Les belles femmes ont le droit d'afficher une proximité avec moi.

Le visage de la jeune fille se ferma un peu plus. Un éclair de tristesse passa dans ses yeux et elle lâcha :

- Je suppose que les autres femmes ne vous inspirent que du mépris. Mais vous êtes fier d'exhiber votre harem.

- Ne joue pas avec les mots, cela me perturbe. Dis-moi, comment t'appelles-tu ?

- Et vous ?

Il se redressa et sourit. Elle lui résistait. Bien, cela changerait un peu la monotonie du programme.

- Andreï Vassili Treskovitch. Le futur comte.

La jeune fille ne prit pas garde à l'éclat de fierté qui brillait dans les pupilles du jeune homme et elle répliqua sèchement :

- Natacha Iliana Darienine. La future lingère ou poissonnière ou esclave !

Elle avait crié ce dernier mot, lancé des éclairs de ses yeux ombragés, et tourné des talons pour fuir vers la sortie. Andreï resta quelques instants interdits avant de la poursuivre dans la rue. Il venait de comprendre qu'il avait fait un impair et s'en mordait terriblement les doigts.

Le Prince russeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant