XIX - Sortie

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- Natacha !

La porte ne s'ouvrit pas. Andreï était inquiet.

- Natacha, s'il te plaît ! Ouvre-moi !

- Qu'est-ce que tu veux encore ?

- C'est toi qui m'a jeté à la rue ! Ne prends pas ce ton énervé.

- Si c'est pour me parler comme un chien, tu peux t'en aller tout de suite.

- Je veux juste qu'on s'explique.

Méfiante, la jeune fille le fit entrer chez elle. Il avait maigri depuis la dernière fois où elle l'avait vu. Et elle comprit rapidement que l'angoisse en était la première cause. Il est vrai que les difficultés ne l'avaient pas épargné ces derniers temps.

- Comment vas-tu, Andreï ?

- Mal. Par ta faute. Maintenant, j'attends tes excuses.

- Comment ?

- Si tu avais été un homme, je t'aurais demandé réparation, Natacha Iliana Darienine.

- Et toi ? Crois-tu que cela ne m'ait pas fait grand mal lorsque j'ai vu que tu préférais ton propre père à moi ?

- Ce n'était pas toi que le plan attaquait, mais ton père. Excuse-toi, Natacha.

Elle vit combien toutes paroles étaient vaines et lâcha, comme à regret :

- S'il n'y a que cela pour te calmer, je m'excuse. Et toi ? Tu m'as fait mal aussi.

- C'est vrai. Mais tu viens d'attaquer très fort, Natacha.

- Ce n'est pas moi : mais mon père et ton ami.

- Et pour moi de même : il ne s'agissait que de mon père.

- Andreï, tu es entré dans son jeu. Tu as utilisé la gentillesse de mon père qui te proposait un asile dans ta fuite pour le trahir et le discréditer !

- Mais j'y étais forcé ! Et toi ? Crois-tu que la lettre de ton père à Lénine n'a pas brisé mon père ? Et Nicolas derrière tout cela...

- Forcé ? Forcé ? Tu n'étais forcé de rien ! Tu aurais pu préférer mon amour à ta piété filiale.

- J'aurais pu. Mais je n'aurais jamais pensé que tu réagirais de la sorte et me renierais complétement.

- C'est compliqué.

- Ce sont les intrigues de nos parents.

- Non, c'est faux. Andreï, tu as montré en rentrant dans le jeu de Staline que ton amour pour moi avait des limites. Cela te concerne aussi, et de très près.

- Tu es donc persuadée que je ne t'aime pas ?

Elle ne répondit pas, mais leva son menton d'un petit air de défi et croisa ses bras.

- Natacha, je t'adore. Et pourtant tu m'as fait bien du mal. Mon père et moi sommes à la rue. Tu aurais pu l'empêcher. Nous devons sans cesse nous cacher. Nous devrons certainement fuir. Les bolchéviques nous haïssent désormais. Ton amour aussi a donc des limites ? C'était une basse vengeance de s'attaquer ainsi à nous.

- Où vivez-vous ?

- Je ne te le dirai pas. Je ne sais pas si je peux te faire confiance.

- Oh, Andreï ! Comment m'aimes-tu ?

Et il comprit alors cette chose bouleversante. En son âme brûlaient deux passions : sa fierté familiale et personnelle et son amour. Ces deux passions se combattaient sauvagement, dans un combat sans merci qui déroutait le jeune homme. Mais un sentiment prenait le pas sur l'autre et s'apprêtait à remporter la victoire... L'amour.

Le Prince russeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant